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Le temps, c’est de l’argent !

Septembre : tout le monde est à nouveau sur le pont, occupé à analyser les résultats de l’été, à revoir les projections de fin d’année, et à commencer à travailler d’arrache-pied sur le budget de l’année prochaine. Mais avant de se plonger dans les chiffres, personne n’a échappé au compte-rendu de vacances entre collègues, autour de la machine à café, avec son lot d’anecdotes et d’aventures relatées avec plus ou moins de talent et de plaisir… et il faut bien avouer que cette année plus que jamais, la météo a été au centre des conversations.


Le temps, c’est de l’argent !
Il faut dire qu’il y avait de quoi. L’hiver avait déjà été exceptionnel, c’est-à-dire particulièrement froid et enneigé. Les températures en France en décembre ont été de 6,3°C sous les normales (la température moyenne à Orly en décembre est normalement de 4,8°C), certaines villes ont connu des records historiques de froid, la consommation d’énergie a aussi établi de nouveaux records pendant que la Bretagne retenait son souffle en espérant ne pas être victime d’un black-out, et les chutes de neige ont semé la panique un peu partout sur les routes et les aéroports, avec un coût estimé de 380 millions d’euros pour le seul secteur de la grande distribution. En fait, il fallait remonter 20 ans en arrière pour trouver globalement une année aussi froide.

Les sacs à sapin venaient à peine de disparaître des trottoirs des villes qu’on commençait à changer d’univers météo. Le printemps lui aussi avait été exceptionnel, avec 2 mois ininterrompus au-dessus des normales saisonnières, un déficit de précipitations qu’on n’avait pas connu depuis 1959, et le 2ème mois d’avril le plus chaud depuis 1900, avec une température moyenne supérieure de 4°C aux normales saisonnières… c’était l’été avant l’heure, et la consommation des produits traditionnellement consommés en été s’était envolée : +5% à 15% pour les boissons, +45% pour les glaces, ou plus anecdotiques +55% sur les insecticides. Même chose pour les produits solaires, les cosmétiques, les conserves de thon et de maïs, au détriment des féculents, des plats cuisinés, des pâtisseries et du chocolat, les lapins de Pâques luttant sous la chaleur pour garder leurs formes dans les rayons ou les coffres de voitures… En Avril, les écarts par rapport à la consommation normale avaient atteint des sommets. D’autres secteurs d’activité furent affectés, à commencer par celui de l’énergie, ou le textile. Un peu partout, il a fallu ajuster au plus vite les productions, vérifier les stocks, et l’agilité des chaînes de distribution a été mise à rude épreuve.

Puis l’été est arrivé, le temps des vacances, enfin ! Dès le 2 juillet, on relevait un premier pic de 345 km de bouchons, suivi de pics à 400, puis à 650, le prix à payer pour aller profiter du soleil et de la plage… mais on a vite déchanté, car la météo était tout sauf estivale. Le mois de Juillet a été exceptionnellement froid, marquant d’autant plus les esprits que Juillet 2010 avait été exceptionnellement chaud. Dans la semaine du 18 au 24 juillet, les températures maximales ont été de 5,1°C inférieures à celles de 2010, avec un déficit de 35% d’ensoleillement ! On pouvait sortir les p’tits mouchoirs du côté du Cap Ferret avec un seul jour de beau temps sur cette même semaine… et août est arrivé, avec des températures supérieures de 2°C à celle de 2010, un surplus d’ensoleillement de plus de 20%, et un pic de bouchons de 800 km le 13 août… Paradoxalement, c’est un été globalement moins favorable que les années précédentes, avec des températures maximales estivales de 1,1°C inférieures aux normales, et un ensoleillement de 10% inférieur. En fait, les anomalies météo cumulées sur la période printemps-été sont quasiment négligeables, les effets très positifs du printemps étant pratiquement intégralement compensés par les impacts négatifs de l’été. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le bilan des effets de la météo sur les ventes des produits de consommation notamment n’est pas financièrement aussi neutre pour les entreprises qui n’ont pas réussi à profiter de la météo favorable et n’étaient pas préparées à absorber les effets d’une météo défavorable. Seules les entreprises « météo-agiles », celles qui intègrent l’impact météo dans le pilotage opérationnel et financier, ont pu profiter à plein du printemps, et limiter la casse durant l’été. Dans ces entreprises, l’analyse des tableaux de bord de performance n’a pas posé de problème ni aux opérationnels, ni aux financiers, la part de la performance liée à la météo apparaissant clairement.

Pour les autres, celles qui continuent à subir la météo comme une fatalité, le retour de vacances est plus pénible. Difficile de comparer les performances 2010 et 2011 des premiers trimestres… L’entreprise est-elle plus ou moins performante que l’an passé ? Comment expliquer l’écart par rapport au budget ? Quelle est la part de la performance véritablement due aux employés ? Quelle aurait été la performance à météo constante ? Quand on peine à expliquer la performance passée, on imagine la difficulté à se projeter vers l’avenir… On imagine aussi l’agitation et le stress autour de la machine à café dans la plupart des entreprises, quand cette même météo, non contente d’avoir rendu la lecture de la performance illisible, a aussi divisé les employés vacanciers entre aoutiens heureux et bronzés (mais stressés à l’idée d’affronter les tableaux de chiffres qu’ils ne comprennent pas), et juilletistes blancs et frustrés. Dans la plupart des entreprises… mais pas dans toutes ! Car il y a des juillettistes, certes blancs, qui ont une toute autre histoire à raconter.

Jean-Louis Bertrand
Enseignant-chercheur à l’ESSCA Ecole de Management
Directeur de la Chaire Banque et Gestion des Risques
Consultant en gestion des risques météorologiques pour METNEXT

Article paru dans le supplément mensuel Finyear (Octobre n° 6)
Lisez le mensuel digital :
www.finyear.com/magazine

Mercredi 5 Octobre 2011




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