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2008 - 2023 : Le piège tendu aux VC….et aux start-ups

Dans les lignes qui suivent, nous allons essayer de comprendre les raisons de la situation de blocage actuelle, caractérisée par des start-ups largement surévaluées et mettant en risque la suite de leur programme de financement et donc leur développement. Commençons par rappeler la chronologie des faits. Par Stéphane Hincourt-Thomassin, Managing Partner de Calmon Partners Financial Services.


Il faut évidemment remonter à l’après 2008 lorsque les banques centrales du monde entier ont abaissé les taux d'intérêt à des niveaux records pour stimuler la croissance économique puis, comme la baisse des taux d'intérêt à près de 0% ne suffisait pas, lorsque les États-Unis ont ajouté "l'assouplissement quantitatif" (essentiellement le gouvernement donnant plus d'argent aux banques en achetant les obligations qu'elles détenaient) afin d'encourager les banques à prêter encore plus.

Tout le monde a profité de cet afflux massif d’argent bon marché, les entreprises ont pu soutenir leurs activités en empruntant à des taux bas tandis que les consommateurs ont vu leurs dépenses stimulées, soutenant encore plus l’activité des entreprises.

Les investisseurs ont alors cherché des moyens de mettre cet excès de capital au travail. Les LP’s, que ce soient des particuliers fortunés ou des institutions, ont donné plus d'argent aux VC, faisant des 5 dernières années une période d'allocation record dans cette classe d'actifs.

Avec plus de capital circulant dans le système, la pression pour le déployer augmente mécaniquement. Cela conduit à davantage d'investissements réalisés à une vitesse plus élevée et, dans de nombreux cas, avec des critères moins stricts. Des transactions ont pu être réalisées tous azimuts permettant aux fonds d’afficher des "mark ups" plus importants et plus facilement que par le passé et rendant encore plus facile la levée de fonds auprès des LP’s.

D’autres phénomènes sont venus s’inviter à la danse. C’est le cas de la ruée vers les cryptomonnaies entre 2020 et 2021 qui a encore plus bouleversé l'écosystème. Avec l’envolée du bitcoin et autres crypto-monnaies, une création de richesse significative s'est produite du jour au lendemain, permettant à des milliers de nouveaux millionnaires d’investir en tant que business angels alors que les investisseurs déjà existants dans ces cryptoactifs sont devenus plus audacieux du fait de leur surcroit de richesse.

Sans oublier la vague du Web3 qui a vu les entreprises se lançant dans ce domaine émettre des tokens pour monétiser leur capital. Devenus rapidement négociables, des investisseurs hardis ont investi dans ces tokens et ont réalisé des rendements significatifs sur de courtes durées, venant accroître encore plus le niveau de liquidité à réinvestir.

Entre 2020 et le premier trimestre 2022, on s’est retrouvé dans une situation où il y avait plus de capitaux disponibles que d'opportunités de qualité. La rareté, combinée à une mentalité de “nouvelle ruée vers l’or”, a exacerbé l’appétit des investisseurs pour qui un simple soupçon de potentiel de croissance suffisait à les convaincre.

La logique simple mais dangereuse était la suivante : puisque chaque transaction voit sa valorisation grimper en flèche 6 mois après la levée de fonds, tout ce qui compte, c'est de faire partie de l’aventure. Face à la pléthore d’investisseurs concurrents, il fallait être rapide dans l’exécution et surtout insensible à la valorisation. En effet, si l'entreprise est censée valoir 10 milliards de dollars dans le futur, quelle différence y a-t-il entre une valorisation de 10 millions et 100 millions aujourd’hui ?

Selon ce principe, il est logique d’investir dans des tours de seed de 100 millions d’euros lorsque des investisseurs de série A entrent en jeu à 200 millions d’euros. De même, tant que les investisseurs institutionnels investissant dans de nouveaux fonds de capital-risque se basent sur ces rendements virtuels (voir Linkedin post: La performance des fonds VC, clef de la différentiation et de la sélection pour les LP’s davantage de fonds peuvent être levés, exacerbant la surchauffe du marché de la levée de fonds.

2022, la mer se retire
Le marché de la levée de fonds n’échappe pas à la règle, lorsqu’il est fondé sur l’exubérance et la confiance irrationnelle, il se fragilise et risque de s’arrêter dès que cette confiance est ébranlée. C'est ce qui s'est passé en 2022 avec la guerre en Ukraine et les multiples chocs sur les marchés de la crypto-monnaie.

Curieuse situation que la nôtre, marquée par une activité d’investissement presque à l’arrêt et pourtant un montant record de “dry powder” disponible !

Les porteurs de projet dont les attentes initiales ont été établies entre 2020 et 2022 apprennent rapidement les problèmes liés au fait d'être une start-up surévaluée… et ce n'est pas vraiment drôle !

Dans ces conditions, les deux principaux défis à relever sont de maintenir la motivation des équipes et de ne pas interrompre la dynamique de levée des fonds.

En effet, dans une logique de préservation de la trésorerie, les startups combinent généralement des salaires plus bas avec une forme de rémunération en actions pour leurs employés, liée à la valorisation de l'entreprise au moment de leur embauche. Si cette partie significative de la rémunération apparaît fragile voire aléatoire, l’entreprise aura plus de difficultés à maintenir ses équipes et à recruter de nouveaux talents.

Par ailleurs, maintenir une dynamique de levée de fonds positive peut se révéler particulièrement compliquée si la valorisation du dernier tour était trop forte et que l’entreprise ne délivre pas son business plan comme prévu entretemps. Mener des levées de fonds à la baisse n’est jamais une sinécure ni pour le fondateur qui, même s’il se dit ouvert aux propositions du marché, aura beaucoup de mal à avaler la pilule an cas de décote de 50%, ni pour le VC qui sera vu comme un prédateur plutôt qu’un investisseur courageux, ni même encore pour les actionnaires historiques qui devront accepter une dilution significative.

2023, on fait quoi ?
S’il n’y a pas de solution miracle, transparence et pragmatisme vis à vis des investisseurs semblent néanmoins être de rigueur :

* Communiquer clairement avec les investisseurs sur la valorisation réelle de la société, celle qui aurait dû être retenue dans des conditions de marché plus réalistes, et convenez ensemble des progrès réels réalisés à partir de ce point bas.

* Revaloriser le dernier tour de table avec vos investisseurs historiques aux conditions actuelles de marché, servant de base aux discussions avec les nouveaux investisseurs au sujet de la valorisation du prochain tour à un niveau soit inchangé soit légèrement supérieur.

En tout état de cause, les porteurs de projet doivent éviter autant que faire se peut de le vivre comme un échec personnel. Ils ont été, pour la plupart, poussés à ces niveaux de valorisation par les forces mêmes du marché et la valeur intrinsèque des actifs qu’ils ont bâtis, souvent au prix de beaucoup de sacrifices, demeure. On peut dire que la situation récente est tout aussi anormale dans le mouvement à rebours que l’on a observé ces derniers mois. Celle-ci semble désormais retrouver des couleurs comme l’indique la dernière enquête Pitchbook d’Avril 2023 auprès des VC qui, à plus de 50%, voient une remontée des valorisations dans les prochains mois. Mais attention toutefois, les règles ont changé avec le retour de la rentabilité comme critère déterminant de la capacité à lever des fonds et gare à ceux qui n’ont pas pris le train de l’IA quand celle-ci s’impose naturellement dans leur solution technologique.


Lundi 15 Mai 2023




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