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Nouvelle gouvernance européenne, mutation de la banque assurance pour affronter les crises

La crise actuelle serait-elle un « cataclysme financier » que personne n’avait prévu, selon Nouriel ROUBINI, une simple correction des marchés ou un « malentendu culturel » selon le porte-parole de la Fédération Bancaire Française, ou bien un complot des agences de notation manipulées par une poignée de décideurs tapis dans l’ombre d’institutions vénérables de Washington selon d’autres responsables socio économiques français ?


Jean-Aymon Massié
Jean-Aymon Massié
Depuis 1993, des économistes appelaient l’attention sur les aberrations de cette politique américaine de relance de la croissance par le surendettement des ménages, par une déréglementation débridée sans contre partie, par une spéculation immobilière et la promesse insensée de plus-values sur les logements pour compenser le blocage des salaires, des revenus et l’érosion du pouvoir d’achat des citoyens «ordinaires » ; alors que la prise de risques, à l’aide des produits d’une ingénierie financière de plus en plus innovante dans une optique de court terme , permettait à quelques citoyens « initiés » de bâtir des fortunes colossales en quelques mois !
Depuis 2006 des observateurs attentifs et intègres mettaient en garde sur les méfaits incontrôlables de la titrisation des crédits hypothécaires insolvables (CDO ou subprimes) ; les premiers signes des conséquences néfastes de la dérégulation étaient donnés par la faillite du fonds Amaranth Advisors, et deux hedge funds aux Etats-Unis. Nous avons de notre côté alerté au cours de l’année 2007, lors de dîners débats et dans la Lettre de l’AFGE, de l’imminence d’un risque systémique, prévu vers la fin du 1er trimestre 2008.

La crise actuelle est le résultat de crises successives

La crise actuelle est le résultat de l’agrégation des conséquences de crises qui se sont succédé : crise de l’immobilier, crise bancaire, credit crunch, arrêt des investissements des entreprises et fort ralentissement de la consommation des ménages. La crise financière s’est transformée rapidement en crise économique et sociale ; l’embauche a été stoppée et les destructions d’emplois se sont multipliées sans pour cela résoudre les difficultés financières des entreprises et des collectivités locales.
Pendant que la crise sociale s’aggravait, masquée par des indicateurs mensongers, présentant un taux de chômage tolérable et une prévision de croissance du PIB rassurante, la crise financière s’accélérait par le transfert des dettes privées des banques et assurances vers la dette publique, sans que les politiques ne mesurent le risque entraîné par l’accroissement brutal des déficits publics. La progression rapide dans la zone Euro des dettes souveraines, la défiance à l’égard des obligations d’Etat, la dépréciation des CDS, ont généré une nouvelle crise systémique, dont sont responsables à la fois les Gouvernements ayant trop longtemps masqué la vérité, l’Union Européenne souffrant d’un déficit de gouvernance, mais aussi les banques de la zone euro spéculant sur ces nouveaux véhicules échangés sur le marché des OTC non régulé.

Les citoyens indignés, les chômeurs découragés, les jeunes révoltés, les retraités et les épargnants effrayés ont tous perdu confiance dans leurs gouvernants. Ils vont nourrir une crise institutionnelle sans précédent.

En Europe, les régimes présidentiels avec un exécutif fort pourraient être balayés lors des prochaines consultations électorales ; ainsi en France, ce pourrait être la fin de la Vème République et probablement le retour au régime d’assemblée, qui sévit sous la IVème République. En effet, dans la plupart des pays européens, on assiste à un transfert progressif de souveraineté vers les institutions européennes, qui d’une part affaiblirait le pouvoir exécutif national (Président, Chancelier ou 1er Ministre), et d’autre part renforcerait les prérogatives des Parlements nationaux, 1er niveau de contre-pouvoir à l’Exécutif européen. Parallèlement, un transfert des pouvoirs de l’Exécutif national s’effectuerait au profit des Régions, nécessaire 2ème niveau de contre-pouvoir à l’Exécutif et au Législatif européens.
Le processus semblerait engagé, les prochaines élections présidentielles françaises seront révélatrices de cette évolution consécutive à la crise actuelle.

Quelles solutions proposer pour surmonter la crise actuelle et affronter les crises à venir ?

Les résultats du sommet européen de Bruxelles les 25 et 26 octobre 2011 sont encourageants, même si certains jugent les mesures insuffisantes. En arrière plan le processus du renforcement des institutions européennes est engagé, quels que soient les résultats du dernier G20 à Cannes les 3 et 4 novembre 2011.

