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Valorisation d'entreprises : méthode de Bates

La méthode de Bates est en théorie une des meilleures techniques de valorisation d'entreprise puisqu’elle s'appuie sur un référentiel de sociétés comparables sans pour autant faire abstraction des spécificités de la société à valoriser. En apparence simple, elle s'avère pourtant délicate à mettre en oeuvre avec rigueur et son usage sera réservé aux sociétés présentant un comportement atypique à court terme (et notamment aux sociétés en retournement).


Valorisation d'entreprises : méthode de Bates
L'évaluation d'entreprise est souvent réalisée par application d'un PER (Price Earning Ratio) au résultat net de l'année en cours (ou de l'année qui suit, voire de l'année passée) : on considère que la valeur des fonds propres de l'entreprise est proportionnelle à son résultat net.

Avantages de la méthode de Bates

La méthode présente l'avantage de son apparente simplicité.
La détermination du PER n'est pourtant pas toujours facile : elle se fait sur la base d'un échantillon de sociétés comparables dont on connait la valeur, en général des sociétés cotées en Bourse. On en divise la capitalisation boursière par le résultat net pour obtenir le PER.
La difficulté réside dans la sélection des sociétés comparables : on choisit souvent des sociétés exerçant la même activité, et si possible de taille comparable.
En réalité, il vaut mieux sélectionner des sociétés qui ont des perspectives de croissance comparable, avec un degré de certitude comparable :
- on valorisera mieux une société dont on pense que les résultats vont progresser plus fortement ;
- et, à perspectives de croissance identiques, on valorisera mieux une société dont les perspectives sont garanties, qu'une société dont les perspectives sont incertaines.

Une fois déterminé le PER, et éliminé les éventuels éléments exceptionnels qui polluent le résultat de la société à valoriser, il suffit de faire la multiplication pour obtenir la valeur des fonds propres de l'entreprise.

Mais on se heurte souvent à la difficulté de prise en compte des spécificités de la société. Dès que le profil de croissance de la société est atypique, la méthode des PER devient moins pertinente. C'est notamment le cas des sociétés "en retournement" dont on espère voir le résultat se redresser rapidement dans les années qui viennent, ou bien des sociétés qui bénéficient d'un avantage concurrentiel éphémère, ou encore de sociétés dont un gros contrat arrive à échéance prochainement...

Dans tous ces cas, finalement assez fréquents, la société va connaitre un épisode d'évolution chaotique à court terme, avant probablement de retrouver un comportement plus comparable à celui de ses consoeurs dans quelques années. Dans cette situation, l'application d'un PER issu d'un référentiel de sociétés qui ne présentent pas cette spécificité conduira à des valorisations inadaptées.
L'exemple le plus frappant est celui de sociétés traversant une mauvaise passe et affichant des pertes. Appliquer un PER à un résultat négatif conduit à une valorisation négative des fonds propres, qui ne prend pas en compte les perspectives de retournement.

L'application du PER, non plus à l'année en cours ou à la suivante, mais à une année ultérieure où la société aura retrouvé un comportement moins atypique et plus comparable aux sociétés de son secteur, est très tentante puisqu'à cette échéance, le PER retrouvera toute sa pertinence.
Mais dans ce cas, la méthode donnera une valorisation convenable des fonds propres dans quelques années et non à la date de valorisation (utiliser un PER rapportant la capitalisation boursière aujourd'hui au résultat dans 5 ans ne serait pas pertinent parce que ce PER n'intégrerait pas les vicissitudes du résultat dans la période intermédiaire).
Il faut donc prendre en compte séparément les événements des années qui précèdent la date de retour à la normale.

Principes de base

Pour ce faire, plaçons-nous dans la peau d'un investisseur qui achèterait aujourd'hui des titres de la société pour les revendre dans 5 ans.

