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Réforme IFRS 9 : quels impacts pour les modèles de comptabilité existants ?

Tribune libre de Francois Royer, Senior Director, Solution Marketing Banking & Financial Services Axway


Francois Royer
Francois Royer
L'échéance pour l'adoption obligatoire de la directive IFRS 9 approche. Elle est fixée au 1er janvier 2018 pour les banques, les assurances bénéficiant d’un délai. Un certain nombre d’établissements sont d’ores et déjà en retard dans leurs projets et risquent de ne pas être prêts à temps. L’une des raisons de ce retard se trouve dans la complexité de mise en œuvre de la norme qui implique une convergence accrue entre les risques et la comptabilité pour une meilleure prise en compte du business model de l’établissement. Ce projet nécessite la prise en compte de nouveaux calculs de risques, l’adaptation des schémas comptables sur les instruments financiers, une révision du chronogramme d’exploitation dû à l’accroissement significatif des flux provisions et enfin une meilleure traçabilité des opérations comptables et des hypothèses de valorisations associées. Ces bouleversements justifient dans nombre de cas une révision profonde du système d’information comptable.

Une réforme complexe de grande envergure pour les banques et les compagnies d'assurance

Le 24 juillet 2014, l’International Accounting Standards Board a publié la version définitive d'IFRS 9 Instruments financiers qui remplace la directive IAS 39. Lancé en 2008 en réponse à la crise économique, ce projet est une première pour le secteur des services financiers, car la nouvelle norme oblige les organisations à adopter un nouveau cadre de gestion des risques. L'IFRS 9 a pour objectif principal d'améliorer les normes comptables de manière significative afin de permettre aux personnes utilisant les relevés financiers de bénéficier d'informations pertinentes, utiles et détaillées. Elles peuvent ainsi évaluer les montants, les délais et les risques liés aux flux de trésorerie de leur entreprise avec précision. La nouvelle norme redéfinit par exemple les principes de classification et d'évaluation des actifs financiers mais aussi les méthodes de dépréciation des créances. Elle complète les principes de comptabilité de couverture mis en place en 2013.

IFRS 9 va transformer en profondeur les processus de comptabilité des banques pour les pertes sur créances de leurs portefeuilles de prêts. Les provisions sur créances douteuses vont également augmenter et risquent de devenir plus volatiles : le respect de cette norme s'inscrit donc dans une démarche à long terme nécessitant des délais et des investissements importants.

L’application d’IFRS 9 entraîne également des changements importants pour les assurances, mais celles-ci peuvent, si elles le souhaitent, repousser l’échéance au 1er janvier 2021 afin de se caler sur le calendrier IFRS 4 Phase 2. Au cours des années à venir, le secteur de l’assurance va donc devoir préparer la mise en œuvre des nouvelles normes destinées aux instruments financiers et aux contrats d'assurance. Il est difficile d'évaluer l'ampleur des changements avant la finalisation de la norme IFRS 4, mais il faut s'attendre à des impacts significatifs.

Incidence d’IFRS 9 sur les normes comptables existantes

Les nouvelles dispositions d’IFRS 9 ciblent des aspects éminemment complexes et précis notamment sur trois aspects principaux de la comptabilité pour les instruments financiers :

Classification et évaluation des actifs financiers :
- Les actifs concernés par cette norme incluent les prêts aux entreprises ou aux particuliers, les prêts immobiliers, les actions, les obligations (à revenu fixe), les dérivés (stock options, swaps), les produits structurés comme les obligations hypothécaires garanties (CMO - Collateralized Mortgage Obligations) et les positions de change. Ils doivent être reclassifiés en fonction des valeurs possibles du couple Business Model (de collecte à vente) / SPPI (avec ou sans flux d’intérêts).
- Les actifs financiers sont évalués au coût après amortissement ou à la « juste valeur », en fonction de la nature des flux de trésorerie et du modèle économique de l'entreprise.

Dépréciation (crédits)
- IFRS 9 remplace le modèle de comptabilisation des pertes avérées liées à la détérioration du crédit, défini dans la norme IAS 39, par un nouveau modèle de pertes attendues nécessitant d’établir des prévisions/projections de provisions pour les portefeuilles de prêts basées sur différents facteurs de risque et critères économiques.
- La nature des calculs (projections) pour les pertes prévues dépend du degré de détérioration du crédit de chaque actif financier, avec trois niveaux de détérioration (dépréciation) définis par la norme. La comptabilité doit enregistrer l’évolution (dans un sens comme dans l’autre) de ce degré de détérioration.
- L’ensemble des crédits fait maintenant l’objet de provisions systématiques (y.c. pour les créances saines qui sont calculées à l’octroi).

Comptabilité de couverture
- IFRS 9 propose de nouvelles améliorations, notamment en autorisant un plus grand nombre de types d'opérations de couverture, en limitant la volatilité des pertes et profits liée à la comptabilité de couverture et en simplifiant considérablement les méthodes d'évaluation et de comptabilité pour l'efficacité des couvertures, qui sont désormais alignées sur les exigences de gestion des risques.

La mise en œuvre d'IFRS 9 nécessite une expertise pluridisciplinaire

Devant l’imminence de l’échéance, les organisations doivent accélérer la mise en œuvre. La prise de connaissance de la norme et l’évaluation des impacts sur les processus et systèmes de comptabilité devraient être terminées et les premiers travaux d’implémentation engagés.

