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Le financement des Petites et Moyennes Entreprises - Conseil d’Analyse Economique

Le constat est aujourd’hui bien partagé : les Petites et Moyennes Entreprises françaises peinent à se développer pour atteindre la taille critique nécessaire pour devenir les champions de demain. Les barrières sont à rechercher dans les fonctionnement des différents marchés : biens et services, travail et financement.


Le financement des Petites et Moyennes Entreprises - Conseil d’Analyse Economique
Ce rapport met l’accent sur l’accès au financement sous ces différentes formes : apport de fonds-propres, d’un côté, recours à la dette de l’autre. Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty explorent différentes pistes pour abaisser les barrières : développement du capital-risque, émergence de marchés financiers alternatifs, redéploiement et évaluation des politiques d’aides à la R&D, réforme de la loi des faillites, essor de la dette mezzanine et de l’affacturage.

Ce rapport a été présenté à Mrs Besson et Novelli le 4 novembre 2008, les auteurs ont bénéficié de la collaboration de nombreux experts. Cette lettre, publiée sous la responsabilité du CAE, reprend les principales conclusions et propositions des trois auteurs.

Les PME correspondent à une réalité très diverse, qui va de la micro-entreprise de proximité jusqu’à l’entreprise high-tech futur leader, en passant par l’entreprise traditionnelle solidement établie sur son marché. Parce qu’elles contribuent au renouvellement du tissu productif et sont porteuses d’innovation, le développement des PME est un objectif des politiques publiques. L’objet de ce rapport est d’examiner les obstacles financiers susceptibles de brider le développement de ces entreprises et de formuler des propositions visant à éliminer ou à contourner ces barrières.

Avant de développer l’analyse, Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty rappellent les spécificités françaises en matière de financement d’entreprises. Tout d’abord, le financement par la dette a été privilégié par rapport à celui sur fonds propres, qui impliquent une possibilité de prise de contrôle de l’entreprise. Ce fait a bridé le développement des marchés de fonds propres en France. Ensuite, les entreprises ont été habituées à une intervention de l’Etat dans le domaine de la distribution de crédit. Enfin, une moindre culture de la prise de risque a empêché que ne se développe une véritable tarification du crédit risqué, bloquant ainsi la sélection des projets par le niveau du taux d’intérêt.

Le financement, une clé de la croissance des PME

Poids et dynamisme des PME françaises
Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) françaises, entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 salariés, le chiffre d’affaires inférieur à 50 M€, ou le bilan inférieur à 43 M€, pèsent pour 66% de l’emploi marchand et 56% de la valeur ajoutée marchande de l’économie française. Mesurer la contribution des PME à la dynamique économique est délicat, car la réussite de l’entreprise conduit souvent à ce qu’elle quitte la catégorie, soit en devenant une « Grande Entreprise » par franchissement des seuils, soit en étant absorbée par un groupe. Après neutralisation de ces effets, il apparaît que, sur la période 1999-2006, la croissance nette de l’emploi des PME (13%) est bien supérieure à celle des emplois marchands (8%).

Un schéma de développement original : disparaître pour survivre
Pourtant, comparé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou à l’Allemagne, la France souffre d’une difficulté à faire croître ses PME, c’est-à-dire à transformer ses gazelles en des « grandes » entreprises prospères et conquérantes sur les marchés internationaux. Plus que dans les autres pays, la croissance d’une PME aboutit à sa disparition ou à sa perte d’autonomie par absorption ou filialisation au sein d’un groupe. Pour Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty, la difficulté des PME autonomes à se financer auprès des banques ou sur les marchés financiers les pousse à rechercher le « confort » des
marchés de capitaux internes des groupes.

Le danger d’un renouvellement insuffisant du tissu productif
Ce schéma d’intégration au sein des groupes n’est pas forcément le plus mauvais, mais il semble moins adapté dans le contexte d’une croissance qui opère par la « création destructrice ». La croissance de PME autonome est donc un enjeu crucial des politiques économiques, qui passe par une action simultanée sur les trois marchés : marché des biens et services, marché du travail et marché du financement.

