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Nouveautés en matière de traitement des entreprises en difficulté dans le projet de loi « Macron »

Spécialisation des tribunaux de commerce et cession forcée des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital des actionnaires ou associés.


Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité dit « Macron » qui défraye la chronique depuis de nombreuses semaines, nos lecteurs retiendrons, au sein du chapitre 5 « Assurer la continuité de la vie des entreprises » l’existence de deux mesures concernant directement le traitement des entreprises en difficultés.

Ainsi, le texte prévoit, d’une part, aux articles 66 et 67 (article L.721-8 du Code de commerce), la spécialisation de certains tribunaux de commerce dans la gestion des procédures collectives les plus importantes en terme d’emploi et de chiffre d’affaires (a été évoqué le seuil de 150 salariés et 20 M€ de chiffre d’affaires). Eu égard à la structuration de certaines entreprises, il est envisagé de recourir au critère du centre des intérêts principaux (ou « COMI »), bien connu des praticiens du Règlement européen sur l’insolvabilité, pour déterminer la juridiction spécialisée compétente.

On précisera également que lorsqu’une procédure est ouverte à l’encontre d’une entreprise répondant aux conditions précitées, le tribunal spécialisé compétent le serait également pour connaître des autres procédures ouvertes ultérieurement à l’encontre d’entreprises détenues ou contrôlées, au sens des articles L.233-1 et L.233-3 du Code de Commerce, par cette dernière. Cette disposition permettrait de mieux appréhender le cas de sociétés disposant de plusieurs sœurs ou filiales en difficulté dans le ressort de différentes juridictions, et plus généralement la notion de Groupe (non encore reconnue en droit français).

Pour tenter d’éviter toute difficulté, le texte prévoit qu’en cas de saisine d’une juridiction classique (non spécialisée) par une société remplissant les critères précités, le président du tribunal de commerce saisi devrait transmettre immédiatement le dossier par ordonnance motivée au premier président de la cour d’appel de son ressort, qui serait chargé de transférer immédiatement le dossier, après avis du ministère public, au tribunal de commerce spécialisé compétent. Cette procédure d’apparence « automatique » permettrait tout de même des arbitrages (notamment via l’avis du ministère public) pour opérer la délocalisation de dossiers « sensibles ».

D’autre part, le texte envisage d’intégrer dans le Code de commerce (article L.631-19-2, 2°du Code de commerce) le droit pour le tribunal de procéder à la cession « forcée » des titres détenus par des associés ou actionnaires ayant refusé une modification du capital de la société en difficulté, une disposition ayant fait l’objet de vifs débats lors des discussions sur l’ordonnance du 12 mars 2014, et d’ailleurs finalement retirée à l’époque.

Cette disposition a été réintroduite dans le projet de loi et le Conseil d'État l’a validée, en considérant que l’« atteinte aux droits de l'actionnaire répond à l'objectif d'intérêt général de préserver l'activité d'une entreprise d'une importance économique et sociale avérée ».

Pour autant, cette règle ne concerne actuellement que les entreprises en redressement judiciaire de plus de 150 salariés (ou cumulant plus de 150 salariés dans plusieurs entités liées) et dont la disparition serait « de nature à causer un trouble grave à l'économie et au bassin d'emploi », critère qui ne manquera pas de faire débats devant les juridictions.

Dans les faits, si un plan de continuation sérieux a été déposé, par exemple par des créanciers ou un tiers, et qu’une partie des actionnaires ou associés s’y opposent, le tribunal pourra passer outre et « forcer le consentement » via la désignation d’un administrateur provisoire chargé de voter en lieu et place, ou ce qui est plus nouveau, imposer la cession des titre au candidat retenu.

En pratique, le texte est clair : si « la modification du capital apparaît comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter [le] trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l’entreprise, le tribunal peut, à la demande de l’administrateur judiciaire ou du ministère public et à l’issue d’un délai de trois mois après le jugement d’ouverture, ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société ou qui disposent seuls de la majorité des droits de vote dans cette société en application d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires, non contraire à l’intérêt de la société ».

Cette disposition pourrait relancer l’intérêt des créanciers pour présenter un plan (notamment via des montages incluant des conversions de dettes en capital), encourager le développement d’un marché de la dette décotée, ou encore rassurer les fonds de retournement désireux de restructurer profondément l’entreprise, actuellement peu présents en France.

En l’absence d’accord sur le prix de cession des titres, leur valeur serait déterminée par un expert désigné, à la demande de l’administrateur ou du ministère public, par le Président du tribunal, en référé.

Précisons que le cessionnaire des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital devrait les conserver pendant une durée qui ne peut excéder celle du plan (soit 10 ans au maximum).
La procédure existait déjà s’agissant du dirigeant, la voilà étendue à tous les actionnaires, ce qui constituerait un revirement souhaité de longue date par une partie des professionnels du retournement, notamment étrangers, et une nouvelle arme à la disposition des spécialistes de la restructuration.

Le droit français se rapproche donc un peu plus des standards bien connus du monde anglo-saxons : reste à savoir comment se passeront ces cessions « forcées » en pratique, et si la procédure permettra d’aller suffisamment vite, notamment s’agissant de la valorisation des titres, et d’éviter d’interminables recours ; « time is of essence » en la matière.

L’intégralité du projet est consultable en ligne : www.assemblee-nationale.fr/14/ta-pdf/2498-art_49-3.pdf

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la motion de censure déposée par l’opposition devant l’Assemblée Nationale a été rejetée, et l’examen du texte au Sénat est prévue pour le mois d’avril ; nous reviendrons donc vers vous sur ce sujet dans les prochains numéros de votre Revue.


La Revue est une publication du cabinet d'avocats Squire Patton Boggs, partenaire chroniqueur de votre quotidien Finyear.
http://larevue.squirepattonboggs.com/

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Vendredi 27 Mars 2015




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