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Autorité de contrôle prudentiel : un changement de structure pour un vrai changement de nature

La création de la nouvelle Autorité de Contrôle Prudentiel, née le 21 janvier 2010 de l’ordonnance n° 2010-76, n’a pas suscité ni une très vive attention, ni beaucoup de commentaires. Il est vrai que la réforme ne prendra sa dimension concrète qu’avec la publication du décret d’application qui permettra de constituer la nouvelle Autorité dont la première réunion déclenchera l’entrée en vigueur des nouvelles règles. Sans attendre, l’analyse des dispositions législatives publiées révèle des changements importants, par delà de l’organisation, qui portent sur la nature même des contrôles dont l’ACP sera chargée.


Autorité de contrôle prudentiel : un changement de structure pour un vrai changement de nature
La juxtaposition des quatre précédentes autorités de surveillance des secteurs banques et assurances a produit plus qu’un nouveau superviseur : elle aboutit à une nouvelle forme de régulation, plus protectrice des consommateurs.

L’organisation de la nouvelle autorité
Le changement le plus évident introduit par la réforme, c'est le rassemblement dans une seule autorité des rôles de superviseur du secteur bancaire et du secteur des assurances. Auparavant, le secteur bancaire était sous la double supervision du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) en charge de la délivrance des agréments et de la Commission bancaire (CB), en charge du contrôle permanent des établissements et de la sanction des manquements constatés (le code monétaire et financier dispose qu'elle est une juridiction administrative, lorsqu'elle conduit une procédure de sanction). S'agissant du secteur des assurances, les agréments relevaient du Comité des entreprises d'assurances, autorité administrative collégiale indépendante, dont la mission, la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par le code des assurances. Toutefois, les mutuelles régies par le code de la Mutualité et les institutions de prévoyance relevaient de la compétence du ministre chargé de la Mutualité et de la sécurité sociale. Quant au pouvoir de contrôle et de sanction, il était exercé par l'Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (Acam), en charge du contrôle de l'ensemble du marché français de l'assurance.
La troisième autorité, l'AMF, est pour l'essentiel restée hors du champ de la réforme, mis à part des mesures de coordination destinées à faciliter la collaboration entre les superviseurs.

Une autorité organisée en collèges
La nouvelle Autorité de contrôle prudentiel sera une autorité administrative indépendante, même si elle ne disposera pas de la personnalité morale. Elle cumulera les rôles et missions qui étaient confiées à CB, CECEI, CEA, ACAM. Elle sera présidée par le gouverneur de la Banque de France, avec un vice-président dédié aux secteurs de l'assurance. Elle sera composée de 16 membres et sera organisée en différents collèges et sous-collèges. Pour simplifier, la formation plénière sera en charge des orientations générales. Il existera deux sous-collèges sectoriels, correspondant globalement aux périmètres antérieurs de la Commission bancaire et de l'Acam. Les affaires les plus sensibles pourront être examinées dans une commission dite « restreinte », composée de huit membres comme les deux sous- collèges sectoriels, à qui seront notamment attribués les dossiers posant des questions transversales aux deux secteurs ou concernant des conglomérats financiers ayant une double activité. Les questions individuelles (agrément, discipline ou engagement d'une procédure de sanction) ne relèveront pas de la formation plénière ni d'un des sous-collèges ou de la formation restreinte. Des commissions spéciales pourront être créées par l'autorité.

Une commission des sanctions
Au-delà de la volonté d'assurer un contrôle transversal sur les secteurs banque et assurances, la réforme a été rendue nécessaire par un arrêt rendu le 10 juin 2009 par la Cour européenne des droits de l'homme sur la plainte d'une société « Dubus », qui avait contesté la régularité de la procédure disciplinaire engagée à son encontre par la Commission bancaire. Le juge de Strasbourg a condamné la France à l'unanimité en soulignant le caractère trop imprécis des textes régissant la procédure devant cette Commission et la nécessité de distinguer plus clairement des fonctions de poursuite, d'instruction et de sanction. C'est d'une jurisprudence comparable qui avait conduit, en 2000 puis 2003, à constituer au sein de la COB puis de l'AMF une commission distincte du collège, en charge de la procédure juridictionnelle de sanction.

