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Vers une finance plus responsable

Depuis le début des années 1990, les fonds d'investissement social (ISR) promettent de contribuer à la moralisation du capitalisme, en jouant sur le levier financier pour inciter les entreprises à s'engager davantage en faveur de l'intérêt commun.


Vers une finance plus responsable
En ces temps de forte demande sociale en faveur d'un capitalisme « moral », il est paradoxal que, bien que leur croissance ait été relativement élevée au cours des quelques dernières années, ces fonds éthiques restent marginaux dans l'épargne des ménages. Alors même que beaucoup d'entre eux ont l'impression que les marchés financiers ont été la scène de turpitudes au cours des dernières décennies et demandent plus que quelques ajustements des régulations.

Certains fonds ISR semblent promettre que leur développement contribuera à la fin des licenciements boursiers, la prise en compte du long terme dans les décisions des firmes, la moralisation des rémunérations, l'extinction des catastrophes environnementales ou de la violation des droits de l'homme par les entreprises. En même temps, ils suggèrent qu'ils sont capables de surperformer le marché, offrant donc le beurre et l'argent du beurre. Ceci est théoriquement possible en période d'expansion de la demande pour ces fonds, mais non tenable une fois que ce marché sera arrivé à maturité. Ce double discours, à la fois utopiste et vénal, trouble les épargnants dont les motivations altruistes sont contrées par la publicité sur la surperformance alors que cette dernière cherche à flatter les motivations opportunistes des autres. Cette dissonance est problématique.

Dans le domaine de l'emploi ou de l'environnement par exemple, les entreprises produisent des externalités qu'elles ne sont pas naturellement incitées à intégrer dans leur calcul de rentabilité. L'autorité publique parvient rarement à endiguer efficacement toutes ces externalités malgré ses interventions (marché de permis de CO2, contrôle des licenciements...). En rendant le capital moins rare et donc moins coûteux pour les entreprises se comportant de façon plus responsable, l'industrie des fonds ISR a vocation à soutenir leur développement et à inciter les autres à en faire autant. Mais comment déterminer si un actif mérite d'apparaître dans un portefeuille ISR ? Evidemment, certains excluent d'emblée l'industrie de l'armement ou du tabac sur la base de principes généraux simples. Mais qu'en est-il du nucléaire, dont on peut vanter les bénéfices sociaux en termes de lutte contre le changement climatique, ou les OGM, dont d'autres pensent qu'ils contribueront à réduire la faim dans le monde ? Comment juger d'une politique de délocalisation de la production vers des pays africains, dont certains d'entre eux ont bien besoin de ces nouveaux emplois pour résoudre des problèmes bien plus vitaux que ceux des pays riches ? Et que dire de la construction, qui paie un lourd tribut en termes d'accidents du travail ? Sans méthode transparente pour trancher ces questions, l'ISR risque fort de subir à terme les critiques et le discrédit de tous.

La meilleure manière d'atteindre une allocation efficace des ressources dans une économie décentralisée consiste à coordonner les acteurs par un système de prix uniques. Il faut donc donner une valeur, un « prix », à ces valeurs extra financières qui importent aux investisseurs potentiels dans ces fonds. Si ces valeurs sont bien choisies, cette méthode garantit à leurs investisseurs que le meilleur gain social soit obtenu pour un effort financier donné des épargnants. Comme on le fait déjà par exemple pour les émissions de carbone, que les fonds annoncent la valeur qu'ils donnent à une politique de maintien des emplois, à la limitation de l'utilisation de l'eau, à la qualité de la vie, ou à la baisse de la mortalité ! Que chaque fonds détermine et affiche ses valeurs, et mette en oeuvre une évaluation globale de chaque actif dans son portefeuille sur cette base, et rende public leur rendement social !

Mais comme le montre la complexité du débat entre experts sur le changement climatique, l'évaluation des coûts et des bénéfices sociaux d'une action reste souvent difficile. On imagine mal des fonds ISR qu'ils puissent développer une telle maîtrise sur des sujets aussi importants que les OGM ou les inégalités sociales. Mais les plus entreprenants peuvent susciter le débat en justifiant leur allocation d'actifs sur la base d'analyses succinctes, en laissant l'approfondissement à un consortium de fonds, ou à d'autres parties prenantes comme les agences de notation éthiques. Ceci donnerait un mandat plus clair à ces agences aujourd'hui confrontées à des challenges autrement plus complexes que les agences de notation traditionnelles, celles-là mêmes dont l'échec a participé à la catastrophe actuelle.

Jacques Crémer et Christian Gollier sont chercheurs à Toulouse Sciences économiques (TSE) et à l'Institut d'économie industrielle (Idei).
Avec l'aimable autorisation du quotidien LES ECHOS
Chronique parue dans LES ECHOS du 13 mai 2009

Mardi 26 Mai 2009




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