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Vers une supranationalisation des chambres de compensation internationales

Alors que le procès Clearstream se déroule à Paris depuis quelques jours, a été remis dans l’actualité la question des chambres de compensation internationales.


Jérôme Turquey
Jérôme Turquey
Il existe deux chambres de compensation en Europe dans des pays à secret bancaire : Clearstream au Luxembourg et Euroclear en Belgique. Deux chambres dans des pays sur la liste grise initiale de l’OCDE du 2 avril 2009 et qui en sont sortis depuis : la Belgique a annoncé l’abandon du secret bancaire (1) mais le Luxembourg veut s’en tenir à l’article 26 de la Convention de l’OCDE dont il veut qu’il devienne la référence en Europe, arguant maladroitement que l’échange automatique ne fait pas partie de la Directive Epargne (2).

On peut se poser de manière pragmatique la question de la pertinence du maintien dans une juridiction quelconque de l’activité de chambre de compensation internationale.

Une activité de chambre de compensation internationale est une activité d'intérêt général supranational qui ne peut être assurée que sous la houlette d'une institution supranationale.

1. Une activité de chambre de compensation internationale est une activité d'intérêt général supranational

L’activité de chambre de compensation est une activité d'intérêt général (Cf. une banque centrale) supranational qui ne peut être assurée par le secteur privé a fortiori dans une juridiction à la régulation perfectible.

Pour ce qui est de Clearstream, sis au Luxembourg, PSF (Professionnel du Secteur Financier) régulé par la CSSF, cette chambre évolue dans une juridiction dans laquelle les professionnels de la banque et la finance donnent un avis conforme et non pas seulement consultatif sur le cadre légal et réglementaire auquel ils sont soumis.

Cela est corroboré par le discours des professionnels et du régulateur (CSSF) lui même :
- “The Luxembourg Investment Fund Industry has regularly had a very close and direct say on the evolution of the Luxembourg prudential regulatory environment governing the collective Investment Industry (...) This influence has been exerted directly and indirectly by the lobbying initiatives taken on the level of the different professional associations, be it ALFI or ABBL , but also and more importantly, trough a direct association with the Luxembourg Supervisory Authorities by means of a number of standing committees" (3);
- "The internal committees assist the CSSF in the analysis of the development of the different financial sector segments, give their advice on any question relating to their activities and participate in the drawing-up and the interpretation of regulations relating to their specific field."(4).


De là des sanctions et une échelle des peines pour le moins indulgents en cas de manquement aux obligations y compris en matière de lutte contre le blanchiment, comme le montrent les décisions de la CSSF ou les jugements au Luxembourg, en comparaison de ce qui se fait dans d’autres juridictions (5).

On voit là les limites et les dangers du fonctionnement actuel laissant au secteur privé et à une juridiction la responsabilité de chambre de compensation.

2. Une activité de chambre de compensation internationale ne peut être assurée que sous la houlette d'une institution supranationale

Dans La face cachée de l'économie mondiale (6) Nicolas Pless, ancien conseiller économique à l'OCDE, au GATT et à l'ONU, et Jean-Francois Couvrat avaient souligné les difficultés à détecter le contenu de ce qu'ils appelaient "le trou noir de l'économie mondiale ».
Tout mécanisme de compensation transfrontalière international (sur matières premières, actions, obligations, cash…) devrait obligatoirement être soumis au contrôle d'un organisme de contrôle international de droit public.
Une activité de chambre de compensation internationale ne peut être assurée que sous la houlette d'une institution supranationale type ONU ou FMI ou OCDE, ce qui permettrait de rendre transparents tous les transferts d'une juridiction à l'autre et identifier blanchiment possible ou évasion fiscale possible.

En conclusion, nul doute que les professionnels et politiciens du Luxembourg vont s’opposer à une telle perspective.
Mais ce sera un baroud d’honneur : la juridiction est aujourd’hui comme un arbre frappé par la foudre par la seule faute de ses politiciens et professionnels, qui n’ont pas fait l’aggiornamento qu’il eût fallu faire il y a quelques années au lieu d’écarter ceux qui mettaient en garde contre l’autosatisfaction et qui continue de les écarter comme en témoigne l’affaire récente de la censure du Cercle de Coopération (7), unique et inique dans une démocratie digne de ce nom : le reflexe éthique viendra difficilement des professionnels et politiciens Luxembourgeois.

(1) « Nous allons passer dès l'année prochaine à l'échange d'informations pour tout ce qui concerne la fiscalité de l'épargne, dans le cadre de la directive européenne sur l'imposition » (Didier Reynders, cité par AFP, 12 mars 2009)
(2) Cf. tribune « Le réflexe éthique doit venir de nos professions » par Jean Meyer président de l’Association Banques et banquiers Luxembourg (ABBL) dans le Wort, en réponse à une lettre ouverte de l’auteur, 22 juillet 2009. Il écrit « L'objectif principal de cette directive et des discussions qu'elle suscite est donc bien ‘l'imposition effective des revenus de 1' épargne’ en Europe et non pas l'introduction, coute que coute, d'un échange automatique d'informations », Or c’est bien un objectif clair rappelé en avril 2009 par la Commission Européenne elle-même : « La directive prévoit que tous les États membres de l'UE adopteront en définitive l’échange automatique d’informations » (Cf. COM/2009/0201 final du 28 avril 2009). En outre, de manière plaisante, Jean Meyer, a dénié que le Luxembourg rechigne à appliquer certaines dispositions de la Directive Epargne (« je refuse un échange d'informations automatique onéreux, peu efficace et excessivement intrusif, ceci ne comporte en aucun cas un refus d'application d'une directive alors que nos banques 1'appliquent a la lettre chaque jour qui passe »), alors qu’une procédure venait d’être initiée par la Commission européenne et qu’il ne pouvait bien évidemment l’ignorer (Cf. Communiqué de presse IP/09/ 1013 du 25 juin 2009).
(3) Rafik Fischer, « Shaping the regulatory environment ». Fundlook, July 2005, page 6)
(4) Site internet de la CSSF, le régulateur luxembourgeois, page « Comités internes ».
(5) Cf. rapports annuels de la CSSF versus « Fines tables » de la FSA, activité disciplinaire des réviseurs au Luxembourg versus activité disciplinaire des réviseurs en Belgique, etc.
(6) Paris, Hatier, 1989
(7) Le Cercle de Coopération, association regroupant les ONG luxembourgeoises, a publié une étude du sociologue Rainer Falk (« Zur Debatte um Steueroasen : der Fall Luxemburg ») faisant la critique constructive du « paradis fiscal » luxembourgeois : cette étude est sans doute perfectible pour les données citées, mais il est vrai que les informations sont couvertes par le secret bancaire et professionnel. Ceux qui défendent ces secrets ne sauraient dès lors reprocher de bonne foi des inexactitudes. L’étude soulève de véritables questions sur l’évasion fiscale au Luxembourg. Sous la pression de l’ABBL, et surtout les menaces pécuniaires explicites visant le financement des ONG au Luxembourg par l'Etat, après une réunion au ministère des affaires étrangères le 5 août au matin en présence de l’ABBL, l’auteur qui n’était pas présent a été désavoué par la direction du Cercle elle-même, et censuré l’après midi (C’est ce qu’a raconté Rainer Falk dans l’article « Luxemburg: Finanzsektor vs. Zivilgesellschaft » publié sur le site allemand de Tax Justice Network le 1er septembre 2009).


Lundi 28 Septembre 2009




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