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Mythes Stratégiques

Les mythes naissent toujours parce que quelque chose ne fonctionne pas. Parce qu'une marge est trop étroite, qu'un fleuve est trop large, qu'un doigt est trop fin, qu'une porte est fermée, que... (Denis Guedj, Théorème du perroquet)


Patrick Jaulent
Patrick Jaulent
Introduction
Le récent article du Financial Times de Stefan Stern donne le ton : « Nous avons besoin de parler de stratégie ». Car le climat économique difficile a non seulement transformé les marchés, mais également les organisations. Certes nous entrons dans une nouvelle ère du business, mais pour les entreprises l’objectif est le même : rester concurrentielles durablement en maximisant la valeur pour l’actionnaire dans le respect des règles d’éthiques.

Pour atteindre cet objectif les dirigeants doivent peindre une vision du futur. D’une manière générale, ces dirigeants ont une idée précise du but qu’ils poursuivent. Par contre, ils ne savent pas s’ils vont l’atteindre bien que diverses études révèlent que 75% des entreprises disposent d’un processus de planification stratégique formel. qui commence généralement après diverses analyses (SWOT, PESTEL,..) par (re)définir la mission , la vision et les valeurs fondamentales de l’entreprise
- La mission illustre de manière brève le but de l’entreprise : sa raison d’être. Pourquoi existe-elle ?
- La vision est un énoncé concis, clair et précis qui définit les objectifs à moyen et long terme (trois à dix ans) de l’entreprise La vision doit être externe et orientée vers le marché. La vision exprime comment l’entreprise devra être perçue de par le monde. Par exemples : « « Nous serons parmi les trois premiers transporteurs de marchandises et de personnes en Europe d'ici 2012. » ou « Nous allons devenir le chef de file respecté dans les services financiers avec une attention sans faille dans les relations avec la clientèle. »
- Les valeurs définissent la culture et la personnalité de l’entreprise. Celles-ci guident l’attitude des employés et les prises de décision quotidiennes.

Mythes Stratégiques

Mais une question hante les dirigeants de ces entreprises à chaque nouvelle stratégie : comment mettre en mouvement l’ensemble des collaborateurs en gérant le paradoxe des résultats à obtenir à court terme et de la vision à long terme surtout en période d’incertitude économique ? Pour ce faire, les hommes et femmes qui composent l’entreprise, ceux qui la mettent en mouvement, ont besoin d’un plan, des règles du jeu : d’une carte stratégique (TM) composée d’objectifs stratégiques. Ces objectifs expriment la stratégie : ce que veulent les dirigeants et comment ils vont l’obtenir. Naturellement, il n’est pas indispensable que chaque collaborateur connaisse la stratégie dans ses moindres détails, par contre, chacun doit savoir ou et comment (je suis ici et je contribue à cela) il contribuera à son succès, car répétons-le, le succès d’une stratégie est l’affaire de tous.

Qu’est-ce que la stratégie ?
Lorsque le général Carthaginois Hannibal infligea une humiliante défaite aux romains de Varron et Paul Emile le 2 août - 216 à Cannae, il fit preuve d’une stratégie militaire ambitieuse dont le but était de surprendre une armée romaine professionnelle, supérieure en effectif et en armement – résultats 50 000 romains furent tués et 10 000 prisonniers. La stratégie est associée au monde militaire depuis des milliers d’années… mais pas seulement.

Le premier exemple connu d’une stratégie appliquée « aux affaires » est celui de Socrate conseillant Nichomachides, militaire grec, lorsqu’il perdit une élection à Athènes. Ainsi, le terme stratégie tire ses racines du grec strategos, de stratos qui signifie armée et de agein pour conduire. Historiquement, la stratégie a toujours été le fait soit d’hommes politiques ou de militaires placés sous leur dépendance directe. Le politique est maître de la stratégie.
La stratégie est l'art de concevoir et d'utiliser un plan pour atteindre un but. On ne peut donc pas s’intéresser à la stratégie sans étudier quelques stratèges militaires : Sun Tzu (1) (6e siècle av. JC), général chinois, auteur du célèbre Art de la guerre ; Napoléon, Carl Von Clausewitz, Erich Ludendorff, auteur du concept de « guerre totale », et bien d’autres.

