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Les enseignements à tirer sur les Big Four des conséquences de l’affaire du Liechtenstein

Ces derniers mois, les paradis fiscaux ont été particulièrement mis en question, l’affaire récente du Liechtenstein étant l’élément déclencheur de l’engagement de pays européens, après le Sénat américain l’année dernière (Stop Tax Haven Abuse Act).

L’audition récente du ministre Eric Woerth, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, par le Sénat (1) puis l’Assemblée nationale (2) sur la fraude et l’évasion fiscale est l’occasion de relever la communication des Big Four dans ces pays pour attirer les clients alors que certaines des solutions proposées ne peuvent qu’être contestés par la doctrine fiscale des autres pays et mettre en cause les Big Four locaux qui incitent à ces montages.


Quelques exemples de communication

Jérôme Turquey
Jérôme Turquey
La communication des big four en Suisse est représentative du discours commercial pour attirer le client dans les paradis fiscaux.

  • Ainsi sur le site internet de KPMG en Suisse (3) est-il écrit : « Les questions fiscales, d'affaires et de fortune se recouvrent et influent les unes sur les autres. Il est en conséquence essentiel de les aborder dans leur intégralité en adoptant tous les points de vue. KPMG est l'un des fournisseurs capables de vous assister en matière fiscale partout dans le monde. Par ailleurs, nous mettons à votre disposition un savoir-faire multidisciplinaire confirmé et étendu. Vous bénéficiez de services de conseil fiscal complets, comprenant également la mise en ouvre de conseils intégrés conçues pour les sociétés nationales et internationales mais également pour les entrepreneurs et les particuliers fortunés. »

  • Ainsi sur le site internet de PwC en Suisse (4) est-il écrit: « Que vous soyez une entreprises aux activités internationales à la veille d’une fusion, une PME désireuse d’optimiser sa situation de TVA ou un particulier fortuné souhaitant acquérir un bien immobilier à l’étranger – consultez-nous pour identifier vos potentiels d’avantages fiscaux et éviter tout risque juridique.(…) Notre offre est à la fois verticale et horizontale: intégrés dans le réseau de PricewaterhouseCoopers, nos conseillers sont à votre disposition non seulement en Suisse mais aussi partout dans le monde. »

  • Ainsi sur le site internet d’Ernst & Young en Suisse (5) est-il écrit : « Notre équipe travaille en contact étroit avec un excellent réseau global d'experts, qui dans les autres établissements d'Ernst & Young du monde entier se joignent à nous pour vous fournir un conseil fiscal de pointe et des solutions intégrées pour tous les aspects des problèmes de fiscalité internationale, de succession et de planification dans le domaine immobilier. »

  • Ainsi sur le site internet de Deloitte en Suisse (6) est-il écrit : « Bien qu’implantés localement, nous pouvons à tout moment – si notre mission l’exige – faire appel aux compétences de notre réseau international ou accéder aux informations que contient notre propre base de données mondiale sur quelque 185 pays. Dotés d’un formidable champ de connaissances et de longues années d’expérience, nos spécialistes pensent et agissent non seulement comme de véritables chefs d’entreprise mais aussi comme des partenaires fiables, présents à vos côtés et capables de défendre, de manière appropriée, vos intérêts auprès des autorités. Notre réseau planétaire d’experts fiscaux constitue la pierre angulaire sur laquelle nous nous arcboutons pour prodiguer à nos clients des conseils de haute qualité, quel que soit le pan de la fiscalité internationale abordé. »

Sur toutes les places financières, on trouve une communication similaire attirant des personnes morales (7) malgré des risques.

Les risques

Le risque concerne aussi bien les activités d’audit que d’advisory :

  • Le risque est réel que les actionnaires se retournent contre l'auditeur pour ne pas les avoir alertés contre le risque. Les méthodes de revue (revue process, échantillons, test raisonnabilité, etc..) leur ont permis d'avoir l’information entre les mains, mais ils n'ont rien fait. L'application de la règle de prudence devrait amener à imposer une provision. Résultat : un risque, sinon judiciaire du moins médiatique, pour la réputation de la personne morale : aussi bien l’auditeur que l’audité.

  • Pour ce qui est de l’advisory, ce n’est pas mieux, car les conseillers, vendent ces montages sans précaution sur de belles plaquettes ou des belles pages web, et se lavent les mains des problèmes de leurs clients. Ils conseillent mais c'est ensuite au client de décider de ce qu'il veut faire, en responsabilité, et de payer l’amende éventuelle à l’instar d’AOL (8) l’année dernière pour un montage de TVA via le Luxembourg vanté notamment par PwC Luxembourg (9). Résultat : un risque, sinon judiciaire du moins médiatique, pour la réputation de la personne morale : aussi bien le client que le conseiller.

En conclusion qui peut être reproché est donc davantage la négligence pour ne pas prendre des précautions élémentaires aussi bien en audit qu’en advisory, que le montage en soi.

En raison du risque d’implication internationale croissant, c’est d’autant plus vrai sur les places qui ne connaissent pas la responsabilité des personnes morales en matière de corruption comme le Luxembourg, qui vient d’être rappelé à l’ordre par l’OCDE (10) et qui a érigé la négligence notoire en pseudo pragmatisme.

Jérôme Turquey
Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
Chargé de cours sur les paradis financiers (Université et Ecole de Commerce)

En savoir plus : ethiquedesplaces.blogspirit.com

(1) 26 mars 2008
(2) 4 avril 2008. A l’occasion de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale, Eric Woerth a remis le rapport sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale par le biais de paradis fiscaux qui lui avait été demandé par Didier Migaud et Gilles Carrez, président et rapporteur général de cette commission. Ce rapport est en ligne sur www.comptes-publics.gouv.fr.
(3) www.kpmg.ch
(4) http://www.pwc.ch
(5) http://www.ey.com/global/content.nsf/Switzerland_E/HOME
(6) http://www.deloitte.lu
(7) C’’est vrai aussi pour les personnes physiques
(8) Les Echos 28 février 2007
(9) Cf. brochures PwC : « Luxembourg : la place pour développer les activités internationales (2006) » et « Why Luxembourg : VAT advantages for commercial companies » (2007)
(10) « L'OCDE appelle instamment le Luxembourg à introduire la responsabilité des personnes morales en matière de corruption transnationale » (Communiqué de presse du Groupe de travail sur la corruption de l’OCDE du 27/03/2008). Le leader de l’audit PwC a publié le même jour que le rapport de l’OCDE le rapport « Private banking : Renforcer le centre d’excellence et attirer une nouvelle gamme de clients fortunés au Luxembourg. ». La concordance de date des deux rapports est intéressante : d’un côté d’OCDE relève des carences persistantes et du laxisme juridique au Luxembourg, de l’autre PwC et les acteurs Luxembourgeois continuent la fuite en avant pour la croissance en ignorant les recommandations internationales (le rapport de PwC ne fait aucun développement sur les risques du fait du laxisme juridique : il parle page 9 d’un « high commitment to regulatory compliance » peu compatible avec le rapport OCDE et des décisions de justice rendues en 2007 en matière de compliance aux engagements internationaux, cite page 37 le contact compliance de la firme; il évoque enfin page 27-28 la fraude fiscale et l’évasion fiscale dans le cadre limité des Double Tax Treaties)

Jérôme Turquey Jérôme Turquey - Ethiques et gouvernance des places financières
j.turquey@wanadoo.fr
http://ethiquedesplaces.blogspirit.com


Lundi 14 Avril 2008




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