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R et D : Investir dans la recherche ne suffit pas !

La consultation publique lancée par trois ministres à propos de « l’internet du futur » nous incite à élargir le débat sur la R & D… dont on attend tant (et probablement trop !) pour relancer, dans l’urgence, notre activité économique, la compétitivité de nos entreprises, la croissance de notre PIB… résoudre nos multiples problèmes sociétaux !


Economiste autrichien de la première moitié du XXème siècle, J. Schumpeter est connu comme le théoricien de l’innovation… Nous retiendrons ici qu’il a su mettre l’accent sur le rôle déterminant de l’entrepreneur qui sait innover dans la mise en œuvre de moyens (pré- existants)… En cela il a souligné que les travaux d’innovation trouvent leur raison d’être dans leur aboutissement économique, leur « intérêt » se mesurant à l’aune des profits que réalise in fine l’entreprise. Sans profits, point de salut ! C’est grâce à ces profits que l’entreprise trouve un « équilibre dynamique » qui lui est nécessaire pour récupérer un investissement préalable, pour investir à nouveau… Plus clairement, le dynamisme entretenu, nécessaire à la pérennité de l’entreprise, vient du profit que lui procure l’innovation, une innovation qui la maintient en position concurrentielle favorable en cas de développement « incrémental » voire en position de monopole temporaire dans le cas d’innovation en « rupture ».

Aujourd’hui le vocabulaire d’innovation existe toujours mais il est supplanté dans le répertoire officiel par le sigle « R&D » (Recherche et Développement). Alors, on retiendra que pour Schumpeter le « D » est essentiel, sans le D, point de salut pour le « R »…

La théorie de Schumpeter est connue partout dans le monde. Ainsi dans le monde entier le concept R&D se décline… Mais que recouvre-t-il précisément ?

Du point de vue sémantique, on s’efforce souvent de différencier la recherche de base ou fondamentale, de la recherche appliquée, du développement technologique expérimental, du développement industriel. Mais chaque pays a son propre découpage entre ces modules… et si des controverses (sans doute bien peu utiles !) peuvent en naître, nous retiendrons avec Schumpeter que, du point de vue économique, seul compte le succès de la phase finale de la « R&D ».

Par rapport aux siècles précédent où « Chercher » était une « Passion », « Découvrir » une « Grâce », l’application industrielle un enjeu que le temps se chargeait de confier à d’autres, aujourd’hui, « chercher » est devenu un métier, « trouver » est un bonus et le développement de l’application industrielle de la R&D un enjeu économique majeur, essentiel à la survie de l’entreprise…

Cette réussite économique tant espérée ne va pourtant pas de soi ! Partant des résultats et recommandations issues des travaux de recherche, après avoir surmonté les difficultés qui ne manquent pas d’apparaître aux différents stades du développement technologiques d’un produit (maquette, prototype, pilote…), il faut que le nouveau produit se présente au « bon » moment sur le marché ! Ainsi le succès commercial devient dépendant de circonstances externes …d’un facteur chance.

En résumé, la R&D est un investissement à haut risque pour l’ensemble des acteurs concernés.

Le cas français
Nous faisons partie des pays puristes de la sémantique… L’activité noble concernerait exclusivement le R, l’activité industrielle, entrepreneuriale, étant quant à elle une affaire de D, une affaire d’argent, soit deux activités délimitant deux « mondes » distants, méfiants l’un envers l’autre, peu enclins à l’estime réciproque, donc peu enclins au dialogue, aux visions communes et autres rapprochements…

Ainsi va le monde de la recherche fondamentale (des questions récurrentes se posent alors à propos de la mission de notre CNRS, de l’évaluation de ses performances) avec, de surcroît, un cloisonnement étanche entre domaines scientifiques, entravant souvent l’approche transverse pourtant nécessaire au traitement des problèmes d’aujourd’hui (environnement…). Ainsi va le monde universitaire, préférant garder une totale liberté d’initiative en matière de programme plutôt que s’enquérir des besoins ou de l’avis du monde de l’industrie. Ainsi va le monde industriel, avec ses problèmes de survie, ses stratégies de court terme pour parer aux exigences les plus coercitives… de rentabilité immédiate.


Comparatif R&D dans le monde

Données R&D 2006 pour l’OCDE (origine Ministère de l’Ens. Sup. et de la Recherche)

