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Votre Directeur des Achats : futur khalife ? ou Le nouveau profil de l’excellence en Achats

« Il ne faut pas négocier par peur. Mais il ne faut jamais avoir peur de négocier. » (John Fitzgerald Kennedy)


L’ascension
Au cours des quarante dernières années, la fonction Achats a connu des évolutions majeures comme peu d’autres fonctions en ont connues. Au départ limité à l’approvisionnement, notre pousse-commande a rapidement changé de bureau. D’en bas, près des réceptions de marchandises et des camions, il a grimpé quelques étages et s’est installé à la lumière, à proximité du bureau d’études. Puis, la pression sur les coûts aidant, il est monté davantage, vers les étages supérieurs des tours de nos fleurons industriels. Dans cette ascension, il a même parfois atteint les cimes : il n’est pas rare de le voir aujourd’hui aux derniers étages, non loin de la Direction Générale.

De même, le profil du Directeur des Achats a suivi cette évolution. Il est vrai que nous partions d’assez loin : certains anciens se rappellent encore la lointaine époque des présumés bras cassés, les ingénieurs caractériels peu performants et mis poliment à l’écart, voire au placard… aux approvisionnements, où ils ne pouvaient pas faire grand mal. Et puis assez logiquement, avec l’importance des enjeux liés aux achats (communément plus de 50% du chiffre d’affaires) dans un environnement de plus en plus complexe, la fonction s’est anoblie et le Directeur des Achats est devenu l’expert technique. Lui seul ne se laissait pas « enfumer » et pouvait recadrer un Directeur du Bureau d’Etudes ou tenir tête à un fournisseur stratégique. Si en plus il avait des qualités de négociateur, voire un côté rusé, il avait un bel avenir devant lui !

Le plafond de verre
Bel avenir… mais un peu limité ! En s’enfermant dans ce rôle relativement confortable de réducteur de coûts, notre Directeur des Achats n’a-t-il pas, pendant une bonne décade, contribué à cloisonner lui-même sa fonction ? Qualifié d’efficace et de pragmatique, il fut néanmoins souvent perçu comme un bon exécutant, avec une vision à court terme. Ne se focalisant que sur le coût immédiat, au détriment des délais et de la qualité, il en oubliait les enjeux à plus long terme. En synthèse, un fonceur apprécié mais à la vision stratégique limitée.

Pourtant, sa légitimité fut souvent assise par ses talents de négociateur grâce à quelques coûts d’éclats, où certains auront d’ailleurs laissé des plumes. Ainsi, des sous-traitants de l’industrie automobile américaine ont été très affaiblis financièrement, et ont parfois même disparu, dans le cadre de négociations musclées ! Mais la vision trop court-termiste de quelques Directions des Achats a finalement desservi les intérêts de la filière à long terme. D’autres Groupes ont alors réalisé que la santé financière de leurs sous-traitants constituait un actif majeur de leur entreprise.

Dans notre mémoire collective, le Directeur des Achats est un technicien austère, mais il reste néanmoins assez futé pour avoir un redoutable aspect de « marchand de tapis ».

Le marchand de tapis
C’est curieusement en développant la composante commerciale du poste, la composante « marchand de tapis », que notre Directeur des Achats a su repousser les barrières et ouvrir la fonction.

Le marchand de tapis est toujours à l’extérieur. Il sait où se trouve le business : il est conscient que tout l’enjeu est de faire entrer le chaland dans l’échoppe, de le ferrer. De même, le Directeur des Achats a vite compris qu’il doit être dehors, soit chez ses clients internes pour expliquer ce qu’il peut apporter, soit chez ses fournisseurs pour comprendre le marché. C’est bien chez les fournisseurs que les acheteurs du marché automobile ont vu l’arrivée des optiques en Plexiglas en remplacement du verre.

Le marchand de tapis est à l’écoute. Il a le don de faire parler pour comprendre les goûts de ses clients potentiels. De même, le Directeur des Achats est à l’écoute pour comprendre le besoin, déceler les attentes de ses principaux clients internes, anticiper le service sur lequel il va pouvoir se positionner. Il va jusqu’à reformuler le besoin de son client, en le simplifiant et en collant davantage à ce que le marché fournisseur est susceptible de lui offrir. Dans les métiers industriels et d’ingénierie, le mouton à cinq pattes gagne souvent en coût et en qualité en retrouvant un équilibre plus naturel à quatre pattes. Si General Electric a survécu alors que Westinghouse a sombré, c’est en partie parce que GE a su mieux faire ses arbitrages achats/série/qualité.

Et puis, c’est bien connu, le marchand de tapis propose plusieurs choix. De même le Directeur des Achats propose des alternatives, des scenarii. Il a compris que cette méthode fait gagner du temps : elle accélère le processus de décision, permet de pousser le client dans ses retranchements pour le faire « accoucher » de son juste besoin. En touchant du doigt les solutions possibles, le Directeur des Achats aide ses clients à peser le pour et le contre, à estimer les risques, à raisonner en coût complet d’acquisition. Dans une industrie mécanique, l’étude des conditions d’utilisation et des besoins quantitatifs et qualitatifs des clients (comprendre le pour quoi faire) peut aussi bien conduire à l’achat de grosses machines lourdes et durables (« à l’allemande ») qu’à l’acquisition de matériels plus légers, moins durables et plus intensifs en maintenance (« à l’italienne »).