L'investisseur va dans un premier temps décaisser de l'argent pour acheter les titres, puis il recevra (éventuellement) des dividendes pendant les 5 ans que durera son investissement, avant de revendre ces titres en engrangeant éventuellement une plus-value.
Très grossièrement, le rendement de l'investissement sera égal à la somme des dividendes et de la plus-value, divisée par le montant initial de l'investissement, et encore divisée par 5 pour prendre en compte la durée.
Pour être plus précis, il faut prendre en compte le fait que les dividendes sont versés tout au long de la période, et intégrer la capitalisation des "intérêts".
Par définition, le rendement est égal au taux d'actualisation pour lequel la valeur de l'investissement initial est égale à la somme des flux actualisés de dividendes et de revente.
(ce qu'on peut aussi exprimer par : le rendement de l'investissement est le taux d'actualisation qui annule la somme de tous les flux financiers que va débourser ou encaisser l'investisseur).

L'investisseur n'acceptera de réaliser l'opération que si le rendement qu'il en espère est cohérent avec d'autres opérations qu'il pourrait faire sur le marché, avec le même niveau de risque. Ce rendement est le taux risqué. Il sera évidemment supérieur pour une petite société en retournement que pour une grosse société bien établie à l'activité récurrente.
Ce taux risqué peut donc être considéré comme une donnée de marché (plus ou moins) indépendante de l'investisseur (ce qui suppose un marché parfait ou tous les investisseurs se comportent de la même façon).

L'enseignement que l'on peut tirer de l'analyse de cet investissement, c'est que :
la valeur des titres de l'entreprise aujourd'hui est égale à la valeur des titres dans 5 ans actualisée au taux risqué, à laquelle on ajoute la somme des dividendes également actualisés au taux risqué.

De là à dire que la valeur des fonds propres de l'entreprise est égale au résultat net dans 5 ans actualisé au taux risqué puis multiplié par un PER, auquel on ajoute la somme des dividendes versés par la société également actualisés au taux risqué, il n'y a qu'un pas que de nombreux évaluateurs franchissent sans plus de précaution.

Le PER de sortie

La difficulté réside dans la détermination du PER "dans 5 ans".

On rencontre souvent des évaluations faites en calculant la valeur de l'entreprise dans 5 ans par application d'un PER "actuel" (calculé sur la base des résultats de l'année en cours d'un échantillon de sociétés cotées) au résultat de la société dans 5 ans.

Comme le PER traduit essentiellement les perspectives de croissance de la société, on suppose implicitement que les sociétés de l'échantillon de référence auront dans 5 ans les mêmes perspectives de croissance qu'aujourd'hui.

C'est une hypothèse acceptable dans le cas de sociétés matures, dont la croissance s'approche de celle de l'ensemble de l'économie, et qui continueront de progresser "éternellement" à ce rythme.

Ce n'est évidemment pas le cas de secteurs en croissance forte, ou bien de sociétés confrontées à une situation transitoire de croissance anormalement forte ou faible (par exemple, suite à une évolution réglementaire, à l'ouverture de nouveaux marchés...).

Dans tous les cas où la croissance à court terme est différente de la croissance à long terme (on admet généralement qu'à très long terme les différences de croissance des secteurs sont gommées), le PER sera différent dans 5 ans du PER aujourd'hui.

Pour une société en forte croissance, le PER dans 5 ans est inférieur au PER aujourd'hui (dans 5 ans, on aura déjà "consommé" une partie de la période de forte croissance).

Dans cette situation il faut déterminer le PER dans 5 ans de nos sociétés de référence. Comme dans toutes les méthodes comparatives, il suffit de faire le calcul de valorisation à rebours puisqu'on connait la valeur des sociétés (cotées) de l'échantillon.
Comme "la valeur des fonds propres de la société (capitalisation boursière) est égale au résultat net dans 5 ans actualisé au taux risqué puis multiplié par le PER dans 5 ans, auquel on ajoute la somme des dividendes versés par la société également actualisés au taux risqué", on calcule aisément le PER dans 5 ans en retirant de la capitalisation boursière la somme des dividendes actualisés puis en divisant par le résultat net dans 5 ans actualisé.