Le malthusianisme du marché du financement
Comment la finance contribue-t-elle à cette croissance ? Mrs Chertok, de Malleray et Pouletty observent d’abord que la rentabilité des PME est élevé, ce qui suggère une sélectivité excessive des marchés, principalement du marché du financement. Ils constatent ensuite que la structure financière des PME s’est « assainie » de 1990 à 2005 par un désendettement notamment auprès des banques. Pourtant, ce rééquilibrage du bilan en faveur des fonds propres ne se traduit pas par davantage d’investissements, mais par une augmentation de la trésorerie ce qui témoigne d’un comportement de « précaution » de la part des entrepreneurs. D’un point de vue financier, les PME françaises se heurtent à une double contrainte mortifère : la réticence des banques à les financer par la dette, d’un côté, la difficulté à mobiliser des fonds propres, de l’autre.

Ce double rationnement financier structure le rapport.
Développer les PME autonomes en favorisant le financement en fonds propres Faciliter le recours des PME au financement par fonds propres est essentiel dans un contexte de recul des crédits bancaires accordés. Pourtant, une entrée dans le capital implique une perte de contrôle pour l’entrepreneur, mais des PME autonomes n’ont d’autres choix pour se développer.

Le capital-risque
Les fonds de capital-risque participe à la chaîne de financement en apportant des capitaux aux PME en croissance dans les phases d’expansion et développement. Agissant dans l’aval des phases d’amorçage et de création, ces fonds prennent le relais des crédits publics ou privés d’aide à la création et des apports personnels des entrepreneurs, de sa famille ou des « investisseurs providentiels » (business angels). Pour l’entreprise, la sortie du capital-risque
s’effectue vers les marchés financiers (IPO : initial public offering) ou bien par un rachat par une autre entreprise (trade sales).
Comparé aux Etats-Unis, les auteurs montrent le retard européen « continental » dans ce domaine. La France n’est pas la plus mal armée, mais cette industrie souffre de défauts : des équipes gestionnaires de fonds au profil trop « gestionnaire », des fonds en proximité immédiate des banques, des synergies insuffisantes entres les universités et l’industrie, des réseaux de business angels balbutiants, et des marchés financiers alternatifs quasi-inexistants.
Sur chacun de ces points, les auteurs effectuent des propositions pour améliorer l’écosystème de l’entreprenariat technologique.

Des marchés financiers pour les PME ?
Les marchés financiers alternatifs ou déréglementés (Alternext à Paris, AIM (Alternative Investment Market) à Londres) constituent plus un complément qu’une alternative aux fonds de capital-risque pour drainer des fonds propres vers les PME. Les auteurs utilisent l’exemple du secteur des biotechnologies pour montrer l’écart entre les Etats-Unis et l’Europe, et plus particulièrement la France. La création d’Alternext ne suffit pas à contester la position de
leader de l’AIM sur le continent européen. Pour les auteurs, des marchés nationaux ne peuvent atteindre la taille critique en termes de liquidité. Une initiative européenne doit être prise pour créer un marché de valeurs de croissance à réglementations allégées commun à la zone euro.

Les aides publiques à la R&D
Les aides publiques à la R&D relâchent la contrainte sur le financement des entreprises technologiques. La France utilise plus que ses partenaires de l’OCDE des fonds publics pour effectuer des dépenses de R&D : autour de 1% du PIB. Globalement, cette dépense publique n’opère pas comme un levier sur le niveau des dépenses privées en R&D, puisque la première a augmenté alors que les secondes stagnent. Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty s’interrogent alors sur la manière dont cette dépense est dirigée vers les entreprises en fonction de leur taille et de leur secteur d’activité.
Les comparaisons internationales ne sont pas aisées, mais les auteurs observent que la France présente un déficit de dépenses en R&D pour les entreprises de taille moyenne (entre 50 et 500 salariés). Pourtant ces entreprises profitent moins des dispositifs d’aide publique que les plus grosses. La réforme du crédit impôt recherche (CIR) intervenues au cours de l’année n’est pas susceptible d’inverser ce phénomène puisqu’elle est davantage axée sur les entreprises dont l’effectif salarié est supérieur à 1000. Par ailleurs, il apparaît que les aides à la R&D sont concentrés dans quelques secteurs. Ainsi les industries automobile et pharmaceutiques, qui pèsent 30 % dans les dépenses intérieures de R&D, reçoivent seulement 2,9 % des aides publiques hors CIR. L’efficacité de la dépense publique en R&D doit être évaluée, ce qui permettrait de mieux la diriger notamment vers les PME.

