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Titrisation : évolution d’un marché en mutation

Créée dans une optique d'optimisation de l'allocation des fonds propres et de couverture de risque, la titrisation connaît actuellement de profondes mutations.


Titrisation : évolution d’un marché en mutation
Bien que l'objectif premier soit en partie conservé, le développement de produits financiers de plus en plus sophistiqués permet de créer des solutions "sur-mesure" répondant à chaque besoin et d'alléger les procédés autrefois très compliqués et coûteux. Aussi, le panel des utilisateurs de titrisation s'est fortement étoffé, faisant intervenir désormais banques, assurances, et autres institutions financières. Cependant, la titrisation essuie actuellement de nombreuses critiques. En effet, dans le cadre des difficultés rencontrées par les agences de crédit hypothécaire américaines, la titrisation est pointée du doigt car elle pourrait être à l'origine d'une crise systémique.

Une évolution importante de l'offre de produits

Premièrement, parler "du" marché de la titrisation sans évoquer le contraste important dans le choix des produits et des sous-jacents titrisés entre Etats-Unis et Europe (voire au sein de l'Europe) serait une erreur, d'autant plus que les volumes globaux par produits sont sans commune mesure entre ces régions.
Si l'on regarde le marché de la titrisation dans son ensemble, il est possible de faire ressortir deux grandes méthodes. Citons tout d'abord les Covered Bonds, instruments les plus simples. Les Covered Bonds ont pour objectif unique d'améliorer la liquidité du bilan. Leur utilisation est très simple: la banque émet des titres de dettes reposant sur un pool de créances. Ces créances sont conservées au bilan et servent à garantir l'émission, et à rémunérer les nouveaux titres. En effet, seuls les flux dégagés par les créances sont utilisés pour verser un coupon ainsi que pour le remboursement final. Dans le cas d'une structuration de la dette dite Pay-Through, les titres émis sont découpés en tranches de niveaux de risque différents, contrairement à la méthode Pass-Through où seul compte le niveau d'investissement.

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

En termes de volumes, les covered bonds occupent une place très importante en Europe mais leur usage est principalement allemand et danois - ces deux pays représentent ensemble 68% du marché européen. Le volume global d'émission en Europe, fin 2006, a atteint un nouveau record à plus de 478 Mds €, alors que l'encours pour ces produits s'élevait cette même année aux environs de 1775 Mds €.

Le second type de titrisation, appelé de façon générique ABS, Assets Backed Securities, est plus compliqué et plus coûteux à mettre en place (en réalité les noms diffèrent selon la nature de l'actif sous-jacent : on parlera de Mortgage Backed Securities [déclinés eux-mêmes en Commercial Mortgage Backed Securities, Residential Backed Securities…], Collateralised Debt Obligations, Collateralised Loan Obligations…).
L'objectif de ces outils est double : apporter de la liquidité au bilan et optimiser l'allocation des fonds propres en « externalisant » une partie du risque supporté.
Le schéma de mise en place d'une telle opération est le suivant : le cédant crée un véhicule ad hoc (Special Purpose Vehicle), et lui vend un portefeuille d'actifs. Le SPV émet ensuite des titres afin de financer son acquisition. Ces titres sont "backés" par les actifs acquis précédemment.
Dans la majorité des cas, le cédant souscrit à la tranche Equity d'émission du SPV afin de limiter le coût de l'opération.

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

L'émission de titres ABS connaît une forte progression depuis 2000. Ainsi, en Europe en 2006, un nouveau record d'émission a été établi à 459 Mds €. Le Taux de Croissance Annuel Moyen entre 2000 et 2006 s'élève à 34%, montrant la rapidité du développement de ces opérations.

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

Cependant, le niveau européen d'émission reste très en deçà du niveau rencontré aux Etats-Unis (>1200 Mds USD), et ce principalement en raison de la politique du gouvernement américain. Historiquement, le gouvernement américain a facilité l'accession à la propriété pour les citoyens, par le biais des crédits hypothécaires et en créant les « agences fédérales » (Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mac). Celles-ci n'ont pas pour but d'intervenir sur le marché primaire de crédits – la distribution – mais couvrent la surexposition au risque de crédit immobilier pris par les intervenants sur ce marché par le biais d'une souscription à la titrisation des crédits immobiliers distribués.

Une complexité accrue

Récemment, de nouveaux produits ont vu le jour : les CDO synthétiques (Collaterised Debt Obligations). La différence avec les CDO classiques réside dans le sous-jacent. Ici, pas de dette, mais des produits dérivés, les CDS - Credit Default Swap. Le cédant souscrit un certain nombre de CDS auprès du SPV, permettant de couvrir le risque auquel il est exposé. En échange, il verse une prime au SPV. Ensuite, il "package" tous les CDS pour en faire un CDO synthétique qu'il vend aux investisseurs. Cette méthode présente l'avantage d'être plus facile à mettre en œuvre (notamment vis-à-vis du client), elle libère des fonds propres mais n'a aucun impact sur la liquidité.

