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Où en est la RSE en France, à la veille d'initiatives publiques nouvelles ?

La France pourrait voir le déploiement d’une RSE efficace si on veut bien travailler collectivement pour concilier durabilité et économie des entreprises.


Patrick d’Humières
Patrick d’Humières
La société aspire à une économie responsable mais « le management RSE » reste encore largement une affaire de pionniers en France. Faute d’une politique d’incitation, la RSE reste encore à la porte de la gouvernance et du modèle économique. Ce défi est encore plus crucial au plan international. Après une décennie d’expérimentations et de démarches visionnaires de la part de certains acteurs comme Lafarge, Danone, Schneider, Bouygues, qui ont formalisé des démarches RSE engageantes, dans un contexte sociétal qui ne cesse de juger l’économie de façon manichéenne, la France a entamé en 2012 un cycle original d’encouragement à la RSE, via la loi Grenelle 2 et sa confirmation par le nouveau Gouvernement, lors de la Conférence environnementale.

Comparée aux grands pays développés, la France n’est ni en retard, ni en avance, concernant le niveau d’appropriation de la RSE, dans les entreprises ; elle cumule toutefois trois caractéristiques paradoxales : des textes directifs en faveur du reporting mais une administration désorganisée et sans doctrine ; une communauté économique qui revendique largement la RSE mais qui l’assimile encore à de la bienveillance environnementale et une société civile qui voudrait que les entreprises fassent tout et qui ne leur accorde aucun crédit pour les progrès qu’elles prennent de mieux en mieux en charge. Bref, comme dans le reste, la France idéologise largement la question RSE au lieu de s’attacher à en faire un terrain du contrat de progrès social, pragmatique et partagé, même si des mutations sensibles sont à l’œuvre. Et même si la pression internationale en fait une préoccupation croissante.

Il n’est pas anormal de considérer que le passage d’un modèle économique à l’autre, intégrant dans la prise de décision des acteurs – financiers, régulateurs, consommateurs et salariés – des considérant d’intérêt public, ne puisse pas se faire rapidement et dans un pays, alors que les forces qui poussent le mouvement sont celles des valeurs sociétales nouvelles et la prise de conscience de la part des Etats des limites d’une régulation par le marché.

La question RSE, en France comme ailleurs, est aujourd’hui celle de savoir si on considère une entreprise qui fait des efforts volontaires dans le sens des enjeux publics, de manière identique à celle qui n’en fait pas. Cette question appelle trois problématiques : celle du concept d’abord, à savoir qu’on va considérer que la responsabilité de l’entreprise se situe dans la façon dont elle accomplit sa mission, en termes de durabilité (enjeu de légalité, de découplage, d’équité et d’accessibilité) ; celle de la mesure, qui suppose qu’on se mette d’accord sur un mode de suivi objectif, fiable et opposable quant aux performances RSE ; et enfin, celle de l’incitation qui va stimuler, par l’action publique (fiscalité, marchés publics, normes), l’entreprise afin qu’elle réduise ses impacts et les améliore, tout en se développant. Identification, information, incitation sont les trois conditions d’une dynamique RSE. De ce point de vue la France est à mi-chemin, tiraillée entre les peurs des uns et les rêves des autres, les audaces de quelques uns et le cynisme de beaucoup, dans un contexte institutionnel confus, divisé et méfiant qui n’a pas traité la question, à la différence de notre partenaire allemand qui a formalisé « une politique RSE ».

Les acteurs concernés savent qu’il leur faudrait discuter ensemble cet enjeu pour l’apprivoiser et le penser à long terme ; mais ils attendent encore de la puissance publique qu’elle tienne l’ordre du jour et arbitre à leur place. Ils ne se font pas encore assez confiance pour débattre par eux-mêmes et rechercher des voies de progrès sans attendre d’être d’accord sur tout. On peut espérer néanmoins qu’une « plate forme nationale de dialogue » voit le jour en 2013, si on choisit l’informel, les petits pas et la méthode négociée.

Sur le plan des incitations et du cadre public, l’étape préalable est la cohérence au sein de la sphère publique qui n’arrive pas à coordonner ses composantes administratives concernées au travers d’une politique interministérielle de la RSE. Les partenaires sociaux, auxquels le Premier Ministre a donné mandat d’échanger sur le sujet dans le cadre de la conférence sociale, pourraient envoyer le message. Peu importe où il arrivera pourvu qu’une impulsion émerge.