Orienter l’épargne vers les PME
La difficulté des PME à obtenir des fonds propres est liée à la manière dont se structure l’épargne des ménages entre les différents placements (logements, assurance-vie, valeurs mobilières, épargne salariale,…). Malgré la multiplication des incitations fiscales en faveur des placements dirigés vers les PME (création des FCPR, des FCPI et des FIP, dispositif Madelin, disposition ISF de la loi TEPA,…), la défiscalisation en matière d’épargne favorise des placements peu risqués tels les contrats d’assurance-vie ou bien des placements immobiliers (aides Robien, Borloo, dispositif Girardin pour les DOM,…) et mobiliers (navire de pêche, groupements forestiers) plutôt qu’un investissement productif plus risqué. Les auteurs proposent que les professionnels de l’assurance-vie s’engagent à investir une fraction de leurs actifs dans les PME innovantes. Ils demandent à ce que les dispositifs de fiscalisation favorables au PME gagnent en unité et soient systématiquement évaluées.

Les obstacles au financement par la dette

Crédit bancaire et juste prix du crédit
La banque continue en France à être le partenaire privilégié des PME pour leur financement. Certains signes montrent pourtant que ce marché du financement fonctionne mal, et qu’il apparaît des phénomènes de rationnement du crédit. Selon une étude citée par le rapport, 40 % des PME françaises auraient estimé sur la période 1985-1995 ne pas avoir eu accès au crédit tout en étant prêtes à en payer le prix. L’extension des prêts CODEVI aux PME des secteurs du commerce, intervenue entre 1993 et 1995 s’est traduite par une hausse de 4 % de l’endettement des entreprises concernées, conséquence d’un relâchement de la contrainte du financement.
On trouve également trace du rationnement en examinant le fonctionnement du couple risquerendement, c’est-à-dire du niveau des primes de risque exigées par les banques au regard des activités des entreprises concernées. Ces primes sont étonnamment faibles, ce qui montre que les banques préfèrent renoncer à distribuer un crédit plutôt qu’à encaisser la prime de risque. Ce rationnement conduit à une sélectivité excessive des entreprises et à des défaillances
prématurées : une entreprise défaillante sur deux a moins de 4 ans d’existence.

Le contexte réglementaire
Même s’il est inhérent à la relation financeurs-financés, l’importance du rationnement du crédit est liée à l’environnement réglementaire. Plusieurs pistes sont explorées dans le rapport. Tout d’abord, la réglementation de l’usure fixait un plafond au niveau du taux d’intérêt. Cette réglementation a été réformée en 2006 par les lois Dutreil, et il semble que cette réforme porte aujourd’hui ses fruits. Ensuite, le droit de la défaillance d’entreprises en France ne favorise
pas les créanciers. Ce droit pousse les banques à exiger des collatéraux importants dans les opérations de crédit. Pourtant, le taux de recouvrement des créances en cas de faillite est plutôt faible en France. Plus grave, les redressements, lorsqu’ils s’opèrent, débouchent moins qu’au Royaume-Uni sur la survie de l’entreprise et la sauvegarde de l’emploi. Malgré quelques avancées récentes, les auteurs préconisent d’accroître la protection des créanciers. Ils
visent en particulier le « super privilège » de l’AGS (Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des Salariés). Enfin, la dernière cause du rationnement est à rechercher dans la structure concurrentielle de l’industrie bancaire et des établissements de crédit. La PME est très souvent mono-bancaire, ce qui peut témoigner d’un pouvoir de marché exercé par la banque. On sait que les établissements répercutent peu le coût de la ressource sur le niveau des taux d’intérêt débiteurs. Il apparaît également que les banques abaissent leur marge sur la distribution de crédits en favorisant les opérations les moins risqués, tout en augmentant les prélèvements sur d’autres opérations. La sous-tarification du risque est amenée à se réduire avec la mise en place des règles prudentielles Bâle II, qui prévoit de faire évoluer le capital réglementaire avec le niveau de risque du crédit. Les auteurs proposent d’accroître la concurrence sur le marché du crédit en autorisant des entreprises nonbancaires, correctement réglementées et supervisées, à entrer sur ce marché. Cela concerne le crédit-bail et l’affacturage mais surtout le développement de fonds proposant de la dette mezzanine. Ce type de dette, à mi-chemin entre les fonds propres et la dette bancaire, est très adaptée au financement d’entreprises émergentes dont le collatéral est par nature réduit.