Carl Von Clausewitz a été choisi par de nombreux gourous du management et plusieurs business school américaines pour développer des analogies entre les « choses militaires » et les « choses de l’entreprise » comme le montrent les schémas ci-après.
Pour ces gourous, Carl Von Clausewitz, officier prussien, est considéré comme le père de la stratégie moderne. Après avoir participé aux guerres de la Révolution et du 1er Empire, il devient en 1818 le directeur de l’Académie de Guerre de Berlin et entama une période de réflexion théorique qui l’amena à écrire un ouvrage en dix volumes, Vom Kriege publié en 1833.

Mythes Stratégiques

Clausewitz fonde une science de l’action militaire tout en allant bien au-delà. Il extrait la stratégie du cadre strictement militaire; il souligne qu’un conflit réel intègre tout, populations armées ou non, politique, économie, et que ce conflit ne peut être compris et mené à bien que par une synthèse des différents plans de combat. Clausewitz explique surtout que les buts militaires dans la guerre sont étroitement soumis aux buts politiques de la guerre. Il en ressort deux idées maîtresses : le principe d’anéantissement et la suprématie de la volonté politique sur l’instrument militaire. Nous pensons toutefois que l’entreprise n’est pas une caserne et le marché n’est nullement un champ de bataille où les salariés obéissants iraient harceler les concurrents (parfois les clients), fouiller les poubelles, etc.

Qu’est-ce que la tactique ?
La distinction entre tactique et stratégie porte sur une nuance d'échelle : la tactique est l'art d'utiliser au mieux les moyens, elle concerne le domaine du combat pour les militaires et celui des thèmes ou axes stratégiques pour le business. La stratégie est une théorie, un mode de pensée : la tactique est une technique.

Qu’est-ce qu’une stratégie business ?
Demandez à 5 personnes de votre entourage de noter sur une feuille de papier leur propre définition d’une stratégie business. Je suis prêt à parier, ma collection de timbres rares que vous aurez au moins trois définitions différentes (et probablement 4 ou 5). Ce constat est au cœur des problèmes de l’entreprise : il n’y a pas de consensus partagé sur ce qu’est réellement une stratégie business. A défaut d’obtenir le consensus nous vous proposons quelques mythes qu’il est souhaitable d’avoir à l’esprit chaque fois que vous parlerez stratégie.

Mythe 1 : La stratégie est exclusivement l’affaire de la direction générale
Dis-moi et j’oublierai, montre-moi et peut-être que je retiendrai, implique-moi et je comprendrai (proverbe chinois)
C'est une erreur de croire que la stratégie est exclusivement du domaine de la Direction Générale et la tactique du domaine opérationnel. C'est en effet erroné de penser que le comité de direction « restreint » se réunit une fois par an dans un endroit convivial autour d'un bon repas pour imaginer la stratégie (sans trop parler budget stratégique : ce n'est pas la même réunion !), rédiger un plan (le plan stratégique !) avant de le diffuser à leurs cadres, qui seront chargés de le faire exécuter.

Cette manière de faire est d’un autre âge, même chez les militaires. Le déploiement des objectifs du ministère de la défense français sur la région aérienne nord (aujourd'hui dissoute) s'est s'appuyé sur les cadres de contacts (majors, adjudants-chefs, fonctionnaires de catégorie B), dont les retours d'expérience étaient soigneusement analysés pour « rectifier le tir. » En outre, les réunions de restitutions (et leurs préparations) étaient l'occasion de faire présenter, par des jeunes sergents ou des fonctionnaires de catégorie C, des exemples concrets compréhensibles par tous les acteurs, qui étaient invités à faire remonter leurs propres suggestions d'améliorations dans les domaines qui les concernent.

Enfin, la rédaction des directives annuelles se faisait de manière collaborative, en analysant les retours d'expérience des années précédentes et en recueillant les avis sur des avants projets, ce qui permettait des améliorations à la fois de fond et de forme, gages d'une meilleure compréhension, et donc d'une meilleure exécution ultérieure.