Le Parlement, à l’origine de l’article 225, demandera probablement cette mise en ordre car les élus de la majorité et du centre sont attirés par l’affirmation d’une modèle économique négocié ; ils mesurent sur le terrain l’importance de la conditionnalité du soutien public aux entreprises. Quant aux entreprises, il faut distinguer clairement entre celles qui sont sur le front international et nos petites structures dépendantes et hexagonales. Les premières rentrent progressivement toutes dans le jeu de la RSE, sous la pression des donneurs d’ordre pour l’essentiel, au nom de leur réputation aussi ; à l’horizon 2015, nos grandes entreprises afficheront toutes un catalogue d’initiatives environnementales et d’intégration locale, des reporting foisonnant, et des démarches d’empathie qui caractérisent l’apprentissage de la RSE, en attendant d’en comprendre l’intérêt stratégique. L’intégration financière et extra-financière qui donne son sens à la démarche est plus à l’horizon 2020.

Tant que des initiatives de droit international ne permettront pas de limiter des investissements ou des échanges en fonction de résultats RSE, la pression restera limitée. Or la diplomatie de la RSE hésite encore et se cherche ; elle reste suspendue à la convergence des cadres de référence qui se discutent entre les promoteurs des référentiels multiples. L’OCDE, à travers l’aiguillon de ses PCN, bénéficiant de l’appui des USA sur les sujets de compliance, sera le cadre le plus à même de faire valoir un « droit international de la RSE » dont les entreprises vont se soucier de plus en plus, au travers de jurisprudences menaçantes et de procédures accusatrices coûteuses. L’initiative française post Rio en faveur du reporting devrait servir aussi de cadre de discussion.

Pour ce qui est des PME, la RSE reste à inventer, pour autant que les grands acheteurs veuillent bien rendre la démarche crédible. « Pacte PME » a ouvert la voie mais on est encore loin de la formalisation d’achats durables en logique de partenariat où le mieux disant est vraiment la règle. Il faudra que la stratégie des labels se discipline et se simplifie à la fois pour leur donner confiance.

Dans ce contexte où la France ne restera pas à l’écart des initiatives de régulation de l’économie de marché – même si elle ne croit qu’à celle qu’elle a proposé - comme celles sur les industries extractives ou le secret bancaire poussées courageusement par les Etats-Unis, l’entreprise reste soumise à beaucoup de défiance.

La RSE pourrait être l’outil de la réconciliation entre l’entreprise et la Société, si les partenaires sociaux en faisaient enfin un sujet du dialogue social. La CFDT pourrait être de moins en moins isolée si les directions d’entreprise comprenaientt que les accords cadres RSE constituent des leviers de sortie de crise intéressants. Les medias ne lâcheront pas la pression et toute faute deviendra de plus en plus une culpabilité planétaire.

Ce risque disproportionné incitera les présidents d’entreprise réticents à jouer le jeu, dès lors que la question du climat et que le principe de précaution passent derrière l’enjeu d’emploi et de partenariat local, où ils voient mieux le gain à partager à court terme. Cette mutation culturelle devrait caractériser les deux années qui viennent, au fur et à mesure qu’on découvrira en entreprise que le reporting RSE n’est pas si compliqué, qu’il peut servir et qu’il ouvre un nouvel horizon à l’analyse de la valeur économique. Mesurer est moins pénible quand on comprend pourquoi le faire et quand tout le monde le fait ! Et quand on en tire des plans d’action pour réduire ses coûts et se positionner sur de nouvelles offres.

La RSE a décollé mais n’a pas encore fait la jonction avec l’enjeu de performance , regardée avec l’outil obsessionnel de la valeur financière et la volonté de faciliter la mutation des modèles. Si les études économiques à paraître devraient rassurer dans le bon sens, reste que la pratique du management demeure extraordinairement classique et ne prend pas beaucoup de risques. Inertie culturelle et peur de l’inconnu obligent ! Or la RSE, en tant que stratégie collaborative ne peut être qu’une prise de risque.

C’est là que la situation française est mise au défi sur son point le plus faible et en même temps le plus à même de la débloquer. Misons sur l’effet de suivisme des pionniers qui va finir par amener les gouvernances d’entreprise à passer d’une vision « politiquement correcte » de la RSE à une volonté de poser des actes de management tournées vers le monde de demain.


Patrick d’Humières
www.institutrse.com

Lundi 4 Février 2013




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