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RIA Novosti et l'UE en échec

J’appelle à la barre une photo, parue cette semaine un peu partout dans la presse. On y voit deux présidents, le russe et le serbe, Medvedev et Tadić, se serrant chaleureusement la main. Ils scellent un énorme paquet d’accords gaziers valant dans les 2.5 milliards de dollars.


RIA Novosti et l'UE en échec
Dans RIA Novosti, de Moscou, Alexandre Medvedev se gargarise : « C’est un événement historique ». Le symbole est très fort lorsqu’on sait que Tadić a fondé deux campagnes présidentielles sur le thème de l’intégration dans l’Europe. Et que ses adversaires, dont l’ex-Premier ministre Koštunica, ne voulaient pas coopérer avec le Tribunal de La Haye et faisaient déjà, eux, les yeux doux à Moscou. Et pourtant, après quelques années et moult déceptions, Tadić s’est résolu à pactiser avec un allié puissant (mais dont l’histoire a prouvé, avec une lugubre régularité, la rouerie et la duplicité envers le petit frère serbe). Et l’UE ne peut s’en prendre qu’à elle-même pour ce retournement.

Car ce qui s’est passé la semaine dernière à Moscou est plus proche de la défaite européenne que d’une victoire russe, encore relative et probablement pas définitive. Partout dans les Balkans et dans les pays de l’Est de l’Europe, un vent de révolte est en train de souffler. C’est sur ce vent que l’avion de Tadić s’est porté jusqu’à Moscou. Des sondages récents m’ont fait me frotter les yeux d’incrédulité.

En Roumanie, en Hongrie, en Tchéquie, en Croatie, en Pologne, une portion nettement grandissante et parfois déjà majoritaire de la population est en train de se retourner contre les bienfaiteurs de Bruxelles. Lorsque je vivais en Serbie, vers 2002-2004, l’UE était encore largement considérée comme un futur très enviable, un rêve. Or avec le temps, les pesantes leçons d’éthique dont les étalons de mesure ont été égarés, les interminables tracasseries administratives, les chantages et les coups tordus, ce rêve est en train de se transformer en lendemain qui chante. Une chanson que d’anciens pays communistes connaissent par cœur.

Dans son livre La doctrine du choc, Naomi Klein a décrit avec une précision clinique les désastres économiques et sociaux provoqués en Pologne par les besoins de l’alignement démocratique et libéral. Une statistique entre autres : le nombre de personnes vivant sous le niveau de pauvreté est passé de 15% en 1989 à 59% en 2003. Ainsi cette succession d’ajustements, ces restructurations et ces transformations ont fini, 20 ans plus tard, par agacer. Non seulement les bienfaits dont ont pu bénéficier les nouveaux membres de l’UE ne sont pas ou plus très visibles, mais les méfaits commencent à se faire sentir en terme de chômage, de croissance et d’inégalité de la compétition.

La France ne permettra jamais à la Pologne de toucher les subventions agricoles qu’elle s’octroie, et l’Allemagne fera tout son possible pour interdire aux travailleurs polonais d’accéder librement à son marché. Pour ceux qui voudraient sauter dans le train en marche comme la Serbie ou la Croatie, les exigences institutionnelles et économiques sont devenues telles que chaque gouvernement n’a plus qu’un seul agenda : faire avaler la pilule bruxelloise. Sachant qu’il finira bien par le payer aux prochaines élections.

Plus grave encore, après son échec aux négociations avec l’OTAN en juin dernier, la petite Macédoine est en proie à des déchirements qui menacent sa fragile survie. Le blanc-seing donné à l’indépendance du Kosovo par Bruxelles a donné du courage à la moitié albanaise du pays, qui est en train, peu à peu, de diviser la Macédoine en deux, en risquant de replonger la région dans la guerre, ou en tout cas dans une instabilité violente et durable. Dix ans après la fin de la guerre de Yougoslavie, on n’a pas fini de dépecer les Balkans sur des lignes ethniques, réalisant dans de jolis bureaux bruxellois l’abominable projet que Milosevic, Tudjman et Izetbegovic avaient entamé avec des AK47. On y a cautionné l’indépendance du Kosovo tout en brandissant le mot « exception », et puis on a fait les yeux ronds lorsque, six mois plus tard, Saakachvili sautait sur l’Ossétie pour tuer dans l’œuf tout tropisme kosovar, provoquant le pataquès que l’on sait.

L’Europe de l’Est a toujours été le champ de bataille des empires orientaux et occidentaux. Quand ça n’était pas Gengis Khan ou Staline, c’était Marie-Thérèse ou Napoléon. Pour une fois, l’adhésion à une nouvelle forme d’empire, l’Union Européenne, ressemblait à une promesse pour tous ces pays, en réalité fort différents les uns des autres. L’UE, c’était un ancrage politique résolu à l’Ouest et une coopération économique pragmatique avec la Russie. Ce double-jeu permettait à la région tout entière de renouer avec la stabilité et la prospérité. Mais près de vingt années de petits pas et de promesses non tenues auront fini de dégoûter jusqu’aux plus ardents promoteurs de Bruxelles qui sortent en claquant la porte. Et si Bruxelles persiste à s’entredéchirer, si les populations d’Europe orientale s’en détournent et que leurs dirigeants font le voyage de Moscou, on peut commencer à avoir peur pour le projet tout entier. Après quelques années d’enthousiasme prudent, l’espoir que je mettais dans l’Union Européenne est en train de prendre un coup de vieux. Et la perspective de son hypothétique disparition ne me fait pas pour autant danser de joie : les délabrements d'empires possèdent entre eux de regrettables similitudes.

David Laufer
Partenaire expert CFO-news

www.cfo-news.com/index.php?action=annuaire&subaction=enter&id_annuaire=17005


Vendredi 2 Janvier 2009




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