La nouvelle commission des sanctions de l'Autorité sera composée de cinq membres : deux magistrats (un conseiller d'État président et un membre de la Cour de Cassation) et de trois professionnels qui ne pourront être ni salariés, ni mandataires sociaux d'un établissement soumis au contrôle. Des suppléants permettront d'assurer le respect des règles de déport et de récusation permettant d'empêcher qu'un des membres de la juridiction appelée à statuer sur une affaire ne soit en conflit d'intérêts.

Une autorité adossée à la Banque de France
Au-delà de la présidence par le gouverneur de la Banque de France, « l'adossement » introduit par l'ordonnance résulte de ce que les moyens de la nouvelle Autorité lui seront mis à disposition par la banque centrale qui va devenir l'employeur des agents du secrétariat général de l'ACP. Par voie de conséquence, le corps de contrôle des assurances, qui est un corps de débouché de l'Ecole Polytechnique dédié au contrôle du secteur, sera désormais employé par la Banque de France.

Ce schéma peut paraître singulier : pourquoi affirmer qu'une autorité « indépendante » distincte de la banque centrale est mise en place alors que son fonctionnement concret paraît entièrement dépendre de celle-ci ? Pour étonnant que cela puisse paraître, c'est un schéma qui est de plus en plus couramment adopté dans les Etats membres de l'Union européenne. En effet, le traité de l'UE garantit à la fois l'indépendance et les pouvoirs des banques centrales nationales, dans le cadre du système européen des banques centrales (SEBC). Comme ces banques centrales conservent un rôle majeur et doivent disposer des pouvoirs les plus étendus et efficaces pour intervenir au soutien de la stabilité du secteur financier en général, des banques et des systèmes de paiement en particulier, la Banque centrale européenne, qui doit être consultée sur tout projet de réforme de cette nature, veille à ce qu'un équilibre soit organisé entre « l'indépendance opérationnelle » du superviseur que le comité de Bâle exige, et la conservation de pouvoirs efficaces de contrôle de l'activité bancaire par la banque centrale nationale. Le mécanisme de l'adossement apparaît comme la meilleure façon de concilier ces deux objectifs un peu contradictoires.

Toujours pour garantir l'indépendance de la BdF, l'autorité de contrôle prudentiel sera financée par une taxe spéciale, « contribution pour frais de contrôle », à la charge des contrôlés. Cela existait déjà dans le domaine des assurances. La loi de finances pour 2010, du 30 décembre 2009, avait introduit une taxe analogue à la charge des établissements de crédit et de paiement. Les deux dispositifs seront aménagés pour être fusionnés dans le code monétaire et financier. Ils se substitueront au dispositif antérieur à partir de la première réunion de la nouvelle autorité.

Des pouvoirs nouveaux, pour une régulation efficace
Le détail des nouvelles procédures sera réglé par un décret d'application qui reste en cours d'élaboration. Ce n'est qu'après sa publication que la nouvelle autorité pourra être composée. La première réunion de son collège marquera l'entrée en vigueur de cette nouvelle législation. Mais d'ores et déjà, les dispositions législatives publiées par l'ordonnance dessinent de nouveaux mécanismes avec lesquels il faut se familiariser.

Des pouvoirs de contrôle renforcés entre les mains du secrétaire général de l'ACP
La nouvelle Autorité va bénéficier de l’expérience et du meilleur des pouvoirs dont disposait chacune des autorités préexistantes. Des pouvoirs nouveaux lui sont également conférés, comme celui d’infliger des astreintes, sur le modèle des injonctions que l’autorité de la concurrence peut adresser à des entreprises pour obtenir communication de tout document utile à son contrôle. Outre l’existence des contrôleurs de la Commission bancaire et de l’Acam, qui vont élargir et enrichir les moyens à sa disposition, la nouvelle autorité aura la possibilité de recourir à des experts extérieurs spécialement mentionnés, pour les questions les plus techniques.
La nouvelle Autorité conservera de très larges pouvoirs de police administrative, en amont de toute procédure de sanction, lorsque les circonstances ou la protection des marchés l’exigent, ses pouvoirs pouvant aller jusqu'à imposer la mise en place d'un administrateur provisoire à la tête des organismes contrôlés.