Enfin, le marchand de tapis est un fin négociateur. Il utilise toutes les ficelles psychologiques pour arriver à ses fins. Il fera tomber d’une épaulée les piles de tapis, chaque pile tombée engageant un peu plus le client dans un sentiment de culpabilité… le conduisant vers un acte d’achat. De même, en gérant le timing de la communication, notre Directeur des Achats amènera ses fournisseurs et ses clients là où il le souhaite. Il saura jouer les psychodrames dans la bonne séquence, pour parvenir au scénario le plus favorable à l’intérêt de l’entreprise.

Nous voyons donc que d’un ancien fonceur brut de fonderie, notre Directeur des Achats a considérablement gagné en finesse et en psychologie : il définit la stratégie Achats, anticipe les embuches, harmonise ses clients internes, coordonne la communication. Bref, il crée les conditions optimales permettant de maximiser l’impact de la négociation avec le fournisseur et de choisir le scénario le plus favorable de ses clients internes.

Et demain ?

Dans un monde incertain, où tout change très vite, quelles peuvent être les qualités essentielles de notre Directeur des Achats ?

Un excellent communicant
Bénéficiant d’un poste d’observation privilégié, tant en interne que vis-à-vis du marché fournisseurs, notre Directeur des Achats doit maîtriser la communication avec les autres Directions. Il devra les tenir informées des évolutions possibles des marchés fournisseurs, anticiper les risques et identifier les opportunités à venir. Fin communicant, notre Directeur des Achats sera câblé solutions, sachant pertinemment qu’il sera d’autant plus écouté qu’il proposera des scenarii flexibles.

Bien évidemment, il devra également communiquer régulièrement avec ses fournisseurs clés. Un échange franc et direct, un apport de visibilité mutuelle sur les coûts et les perspectives ne sont-ils pas les ingrédients nécessaires à la construction de partenariats exigeants et durables ?

Un manager à fort leadership
En manageant et en motivant ses équipes, notre Directeur des Achats donne l’exemple et tient le rôle de mentor pour faire monter en compétences ses équipes. Il doit également démontrer un fort pouvoir d’influence, son autorité étant le plus souvent assise non pas sur la hiérarchie mais sur la qualification.

Un stratège affuté
Il comprend et s’insère dans la stratégie de l’entreprise. Etant au fait des principales décisions stratégiques, il peut anticiper les actions de « Sourcing » : par exemple préparer le réseau fournisseurs dans une nouvelle zone géographique lors d’une prochaine acquisition. Par sa compréhension du marché fournisseurs, le Directeur des Achats sera en mesure de détecter les nouvelles technologies, des nouveaux savoirfaire, et de capter l’innovation chez les fournisseurs. Ainsi, il sera en position d’influer la stratégie, qu’il s’agisse par exemple de retrouver de la compétitivité grâce aux excellentes fonderies indiennes ou aux nouveaux acteurs français très compétitifs en centres d’appel.

La Direction Générale a un rôle clé dans cette affaire : la mise en lumière. Mettre le pied à l’étrier en propulsant le Directeur des Achats au Comité de Direction est le point de passage obligé. Puis le pousser vers de nouveaux territoires et des zones a priori d’inconfort pour mieux mesurer son réel potentiel. Par exemple, lui confier l’évaluation d’un potentiel de synergies achats dans le cadre d’une possible acquisition peut s’avérer riche d’enseignements. Le faire participer à la négociation de quelques gros contrats côté vente peut permettre de fiabiliser et renforcer la crédibilité de l’offre remise (part achat prédominante dans l’offre, choix de sous-traitants stratégiques, contraintes d’offset,…).

Un empêcheur de tourner en rond
Courage, audace et touche d’impertinence ne pourront que faire du bien. Notre Directeur des Achats doit avoir un état d’esprit de frondeur : il se doit de sortir des sentiers battus, c’est le « Think out of the box » ! Moteur dans le changement, il est tout a fait légitime sur des sujets en rupture tels que la politique « Make or Buy », le « Redesign To Cost »,…

On est bien loin de feu le bras cassé et de l’ingénieur caractériel. Le marchand de tapis n’a plus un simple étal dans la rue, il est désormais à l’intérieur du palais du khalife, au coeur du processus décisionnel.

Finalement, le futur Directeur des Achats, stratège, négociateur, communicant, animé par l’incessante recherche du résultat et de rentabilité, n’aurait-il pas toutes les qualités requises pour accéder très prochainement à la fonction de Directeur Général ?

Par Maurice Marchand-Tonel et Olivier Baujard
LETTRE STRATEGIE N°46
©2010 BearingPoint France SAS. Tous droits réservés.

« Si les livres étaient des tapis persans on aurait plus envie de les ouvrir, car c’est l’art obstiné de la couture qui donne résistance et beauté. »
(Rumer GODDEN, auteur anglo-indien)

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BearingPoint France

Dimanche 11 Juillet 2010




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