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Qui quittera la zone euro : la Grèce ou l'Allemagne ?

Comme nous l'appelions de nos vœux la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, la BCE a choisi d'être ferme vis-à-vis de la Grèce. En refusant désormais d'accepter les titres de la dette grecque à l'actif de son bilan, elle rappelle simplement que la zone euro n'est pas la jungle mais un ensemble structuré de pays qui ont choisi de suivre des règles communes. Dans ce cadre, si la Grèce ne trouve pas d'accord avec ses créanciers eurolandais d'ici début mars, elle devra quitter la zone euro.


Marc Touati
Marc Touati
C'est d'ailleurs peut-être là que réside la sortie de crise pour l'économie hellène. N'oublions effectivement pas que le niveau d'équilibre de l'euro/dollar pour la Grèce est inférieur à 0,70 dollar pour un euro, contre 1,15 pour l'ensemble de l'UEM, 1,05 pour la France et 1,35 pour l'Allemagne. De la même façon que l'Argentine est sorti de la crise de 1998-2002 en annulant une partie de sa dette et en dépréciant fortement le peso, il en sera de même pour la Grèce. De toute façon, elle ne remboursera pas une grande partie de ses obligations. C'est d'ailleurs vraisemblablement parce que Tsipras l'a confirmé à ses homologues eurolandais que la BCE a été si directe et si rapide. Autrement dit : quitte à faire une croix sur ce remboursement, autant accompagner les Grecs hors de l'euro tout en les maintenant dans l'Union européenne.

La Grèce sera ainsi sauvée et la zone euro avec. Car si un nouveau cadeau est consenti à la Grèce sans contrepartie, les autres pays du Sud sauront quoi faire à l'avenir : élire un parti extrémiste à leur tête et supprimer tout ou partie de leur dette, signant l'arrêt de mort de l'UEM et le début d'une nouvelle crise dévastatrice.

Et ce d'autant que si Tsipras obtient gain de cause, les Allemands pourraient bien être les premiers à quitter la zone euro. Et oui, à force d'imaginer que la Grèce, pourrait sortir de la zone euro, on a fini par oublier que le pays le plus enclin à claquer la porte de cette dernière pourrait bien être l'Allemagne. Les récentes déclarations des dirigeants allemands ont d'ailleurs de quoi inquiéter. Ainsi, que ce soit les Ministres de l'économie, des Finances ou encore Angela Merkel en personne, tous ne cessent de souligner que la zone euro est toujours en crise existentielle, tout en s'interrogeant sur la place de l'Allemagne dans l'Union Economique et Monétaire. Pis, ces questions et ces inquiétudes ne sont pas le simple fait des dirigeants politiques, mais elles s'imposent de plus en plus au sein de la population. Depuis 2010, des sondages indiquent régulièrement que près de 60 % des Allemands pensent qu'ils auraient dû conserver le mark. Tout un programme !

Certes, les Allemands oublient un peu trop vite que la zone euro a aussi été une chance pour eux. En effet, elle leur a permis de figer leur monnaie vis-à-vis de celle de leurs principaux partenaires européens, évitant par là même de pâtir d'un taux de change trop élevé. En d'autres termes, il est clair que si l'euro n'existait pas, le deutsche mark se serait fortement apprécié face aux autres devises européennes, pénalisant les exportations et favorisant les importations. A l'inverse, l'Allemagne a aujourd'hui la chance de disposer d'un marché colossal et presque captif, avec un taux de change sous-évalué.

Si cet argument est imparable et montre que l'Allemagne n'aurait pas forcément intérêt à sortir de la zone euro, il doit néanmoins être relativisé. En effet, ce qui permet aux entreprises allemandes d'exporter réside principalement dans la qualité et la technicité de leurs produits. Ainsi, avec un deutsche mark fort, elles auraient tout de même pu continuer à exporter fortement. En outre, n'oublions pas qu'à l'inverse de la majorité de ses partenaires européens, l'Allemagne a su diversifier la destination de ses exportations et miser très vite sur les pays émergents en forte croissance. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle, les exportations allemandes restent dynamiques quel que soit le niveau de l'euro.

Mais, au-delà de ces bons choix stratégiques (tant d'un point de vue sectoriel que géographique), les entreprises d'outre-Rhin bénéficient également d'une forte modernisation de leur économie. Celle-ci s'est notamment traduite par une réduction de l'impôt sur les sociétés (de 35 à 20 %), par un marché du travail plus flexible, par un amoindrissement du coût de la main-d'œuvre et, plus globalement, par une réduction des dépenses publiques. Après avoir avoisiné les 50 % du PIB il y a dix ans, ces dernières n'en représentent plus que 45 % aujourd'hui, contre par exemple 57,1 % pour la France.

Et c'est sur ce point précis que les Allemands ont de quoi taper du poing sur la table. En effet, après avoir, eux aussi mais avant tout le monde, sombré dans une crise dramatique en 2001-2003, ils ont réussi à prendre le taureau par les cornes et à rompre avec l'atonie économique. Cela a pris dix ans, mais depuis lors, ils ont retrouvé le leadership de la croissance de la zone euro. Ayant relégué leurs complexes aux oubliettes, les Allemands souhaitent désormais reprendre également leur leadership politique et imposer leur vision du monde à l'ensemble de la zone euro.

De plus, si depuis l'après-guerre, les Allemands ont constamment avalé des couleuvres et volé au secours de leurs partenaires européens, aujourd'hui, ils ne semblent plus disposés à le faire aussi facilement. Ou du moins à une condition : que les pays eurolandais engagent les même réformes qu'ils ont réussi à mener dans les années 2000. Sinon, l'Allemagne retrouvera le pouvoir de dire « Nein ! ». Et ce tant pour la Grèce que pour de nombreux autres pays eurolandais, France comprise.

Dans ce cadre, à force d'avoir répété « faites comme nous », sans être suivie, l'Allemagne pourrait tout simplement se retirer de la zone euro et revenir à sa proposition initiale d'une UEM limitée à des pays économiquement et socialement proches (en l'occurrence les Pays-Bas, l'Autriche et le Luxembourg). Une crise sans précédent s'imposerait évidemment aux autres pays européens. Alors que faire ? Accompagner en douceur la Grèce en dehors de la zone euro ou inciter les Allemands à quitter cette dernière ? Pour nous, il n'y a pas photo. Réponse dans moins de vingt jours…


Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Mardi 10 Février 2015




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