IFRS 9 a non seulement un impact significatif sur les organisations comptables et risques, mais influe également sur d'autres départements au sein des institutions financières. Elle nécessite donc une approche pluridisciplinaire entre la comptabilité, les crédits, les risques et la DSI mais aussi les autres départements (redite non ?). Il est impératif que le conseil d'administration et les cadres dirigeants comprennent l'ampleur de l'impact de la norme sur leur entreprise (que certains jugent aussi importante que Solvency 2 ou la première mise en œuvre des normes IAS) et tiennent compte du nombre d'acteurs impliqués. Ces changements et exigences incluent :
- Pertes et profits : impact sur la transition et la volatilité inévitable à venir
- Capitaux : impact sur la transition et la volatilité inévitable à venir
- Impact sur les cadres, modèles et tarifs pour la gestion du risque de crédit
- Prise en compte des recommandations économiques pour l'évolution et des modèles de prévision potentiels
- Implication des responsables front-office ventes/commerce dans la création de modèles de risque/comptabilité
- Collecte de données de marché et de référence pour les activités des prêts commerciaux et des marchés de capitaux

IFRS 9 influe considérablement sur les exigences et les processus de comptabilité

Lorsque les organisations ont adopté dans les années 2000 les normes IFRS pour la première fois, elles n’ont pas forcément remis en cause leur production comptable pour passer sur une logique de production multi-gaap. Les reportings IFRS étaient alors dérivés du reporting normes locales.

En revanche, avec IFRS 9, il devient plus difficile voire parfois impossible d'utiliser cette méthode de retraitement a posteriori dans le cadre de la comptabilité des instruments financiers. En effet, à l'inverse d'autres normes IFRS, les règles de comptabilité d’IFRS 9 nécessitent une production des chiffres IFRS au niveau le plus fin soit à la maille contrat. La logique de comptabilité doit donc être appliquée unitairement à chaque transaction ou opération financière. Ainsi, les modèles de risque de crédit destinés à calculer les pertes prévues seront toujours utilisés à l'échelle du portefeuille, mais la comptabilité des instruments financiers devra être effectuée par contrat.

Les institutions financières impactées vont donc devoir effectuer une réforme complète de leurs systèmes de synthèse en adoptant un processus de comptabilité et de reporting en parallèle (norme French et IFRS). Cette comptabilité parallèle (enregistrer dans deux grands livres les écritures pour chaque transaction effectuée) rend incontournable l’usage d’un interpréteur comptable, car elle repose sur des procédures trop complexes et fastidieuses pour pouvoir être effectuées manuellement dans la durée.

Pour les organisations ne comptabilisant pas encore en multi-normes, l'échéance du 1er janvier 2018 semble encore plus proche car la mise en œuvre d’une double comptabilisation est un projet important. Des mesures temporaires pour les flux les plus impactés et notamment les provisions peuvent être mises en œuvre pour se rapprocher d’un modèle « full multi-gaap ». Passée l’échéance de 2018, il sera alors nécessaire de s’attaquer à l’interprétation en multi-normes de l’ensemble des flux présentant des différences de représentation comptables afin de limiter les couteuses opérations manuelles de retraitement des reportings.

En complément, la nécessité de s’équiper d’une piste d’audit efficace et exhaustive est réaffirmée par IFRS 9. Les éléments de la piste d’audit comptable, devront pouvoir être amendés par des données risques complémentaires permettant de justifier les éléments de valorisations.

Enfin, l’importance du portefeuille de crédits de l’établissement doit amener une réflexion sur la nécessité de rendre « scalable » le traitement des flux provisions qui du fait des nouvelles provisions sur crédit sains peuvent mettre en risque le chronogramme d’exploitation voire les délais de clôtures.

Si les banques sont en train de modifier leur architecture comptable du fait des exigences d’IFRS 9, il est fort probable que ce chantier ne s’arrêtera pas au 1er janvier 2018. A l’instar de Solvency 2 pour les assureurs, les travaux de rationalisation continueront après la date de mise en application. Pour les assureurs, vu l’ampleur des deux chantiers IFRS à mener, une anticipation des travaux semble plus que nécessaire.

A propos de l’auteur
François Royer à plus de 20 ans d’expérience dans la mise en œuvre de systèmes d’information comptables et financiers notamment dans le secteur banque et assurance. Après quelques années de R&D chez un éditeur français d’ERP bancaire, il rejoint l’agence conseil d’un grand intégrateur pour des missions de consulting et expertise en progiciels financiers. Chez Axway, il a pour mission d’accompagner les directions financières autour des problématiques d’urbanisation afin de faciliter l’adoption des réformes comptables et règlementaires. Il assure la direction de projets de grands programmes de refonte du SI comptable et financier. Il est actuellement responsable de la stratégie sur la gamme de produits d’intégration comptable AI Suite d’Axway (anciennement Règle Du Jeu).

A propos d'Axway
Axway (Euronext : AXW.PA) permet à plus de 11 000 clients à travers le monde de collaborer plus efficacement, d’innover plus rapidement et d’améliorer leur engagement auprès de leurs partenaires, développeurs et clients. Axway fournit des solutions d’intégration pour connecter, en toute sécurité, des personnes, des processus, et des objets ; et également une plateforme d’engagement digitale proposant la gestion d’API, la gestion d’identité, le développement d’applications mobiles et des outils d’analyse qui accompagnent les entreprises vers la réussite de leur transformation numérique. Le siège social d’Axway est basé en France et la direction générale aux Etats-Unis.
www.axway.com/fr

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Jeudi 30 Juin 2016




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