Dans le domaine du contrôle des établissements de paiement, signalons le pouvoir d'imposer à un établissement de paiement « hybride » de se scinder en deux entités distinctes dont un « pur » établissement de paiement, déjà prévu au code monétaire et financier, et qui relèvera désormais des pouvoirs de police administrative de l’ACP.

Lorsqu’un établissement soumis au contrôle fonctionne d’une manière qui n’est plus conforme, soit aux textes qui lui sont applicables (du code monétaire et financier ou du code des assurances) soit aux prescriptions qui lui sont imposées par le régulateur, la nouvelle autorité peut le mettre en demeure de prendre dans un délai déterminé toute mesure de mise en conformité.

Une procédure de mise en garde
Cette procédure nouvelle est introduite par article L. 612-30 du code. Lorsque l’autorité constate qu’un établissement contrôlé « a des pratiques susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires », elle peut, « après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs explications, le mettre en garde à l’encontre de la poursuite de ces pratiques en tant qu’elles portent atteinte aux règles de bonnes pratiques de la profession concernée ».
Cette procédure nouvelle va permettre à l’Autorité d’exercer de manière progressive et graduée ses pouvoirs de police administrative dans l’exercice d’une mission très nouvelle, introduite par l’ordonnance : une mission de sécurité des consommateurs.

Une mission nouvelle sur la sécurité des consommateurs
Comme l’expose le rapport au Président de la République, publié avec l’ordonnance, « la crise a renforcé le besoin de sécurité chez les consommateurs d’assurance et de produits bancaires(…) Elle nécessite une attention croissante et soutenue des superviseurs sur les pratiques de commercialisation. C’est pourquoi la réforme place la protection du consommateur au cœur de la supervision (l’ACP) devra consacrer des moyens significatifs aux questions de relations avec les clients, à leur contrôle au sein des entreprises et à la surveillance des intermédiaires »

En pratique, cette mission nouvelle est traduite dès l’article L. 612–1 qui crée la nouvelle Autorité, au II, par l’ajout d’un 3° après les missions consistant à 1° statuer sur les demandes d’autorisation qui lui sont adressées et 2° exercer une surveillance permanente de la situation financière et des conditions d’exploitation des personnes contrôlées.

Cette mission consiste à veiller « au respect par les personnes soumises à son contrôle des règles destinées à assurer la protection de leur clientèle, résultant notamment de toute disposition législative et réglementaire ou des règles de bonne pratique de leur profession, constatées ou résultant de ses recommandations, ainsi qu’à l’adéquation des moyens et procédures qu’elles mettent en œuvre à cet effet ; elle veille également à l’adéquation des moyens et procédures que ces personnes mettent en œuvre pour respecter le livre Ier du code de la consommation ». Traditionnellement, dans la plupart des pays, les superviseurs bancaires se bornaient à contrôler l'activité et à surveiller l'existence de fonds propres suffisants pour couvrir les risques de l'activité bancaire, l’arrivée de législations et de jurisprudences protectrices des consommateurs se traduisant essentiellement par une exigences renforcée pour que les risques qui en découlent soit mieux provisionnés. C’est donc un changement majeur qui s’est ainsi introduit.

Une innovation majeure : les règles de bonnes pratiques
Pour qu’il soit possible d’assumer cette mission nouvelle, en ayant le cas échéant le pouvoir d’infliger des sanctions aux établissements qui ne tiendraient pas compte des mises en garde adressées par l’ACP, devant des pratiques contraires aux intérêts de leurs clients, il fallait que la nouvelle ordonnance fournisse de nouvelles références sur les règles à respecter.