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

Ces CDO connaissent un fort succès, en témoigne l'essor considérable du marché. Les CDO synthétiques représentent plus de 75% des émissions de CDO. Les Etats-Unis participent à hauteur de 79% au volume total d'émissions et l'Europe à 18%.

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

Aujourd'hui, il apparaît que l'utilisation des CDO n'a plus pour objectif l'optimisation de l'allocation des fonds propres mais la spéculation. Alors que l'objectif des CDO « Balance Sheet » ou de bilan est de « sortir » le risque ou les actifs du bilan, selon le type de sous-jacents, les CDO dits d'arbitrage sont utilisés par les banques afin de profiter d'un rendement supérieur et de dégager une marge.

Vers des volumes de plus en plus importants ?

L'année 2006 a marqué des records de titrisation et ce, quels que soient les produits. Cette tendance s'explique par le contexte macroéconomique actuel : niveau élevé de liquidités sur les marchés et faiblesse des taux longs. Le mouvement va-t-il (peut-il?) se poursuivre en 2007?
Plusieurs facteurs laissent penser que la croissance connue dans le secteur ne devrait pas faiblir. D'une part, l'application de Bâle II incite les banques à titriser leurs créances afin d'optimiser le risque auquel elles sont soumises et donc l'allocation en fonds propres afférente. D'autre part, le développement du nombre d'opérations de LBO, et l'importance grandissante de leur volume, pousse les banques à effectuer une telle démarche afin de limiter l'exposition au risque. En effet, lors d'une opération de LBO, 70% de la valeur de l'entreprise cible est financée par dette. Cette dette est syndiquée et, environ 90% sont assumées par les banques. On comprend donc, au vu des volumes de dettes LBO, la nécessité pour les banques de titriser ces actifs. Cette opération peut s'effectuer soit par l'intermédiaire de dérivés de crédit (Credit Default Swap), rentrant dans la composition de CDO synthétiques, soit par le biais de CLO (Collateralised Loan Obligations, cf ABS).
Enfin, l'appétit croissant des investisseurs pour des produits à rendements élevés laisse présager à la fois d'une poursuite de l'innovation financière et d'une augmentation de l'offre répondant à ces besoins.

En revanche, la frénésie d'attribution de crédits (pour la plupart hypothécaires), génératrice de titrisation risque fortement de se réduire en raison de la fragilisation d'établissements les offrant. Récemment, New Century Financial spécialiste du crédit hypothécaire aux US a fait savoir qu'il connaissait d'importantes difficultés. Le cas n'est pas isolé et l'on pourrait citer également, Impac Mortgage Holdings et Accredited Home Lenders Holding, et bien d'autres qui mesurent aujourd'hui l'ampleur des dégâts de leur politique d'octroi de crédit inconsidérée.

La titrisation, vecteur de risque ?

Bien que l'objectif de départ de ces opérations soit de limiter le risque auxquelles certaines institutions s'exposent, ces opérations ont un effet pervers. En effet, le risque ne disparaît pas avec ces opérations, il est déplacé. Et, alors qu'il était précédemment concentré au sein d'établissements capables de l'estimer, il est dorénavant déversé sur les marchés. Or l'innovation constante se traduisant par une hausse de la complexité des produits, cela rend de plus en plus difficile l'estimation du risque par les investisseurs ne disposant pas d'une infrastructure considérable. Si certains tels que les Hedge Funds, sont des clients avertis de ce genre de pratiques et des investisseurs importants au sein des véhicules de titrisation (lire l'article Hedge Funds…), on risque cependant d'assister à la faillite d'investisseurs moins compétents en la matière.
Enfin, se pose la question des agences de notation. Ces agences responsables de l'estimation du risque intrinsèque des produits émis, et donc de l'information disponible pour les investisseurs sont accusées d'occuper une place qui ne leur permet pas de juger avec impartialité les produits. En effet, les agences sont à la fois responsables de la structuration des produits en tranches de niveau de risque différents mises sur le marché par les banques, et de la notation de ces produits. Or la notation permet pour l'investisseur d'apprécier la rémunération à exiger de ces placements et donc pour l'émetteur celle à offrir. Ainsi plus la note est élevée, plus le coût de l'émission va être faible. On peut se poser des questions sur l'objectivité du travail des agences lorsque l'on sait qu'environ 50% du chiffre d'affaires mondial de ces agences est le fait de la structuration des produits. Dans une étude publiée récemment[1], l'AMF a tiré la sonnette d'alarme évoquant un problème d'impartialité des agences.

Sia Conseil

(1) 7ème Journée des responsables de la conformité et du contrôle interne (RCCI) et des responsables de la conformité pour les services d'investissement (RCSI)

Articles dans : Stratégie, Risques / Finance, Types, Point de vue

http://finance.sia-conseil.com/

Titrisation : évolution d’un marché en mutation

Lundi 14 Mai 2007




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