PAYS

%PIB

Millions $ PPA

%financé Entreprises

% financé Etat

Nombre de chercheurs

Allemagne

2,53

non disponible

68*

28*

282063

Autriche

2,45

7249

46

37

30452

Belgique

1,83

6472

60

25*

33924

Canada

1,94

23306

48

33

125330**

Corée du Sud

3,23

35886

76

23

199990

Danemark

2,43

4652

59

28*

28653

Espagne

1,20

15596

47

43

115798

Etats-Unis

2,62

343748

65

29

1387882*

Finlande

3,45

5945

67

25

40411

France

2,11

41436

52*

38*

204000*

Grèce

0,57

1735

31*

47*

19907

Irlande

1,32

2290

59

30*

12167

Italie

1,09 *

17827 *

40*

51*

82500*

Japon

3,39

138782

77

17*

709691

Luxembourg

1,47

542

80*

16

2346

Pays Bas

1,67

9959

51***

36**

45852

Portugal

0,83

1839

36*

55

21120*

Royaume Uni

1,78

35591

45

32

183535

Suède

3,73

11815

66*

23**

55729

Suisse

2,90 *

7479**

70**

23*

25400*

OCDE

2,26

817769

64

29*

3879394*

Europe 25

1,79

241369

54*

35*

1301555

Europe 15

1,88

230596

55*

34*

1133469*


*en 2005 ; **en 2004 ; ***2003

Quelques commentaires sur ces données
Rapportée au PIB, la France vient en 4ème position après la Suède, le Japon, les Etats- Unis, avec 70% du pourcentage suédois.
En financement ($ PPA), la France vient en 3ème position après les Etas-Unis, le Japon, avec 12% de la dépense des Etats-Unis.
En nombre d’agents, la France est en 4ème position après le Japon et l’Allemagne, avec 15% des moyens en hommes des Etats-Unis.

Globalement, l’Europe consacre 1,79% de son PIB contre 2,62 pour les Etats-Unis (soit 70% des moyens mis par les Etats-Unis). Mais dans ce comparatif avec les Etats-Unis, il faudrait aussi tenir compte des problèmes de coordination spécifiques à la communauté européenne !

Sur l’ensemble des critères, c’est le Japon qui apparaît comme le mieux placé (il l’était également au milieu des années 80, moment où nous avions participé à une mission sur ce thème dans ce pays qui était alors la référence économique et sociale du monde entier – voir par exemple «Le miracle japonais » de L. Wegnez)… Cependant, la France avec sa 4ème place occupe une position honorable (bien que la plus mauvaise, diraient les sportifs !).

Mais on doit également s’intéresser à la répartition du financement de la R&D, entre les entreprises et l’Etat (la R&D a également d’autres sources de financement : dons, financements d’origine étrangères… qui complètent les pourcentages affichés dans le tableau).

Alors on observe que le Japon se distingue à nouveau par un financement des entreprises atteignant 70%, la France étant seulement en 12ème position, avec 52%. A l’opposé, c’est l’Etat portugais qui est le plus interventionniste avec un apport de 55%, la France étant en 5ème place avec 38%. Il y a là des données à méditer quand on sait les difficultés à faire bénéficier les entreprises des moyens mis par l’Etat dans la recherche publique !

Mais, si la R&D était une activité stratégique dans les années 80, aujourd’hui la R&D est une activité qui se sous-traite, qui se délocalise…comme le reste! Et l’internationalisation des activités de R&D prend de plus en plus d’importance. Il devient alors de plus en plus difficile de donner un contenu précis à la notion « d’effort national de R&D ».

Ainsi, de nouvelles questions sont soulevées, parmi elles: Quels liens existent encore entre l’activité de recherche, les transferts de technologie, la propriété industrielle ? Comment se répartit la valeur ajoutée entre ces activités ? Quels bénéfices pour les pays ? Que sont les risques ?

Ayant passer l’essentiel de notre vie professionnelle comme acteur de la recherche appliquée et avec quelques années passées à l’ANVAR (aujourd’hui Oséo-Anvar), Agence Nationale pour la valorisation de la recherche et le soutien des PME/PMI, qu’on nous pardonne quelques commentaires issus de cette « expérience personnelle »… Ils concerneront la propriété industrielle, la synergie université/entreprise et la R&D face à la crise sociétale actuelle.

A propos de la protection de la propriété industrielle

Si le nombre de brevets est un indicateur traditionnel de la bonne santé de la R&D, le recours au brevet (et assimilés) pour protéger un concept ou une réalisation technologique n’est pas toujours la meilleure solution…

En effet, s’il s’agit d’une stratégie strictement « défensive » (pas de velléité de développement de la part de l’inventeur, mais volonté d’éviter qu’un concurrent s’empare du concept), alors penser que les « contournements » sont souvent aisés et tenir compte de ce que serait le coût de la défense du brevet devant les tribunaux… cela après des coûts de dépôt et d’entretien de brevet élevés : le coût d’un brevet européen est de l’ordre de 30 000 €, l’annuité en représentant 28%, contre 10000 € pour le brevet japonais ou le brevet américain…

S’il s’agit d’un brevet « offensif » marquant la volonté de bénéficier de l’avance technologique et du monopole à venir, alors penser à nouveau qu’un brevet peut souvent se contourner, qu’il s’agit d’une protection temporaire. Et au bout du compte, la meilleure protection peut être la dynamique du développement. Faire vite et afficher cela comme leitmotiv… Et les concurrents ne vous rattraperont jamais…Donc plus besoin du brevet… qui fige !

A propos de la synergie universités / entreprises

Par comparaison avec de nombreux pays, il y a là probablement le talon d’Achille français !