Notre conviction étayée par le terrain est que les managers opérationnels chargés de faire exécuter la stratégie par leurs collaborateurs doivent participer à sa définition, dans le cas contraire, ils trouveront tous les arguments pour la critiquer et ne pas y adhérer (et faire adhérer leur personnel). Comment voulez-vous que je fasse c'est impossible : ils auraient dû me consulter. Je n'ai pas le budget suffisant pour faire cela…

Une autre de nos convictions est que la participation à la réflexion stratégique ne s'arrête pas aux managers (n-1, n-2). Elle concerne également les opérationnels. En effet, si une direction générale a du mal à communiquer sa stratégie et à rallier l'ensemble de ses collaborateurs autour d'objectifs communs, elle devrait tirer des avantages importants à les faire participer à leurs réflexions stratégiques. Naturellement c'est la DG qui est responsable de la stratégie et des moyens (budget stratégique), mais ce sont les opérationnels qui l'exécutent. Nous vous conseillons donc d'intégrer l'ensemble des collaborateurs à vos réflexions stratégiques, vous augmenterez ainsi leur motivation et vous renforcerez l'alignement de leurs objectifs personnels sur les objectifs stratégiques.

L'expérience a montré que le fait de réunir des personnes pour discuter d'une stratégie, la décrire et la schématiser constituait un exercice fructueux et stimulant. Ainsi, sur les bases de la Région aérienne Nord, ont été définit 3 niveaux d'implication et les actions correspondantes
1. les acteurs du pilotage par la performance ;
2. Les candidats aux examens et concours ;
3. Les réunions de restitutions.

Les acteurs du pilotage par la performance étaient
1. les contrôleurs de gestion (officier référent et personnels des cellules de pilotage par la performance), pour leur permettre d'acquérir et de développer une expertise
2. les membres des comités directeurs et des comités de pilotages, pour leur permettre de comprendre les enjeux et de situer la contribution attendue de leurs services ou unités dans la démarche d'ensemble
3. les correspondants au sein de chaque service ou unité, pour leur permettre de comprendre l'usage des comptes-rendus qui leur sont demandés, améliorer les fiches de procédures et réduire les erreurs d'interprétation ou de saisie.

Les candidats aux examens et concours
Afin de diminuer à terme le besoin des actions (a2) supra, des présentations du pilotage par la performance et de la LOLF (Loi Organiques des Lois de Finances) ont été faites aux :
- officiers candidats au Collège Interarmées de Défense (CID)
officiers inscrits au Cycle de Perfectionnement au Commandement (CPC) sous-officiers candidats au concours de majors
- sous-officiers candidats à la sélection n°3 en vue d'être promus adjudants-chefs.

Les réunions de restitutions
Ces réunions avaient pour but de diffuser largement la culture de la performance et de la modernisation de l'Etat dans le cadre de la LOLF. Elles permirent de présenter les efforts accomplis et les résultats obtenus, avec des témoignages concrets. Ces réunions furent souvent ciblées par populations homogènes afin de faciliter les échanges ou les commentaires :
- officiers et fonctionnaires de catégorie A, sous-officiers cadres de maîtrise et fonctionnaires de catégorie B, ce qui correspond à peu près aux comités directeur et de pilotage élargis (une centaine de personnes sur une base de 1.500 personnes)
- les sous-officiers brevetés, qui sont le plus souvent chefs d'équipes, et les fonctionnaires civils correspondants ;
- et les militaires du rang (cf. tout le personnel impliqué !)
Cette démarche d'implication du personnel de tout le personnel militaire de la Région aérienne Nord a eu comme impacts :
- une meilleure efficacité dans la prise de décision, car les suggestions recueillies ont permis de mieux centrer les indicateurs sur le vrai besoin
- une meilleure efficience, par des procédures plus simples, ayant contribué à réduire le coût de la mise en œuvre du pilotage par la performance d'un facteur 4 en 4 ans ;
- une meilleure adhésion des personnels, constatée tous les jours et par une baisse des récriminations contre le contrôle de gestion à l'occasion du rapport annuel sur le moral.

Nous aborderons lors d’un prochain article un autre mythe stratégique.

Références
- Méthodes de gestion : comment les intégrer. Patrick Jaulent, Marie-Agnès Quares, Editions d’organisation, 2004
- Piloter vos performances. Patrick Jaulent, Marie-Agnès Quares, Editions AFNOR, 2e édition 2006
- Objectif performance. Patrick Jaulent, Marie-Agnès Quares, Editions X, 2010
- Blog Patrick Jaulent. http://objectifperformance.decideo.fr/
- Carte stratégique est une marque déposée à INPI par Patrick Jaulent

(1) "Remporter cent victoires en cent batailles n’est pas le comble du savoir-faire. Ce qui, donc, est de la plus haute importance dans la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans livrer bataille." [Sun Tzu]

Patrick Jaulent
Président du club Balanced Scorecard et Performance France
Partenaire-expert CFO-news

Lundi 7 Septembre 2009




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