Quelles interventions publiques ?
L’Etat doit adapter la réglementation pour ne pas favoriser le rationnement du crédit aux PME. En même temps, l’origine ultime de ce rationnement tient aux asymétries d’information qui caractérise la relation investisseur-entrepreneur, et qui sont exacerbées dans le cas de PME et d’entreprises en croissance. Une réponse pertinente à ces imperfections est de mettre en place des systèmes de « prêts garantis » plutôt que d’accorder des « prêts bonifiés » ou des « prêts fléchés ». Le dispositif français en la matière est piloté par OSEO-Garantie et va dans le bon sens. Il semble pourtant que ce dispositif pourrait encore être amélioré en tarifant à un niveau un peu supérieur l’octroi de la garantie.
Grégoire Chertok, Pierre-André de Malleray et Philippe Pouletty évoquent une autre voie consistant à faire émerger une forme de marché obligataire à disposition des PME en s’appuyant sur la dette mezzanine. Un marché obligataire traditionnel est exclu pour des entreprises de taille moyenne. Le développement de la dette mezzanine est favorisé par des opérations de titrisation comme c’est le cas aujourd’hui en Allemagne ou en Espagne. L’Etat
intervient en standardisant les véhicules de titrisation, en mettant en place des fonds communs de créance, et en proposant de garantir auprès des investisseurs certaines tranches de la dette titrisée. Au sein de ce dispositif, OSEO-Garantie occuperait une place centrale.

La question des délais de paiement
Le montant des encours de crédit commercial représente en France 600 milliards d’euros, un montant quatre fois supérieur à la dette des entreprises auprès des institutions financières. Le financement inter-entreprise est ainsi un enjeu crucial, et sur ce terrain le débat public concerne les délais de paiement. La France se caractérise par des délais de paiement relativement longs (66 jours) et quelquefois mal respectés. Selon l’Observatoire des délais de paiement, cette situation pénalise davantage les PME que les grandes entreprises. Deux mesures sont susceptibles d’améliorer cette situation. La première consiste à réduire les délais de paiement de la sphère publique. La seconde porte sur le développement de prestations financières externes aux PME comme l’affacturage. Dans les pays du nord de l’Europe, ces techniques ont permis de réduire sensiblement les délais de paiement. Les auteurs préconisent de soustraire à l’impôt sur les sociétés une partie des frais d’affacturage.

Commentaires du rapport
David Thesmar est sceptique quant à l’existence d’un problème de financement spécifique aux PME et qui viendrait légitimer l’intervention publique. L’asymétrie d’information entre l’entrepreneur et son investisseur est certes exacerbée pour les PME, mais l’intervention publique s’y heurte plus qu’elle ne la réduit. Il cite à ce sujet l’impact réduit de l’élargissement, intervenu en 1995, de la garantie SOFARIS sur le niveau de l’emploi des entreprises concernées.
Pour David Thesmar, le développement du capital-risque est entravé par la faiblesse des rendements distribués aux investisseurs. Si, à rebours de l’idée de rationnement du crédit, la faiblesse des rendements provient d’un manque de rentabilité des PME, alors il serait néfaste de pousser les assureurs à investir davantage sur ce compartiment. Il considère que le recours à des formes hybrides de dette (dette mezzanine) est une piste à explorer, qui aurait mérité de plus grands développements. Enfin, il met en avant deux « pépites » de ce rapport. D’une part, David Thesmar est en accord avec les auteurs sur la nécessité de voir les créanciers hypothécaires mieux placés en cas de faillite. D’autre part, il considère que le développement de l’affacturage serait une bonne manière de réduire les besoins en fonds de roulement.
Philippe Trainar considère que ce rapport est pertinent par son analyse et problématique par les propositions qu’il préconise. En effet, le lien entre sous-performance des PME et défaillance des marchés, qui légitime l’intervention publique, n’est pas solidement établi par les auteurs du rapport. Il s’inquiète alors de l’efficacité des avantages fiscaux à accorder et plus particulièrement du redéploiement vers les PME des dispositifs d’aide à la R&D. Ces dispositifs, et notamment le crédit impôt recherche, n’ont pas vocation à aider une catégorie particulière d’entreprises. Philippe Trainar considère que certaines analyses effectuées dans le rapport auraient pu être plus approfondi. Ainsi le constat d’un insuffisant investissement des sociétés d’assurance vie dans le capital des PME est-il à nuancer.

Conseil d’Analyse Economique
Le financement des Petites et Moyennes Entreprises
Rapport de Grégoire Chertok, Pierre-Alain de Malleray et Philippe Pouletty

Rapport complet : www.cae.gouv.fr/rapports/dl/CAE_RapportPME.pdf

Lundi 2 Février 2009




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