La théorie est simple, la mise en pratique un peu plus compliquée puisqu'elle suppose, pour chaque société du référentiel, la connaissance du montant des dividendes qui seront versés sur les 5 ans à venir, du niveau de résultat net dans 5 ans, et du taux risqué.
Autrement dit, il faut pour chaque société du référentiel, construire un business plan et évaluer le niveau de risque (par exemple sous forme de bêta).

La méthode de Bates en pratique

En y regardant de près, la méthode de Bates s'avère donc extrêmement lourde.
En contrepartie, c'est certainement une des meilleures méthodes de valorisation quand elle est appliquée avec rigueur : elle prend en compte de manière explicite les évolutions à court terme de la société sur laquelle on a une bonne visibilité (le business plan de la société) et évite toutes les difficultés des "valeurs terminales" et "sommes à l'infini" des méthodes de flux.

Elle ne présente toutefois pas d'intérêt pour les sociétés dont les perspectives ne s'écartent pas notablement de celles des sociétés du même secteur : l'application directe d'un PER est infiniment plus simple dans ce cas.

La lourdeur de la méthode de Bates en fait réserver l'usage aux sociétés présentant une évolution atypique à court terme (il suffit d'adapter la durée pour appliquer le PER à une année où la société sera supposée "rentrée dans le rang").

On peut toutefois la simplifier :
- d'abord, on l'a vu, en utilisant un PER actuel plutôt qu'un PER à 5 ans, mais seulement dans le cas de sociétés très matures à faible croissance,

- ou bien en faisant des hypothèses simplificatrices : taux de croissance et taux de distribution des sociétés du référentiel constants sur la période d'investissement.

Dans ces conditions, il est facile de montrer (voir encadré pour la démonstration) que le PER à 5 ans se calcule à partir du PER aujourd'hui en utilisant une formule mathématique dite formule de Bates. C'est la méthode la plus couramment utilisée.

---- Encadré : La formule de Bates, calcul du PER dans 5 ans ----

On suppose que toutes les sociétés du référentiel voient leurs résultats progresser au rythme (constant) de txCroiss (taux de croissance du secteur) sur la durée d'investissement, que ces sociétés distribuent une fraction (constante) txDistr du résultat, et que leur niveau de risque correspond à un taux risqué de txAct.

Le résultat net dans 5 ans sera égal au résultat net aujourd'hui multiplié par (1+txCroiss)5.

Le PER dans 5 ans est calculé en retirant de la valeur de la société aujourd'hui (soit PER x RN), la somme des dividendes actualisés puis en divisant par le résultat net dans 5 ans actualisé :
PER5ans = [ PER x RN - somme div act ] / [RN x ((1+txCroiss)/(1+txAct))5]

Le montant des dividendes actualisés pour l'année n est égal à :
txDistr x RN x ((1+txCroiss)/(1+txAct))n
La somme des dividendes actualisés (de n=1 à n=5) est donc égale à
txDistr x RN x A x (1+A1+A2+A3+A4) avec A=(1+txCroiss)/(1+txAct),
soit txDistr x RN x A x (1-A5)/(1-A)

Et donc :
PER5ans = [PER x RN - txDistr x RN x A x (1-A5)/(1-A)] / [RN x A5] =
= PER/A5 - txDistr x A x (A-5-1)/(1-A)

Comme A / (1-A) = (1+txCroiss)/(1+txAct) / [1-(1+txCroiss)/(1+txAct)] =
= (1+txCroiss) / (txAct-txCroiss),

on peut écrire :
PER5ans =
PER x [(1+txAct)/(1+txCroiss)]5 - txDistr x (1+txCroiss)/(txCroiss-txAct) x (1-[(1+txAct)/ (1+txCroiss)]5)
Cette horrible formule est la formule de Bates qui permet de calculer le PER dans n années (remplacer 5 par n dans la formule) à partir du PER aujourd'hui.
On peut éviter le calcul fastidieux en utilisant les "tables de Bates" qui donnent le résultat pour diverses valeurs du taux de croissance et du taux d'actualisation.