La 1ère solution est l’instauration progressive d’une Europe Fédérale avec les prérogatives en découlant : un Gouvernement européen exerçant l’Exécutif et un Parlement apte à légiférer en coordination avec les Parlements nationaux, afin de consolider la construction européenne et de préserver la pérennité de la monnaie unique, l’euro ; ce Parlement aura les moyens de contrôler le Gouvernement européen. Quelque soit le titre du chef de Gouvernement, il sera le responsable et le représentant de l’Etat Fédéral, comme aux Etats Unis et au Canada ; il devra rendre compte devant le Parlement avec ses ministres de la politique retenue et des missions effectuées. Les leçons de la crise financière en cours ont montré les limites de l’autorité et de l’efficacité des réunions de crise des chefs d’Etats européens, la faiblesse des prérogatives du Président permanent du Conseil Européen (et de la Zone € depuis le 23.10.2011) et de ses adjoints. La marche vers le fédéralisme européen nous parait nécessaire et inéluctable.

Le rôle exemplaire de la BCE, que nous soutenons malgré les critiques, est essentiel dans cette construction.

De création récente, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), qui devrait être adossé à la Banque Centrale, est plus qu’un fonds de secours européen. Pour se financer, il devra émettre des obligations européennes, notées AAA sans ambiguïté, qui seront recherchées naturellement par les BRICS, ces pays émergents faiblement endettés dont la trésorerie est abondante, soucieux de préserver leurs débouchés commerciaux, principalement ce vaste espace économique (UE à 27) de 502 millions d’européens, avec un PIB par habitant de 24 500€ (Eurostat PPA 2010).

L’émission d’ « eurobonds » permettra à ce fonds de stabilité de racheter les dettes des Etats membres en difficulté, d’effectuer des prêts à ces Etats, de financer aussi une politique industrielle, l’innovation et des partenariats avec des pays périphériques proches, afin de contribuer concrètement au retour de la croissance du PIB dans l’Union Européenne (UE).

La 2ème solution, complémentaire de la 1ère, est la transformation radicale du secteur de la banque assurance en Europe. Indépendamment du modèle futur de banque de détail, inspiré du modèle coopératif prôné par des experts respectés, comme le professeur Michel Roux. La mesure prioritaire à prendre est de séparer les 2 activités : la banque de financement&d’investissement (BFI), la banque de détail ou de dépôt. Le commissaire européen au Marché intérieur Michel Barnier étudie en ce moment les avantages et les inconvénients de prendre une telle mesure.

Les banques de détail, souvent centenaires, sont essentielles pour l’économie réelle et contribuent à alimenter la croissance du PIB. Il faut les préserver de la défiance généralisée qui sévit à l’encontre des BFI, qui ont spéculé sur les CDO ou subprimes, puis sur les CDS et les dettes souveraines avec l’argent des épargnants, des retraités, la trésorerie des entreprises et les aides de l’Etat. L’activité BFI doit impérativement être séparée de l’activité banque de détail, isolée sans tarder ; mais auparavant un audit indépendant devrait évaluer les hors bilans et les pertes réelles, accrues de la dépréciation des dettes souveraines ou plus exactement consécutives à l’annulation de 50% de la dette grecque par exemple. Leurs actifs dépréciés devront être logés, comme pour DEXIA récemment, dans une structure de défaisance publique ; ensuite il conviendrait de fermer les BFI les plus exposées et discréditées, et de regrouper celles qui sont en mesure de fonctionner sur des bases régulées et strictement encadrées. Nous recommanderions que l’activité de BFI assainie soit rattachée en France à une ou 2 compagnies d’assurance qui ont fait la preuve de leur capacité à anticiper et maîtriser les risques, et qui sont en conformité avec les exigences de Solvabilité 2.

Cette solution est préférable à un programme de nationalisation de ce secteur financier en cours de consolidation dans l’UE. Cette consolidation signifie que le nombre des banques et des compagnies d’assurance va être fortement réduit durant les 2 ou 3 années à venir. Par contre, on pourrait douter que des Etats très endettés puissent encore mobiliser des ressources financières pour nationaliser des banques. Ne rêvons pas.

En conclusion, nous souhaitons réagir à la morosité, au défaitisme ou scepticisme actuels. Nous sommes convaincus que l’UE et sa monnaie unique sortiront les deux renforcées de cette crise aux multiples facettes, qui s’est aggravée par la faute des gouvernements nationaux, des mensonges des prétendus experts et des courtisans. Une des conséquences logique de cette crise sera l’accroissement des pouvoirs, de l’autorité et de l’influence au plan international des Institutions Européennes, une évolution à marche forcée vers le Fédéralisme, et la mutation radicale du secteur banque assurance, l’initiateur de la crise financière.

La crise devrait en Europe précipiter le déclin des Etats Nations et accélérer en même temps la constitution d’un Etat Fédéral Européen supranational, le renforcement des prérogatives des Régions, la constitution d’espaces économiques de libre échange à la périphérie, comme l’EuroMed, pour constituer un havre de paix et de prospérité pour les générations futures. C’est notre conviction, avec nos amis, nous œuvrons dans ce sens.

Jean-Aymon MASSIE
Président de l'AFGE
Association Française de Gouvernement d'Entreprise
8 rue Henri Regnault - La Défense 6
92400 COURBEVOIE
www.afge-asso.org

Vendredi 6 Janvier 2012




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