Si la situation est connue, commentée, faisant l’objet de recommandations, de tentatives de remèdes, peu de changement depuis 50 ans…du moins dans le secteur des activités traditionnelles !

Dans le secteur des nouvelles technologies, on a pu assister à la création de pôles technologiques qui sont là pour favoriser les synergies. Mais avec les nouvelles technologies l’enjeu prend généralement une dimension internationale… et la question devient incontournable : l’Europe est-elle prête à renforcer sa coopération, ses échanges intra-muros en matière de R&D, pour favoriser la mis en place d’une politique industrielle commune et être mieux à même de faire face au reste du monde… aux pays émergents avec leur énorme potentiel en « cerveaux » ?

Formaliser des temps forts amenant les universités et les entreprises à se rencontrer régulièrement (par exemple en milieu d’année universitaire afin de préparer l’année suivante), encourager le montage de projets en coopération université/entreprise grâce à des mesures incitatives dont l’intérêt partagé par les deux partis pourrait prendre la forme d’un soutien financier systématique de la part des pouvoirs publics en cas d’établissement d’un contrat (1) seront nos deux suggestions.

Alors «l’internet du futur» ne devrait-il pas favoriser ce rapprochement, c’est-à-dire formaliser la connexion entre universités et partenaires industriels, sécuriser les échanges d’information entre les deux mondes ? Ce sera là notre contribution à la consultation publique en cours.

A propos des attendus de la R&D dans un contexte de crise sociétale

Il est donc légitime de faire appel à l’innovation, à la R&D, comme une nécessité absolue pour sortir de la crise, pour « rebondir »… Mais ce qui est nécessaire est rarement suffisant !

En effet, quand l’innovation ou la R&D sont pertinentes, réussies, elles le sont pour une entreprise, mais alors la réussite peut-être multinationale (Quid en cas de coopération ou en cas d’entreprise de la même dimension ?)…

Plus une innovation est en « rupture » plus elle est déstabilisante pour tout le secteur économique où elle s’ancre… L’innovation peut aussi porter sur l’organisation des moyens comme le dit si bien Schumpeter, donc concerner la productivité du travail, la rentabilité du capital… donc finalement être peu favorable à l’emploi !

Ce qui est bien du point de vue « micro » économique ne l’est pas forcément du point de vue « macro ». Il est même plus fréquent de trouver des conflits d’intérêts entre les deux approches ! Alors qu’en est-il réellement du bénéfice sociétal de la R&D ?

Et la crise actuelle est une crise sociétale…planétaire !

Ainsi, être davantage en phase avec l’ensemble des préoccupations actuelles qui dépassent le seul critère de réussite économique nous oblige à aller au-delà des vues de Schumpeter pour retenir que seul compte le résultat « sociétal » final, incluant l’ensemble les retombées économiques, sociales, environnementales, écologiques de la R&D, avec pour les plus audacieux… le souci d’en établir le bilan planétaire.

Aussi, d’autres défis, plus altruistes, plus empreints de sagesse, d’humanisme, de visions globales, de préoccupations de long terme, doivent maintenant être explicités (2) pour devenir des déterminants essentiels des orientations de la R&D… et de sa réussite.

(1) Contrat répondant à des critères à préciser mais incluant un objectif de développement industriel.

A ce propos, nous remercions J. Lombart, conseiller technologique régional qui a été l’un des pionniers du réseau RDT de nous avoir communiqué les informations qui suivent :

« Entre 1990 et 1996, à l'initiative du Ministère chargé de la Recherche et de l'Industrie, les 22 régions françaises ont mis en place un Réseau de Développement Technologique (RDT) chargé d'identifier les besoins technologiques des PME/PMI.
Dans ce cadre, différents outils financiers ont été créés dont le plus efficace est probablement toujours la Prestation Technologique Réseau (PTR). Cette «première aide», plafonnée à 5000 voire 10000 € selon le cas, permet de financer le recours à des intervenants extérieurs, universitaires ou privés, pour réaliser diverses prestations de type soutiens théoriques, essais, mises au point, brevets…
Plus d'un quart des PTR débouche sur d’autres financements souvent plus importants, provenant de Oséo-Anvar, des DRIRE régionales ou encore de l’ANRT pour les doctorants, prenant alors la forme de conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), tandis que des conventions « Cortechs » gérés par l’Anvar, existent pour les techniciens supérieurs…Jacques Lombart »

Aujourd’hui les PME peuvent également consulter le RDT et ses conseillers technologiques régionaux via le service « Technéo », service coordonné par Oséo-Anvar qui référencie les compétences des équipes à même de venir en appui aux projets innovants des entreprises: organismes publics et parapublics dédiés à la recherche et à la technologie ainsi que les sociétés privées spécialisées (Structures de Recherches Contractuelles, sociétés agréées, Crédit d'Impôt Recherche…)

(2) Nous avons déjà publiés quelques articles sur la « solidarité », le « partage », « l’équité »… (notamment sur ce site)

Rémi Guillet, expert-partenaire CFO-news
guilletremi@yahoo.fr

Lundi 8 Juin 2009




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