On notera les hypothèses très simplificatrices retenues :
- taux de croissance constant sur la période
- taux de distribution constant sur la période
- date de distribution à la date anniversaire du début de période
- date de sortie au bout d'un nombre entier d'années, avec distribution du dernier dividende au moment de la sortie.

On pourra aisément construire une formule plus souple (notamment prenant en compte la date réelle de distribution des dividendes) en utilisant un tableur.

---- Fin de l'encadré ----

En pratique, pour effectuer une valorisation par la méthode de Bates :
- Il faut d'abord choisir une "durée d'investissement" et un échantillon de sociétés cotées dont les perspectives au-delà de la période d'investissement sont comparables à celles de la société à valoriser. On choisit généralement des sociétés de taille voisine et exerçant leur activité sur le même secteur que la société à valoriser. Et on fixe la durée de Bates à un horizon où les spécificités de la société à valoriser seront estompées : typiquement, au moment où le redressement d'une société en retournement est avéré (retour de la croissance et de la rentabilité à un niveau comparable à ceux des concurrents).

- A partir de cet échantillon de référence, il faut déterminer le "taux risqué du secteur" (par exemple à partir des bêtas des différentes sociétés), mesurer les taux de croissance et de distribution moyens sur la période de Bates, et calculer les PER à la date de valorisation (capitalisation boursière / résultat net).
Toutes ces données sont agrégées (moyenne, médiane...) pour obtenir des taux risqués, taux de croissance, taux de distribution et PER de l'échantillon.

- En appliquant la formule de Bates aux taux et PER de l'échantillon de référence, on calcule le PER de référence à la fin de période de Bates.

- A partir du business plan de la société à valoriser, on relève le montant des dividendes versés dans la période de Bates, et le résultat net en fin de période.

- On évalue le taux risqué à appliquer à la société à valoriser. On retiendra généralement le taux risqué du secteur (celui du référentiel) auquel on apportera si nécessaire quelques corrections pour prendre en compte les spécificités de la société, comme par exemple la taille (si elle diffère de celle des sociétés du référentiel). Dans le cas d'une société en retournement, on sera souvent amené à augmenter le taux risqué pour prendre en compte le risque d'échec du plan de redressement.

- Ne reste plus qu'à assembler les morceaux pour calculer la valeur des fonds propres de l'entreprise, en multipliant le PER de référence à la fin de période de Bates par le résultat net en fin de période actualisé au taux risqué, puis en ajoutant la somme des dividendes également actualisés au taux risqué.

Ce qu'il faut retenir :
- La valeur des fonds propres de l'entreprise est égale à la somme des dividendes versés par la société sur une période d'investissement, actualisés au taux risqué, et de la valeur de sortie en fin de période d'investissement, également actualisée au taux risqué. La valeur de sortie est calculée en multipliant le dernier résultat net de la période par un PER calculé à partir du PER sectoriel par application de la formule de Bates.
- La méthode de Bates est une excellente méthode de valorisation pour les sociétés présentant un profil de croissance atypique sur quelques années, et notamment pour les sociétés en retournement.
- Elle présente peu d'intérêt pour valoriser des sociétés qui ne se démarquent pas notablement des sociétés de leur secteur (pour lesquelles la méthode des PER est plus adaptée).
- La mise en oeuvre de la méthode de Bates est généralement lourde. L'utilisation de la formule de Bates à partir de taux de croissance, taux risqués et taux de distribution sectoriels la rend plus accessible. 

Jacques CHAUSSARD
Responsable des Etudes Industrielles,
ECO/EIS, Crédit Agricole S.A.

www.credit-agricole.com - Etudes Economiques
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Achevé de rédiger le 30 juin 2012.

Vendredi 20 Juillet 2012




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