Il n’était sans doute pas question, pour le gouvernement, de reproduire dans le code monétaire et financier ou au code des assurances un encadrement « consumériste » de l’activité de ces secteurs. D’ailleurs, il existe déjà de nombreuses dispositions en ce sens au code de la consommation : ce sont les services de la concurrence et de la répression des fraudes qui sont compétents pour constater et sanctionner les infractions. Les consommateurs ont depuis longtemps appris à saisir ces services des abus dont ils s’estiment victimes.

La solution qui a été adoptée consiste à introduire parmi les principes au respect desquels la nouvelle autorité va veiller : les « règles de bonnes pratiques de leur profession, constatées ou résultant de ses recommandations ». Cette formulation recouvre les règles existantes, qu’elles résultent de dispositions législatives ou réglementaires ou, surtout, de la jurisprudence. C’est en particulier le cas du célèbre « devoir de conseil » que la jurisprudence judiciaire impose désormais aux établissements bancaires.

Le code monétaire et financier introduit également l’idée que l’ACP publiera des « recommandations » destinées à baliser les modalités d’exercice des professions contrôlées : de véritables recueils de doctrine pratique qui contribueront à façonner l’exercice du métier de banquier, d’assureurs… ou de prestataire de services de paiement !
À cet égard, la création d’une autorité compétente de manière transversale sur les banques et sur les assurances a certainement renforcé la tendance choisie par le gouvernement de meilleure protection des consommateurs.

En effet, alors que les superviseurs bancaires ne s’immisçaient pratiquement jamais dans les questions de relations contractuelles entre les établissements et leurs clients, le régulateur des assurances était dans l’obligation de le faire. Pour une banque, le risque de faillite, c’est le retrait simultané des dépôts par les clients. Pour une assurance, aussi bien en garantie des dommages qu’en assurance-vie, l’entreprise peut jouer sur le délai de remboursement ou sur la contestation de ce que le versement soit dû. Il n’y a donc pas de contrôle des assurances possible, sans contrôle de la relation contractuelle avec les clients, assurés ou bénéficiaires. En rassemblant les deux contrôleurs dans la même entité, il était difficile de maintenir une telle différence dans le contrôle.

Désormais, au titre de cette mission de protection des clientèles, l’autorité de contrôle prudentiel sera chargée de veiller au respect des engagements, par les établissements que cette autorité agréée, vis-à-vis de leur clientèle.

CANTON Y RÉFLÉCHIT …
Quelles qu’aient été les motivations du Gouvernement en créant cette nouvelle Autorité de Contrôle Prudentiel, on ne saurait y voir seulement « une réforme technique de plus », un simple changement pour le plaisir de changer. D’une part, la création de la nouvelle ACP rapproche encore le paysage bancaire français des normes européennes. D’autre part, en organisant une approche et un contrôle uniques pour les activités de banques et d’assurance, elle renforce significativement la protection du consommateur, l’efficacité du contrôle et les exigences en matière de conformité. Sans préjuger de ce que sera l’avenir, l’autodiscipline et les différents comités (internes ou professionnels) d’agrément des nouveaux produits ont montré leurs limites à l’occasion de la récente crise financière : assez classiquement, en France comme en Europe et en Europe comme dans le reste du Monde, l’Etat reprend la main. Chasse aux paradis fiscaux, DSP, SEPA, Loi Lagarde et ACP : décidément le métier de banquier n’est plus, et il sera de moins en moins, ce qu’il a été dans le passé.

Cet article est extrait du dossier «Autorité de contrôle prudentiel : un changement de structure pour un vrai changement de nature» du numéro 43 de la revue « Échos de Canton – Les nouvelles dynamiques du paiement ».


CANTON y réfléchit

Experts Services de Paiement : experts du cabinet Canton Consulting, le think tank des nouvelles dynamiques du paiement

Canton Consulting

9-11, Av FD Roosevelt,
75008 Paris
www.cantonconsulting.eu


Mardi 9 Mars 2010




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