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Le financement des PME dans les pays émergents : la banque vraie associée

L’étude BearingPoint sur la finance islamique(1) , au-delà de fixer un état de l’art de la finance islamique, vise aussi à analyser les pistes de développement liées à la finance islamique. Un ensemble d’experts interrogés en 2013 et 2014 a permis de faire ressortir 3 grands axes de développement. D’une part le financement des PME des pays émergents, aujourd’hui parent pauvre du financement bancaire – islamique comme conventionnel - ; d’autre part, le rôle de la finance islamique dans la structuration du secteur bancaire des pays émergents et plus largement l’aide au développement et enfin l’innovation autour des services autres que bancaires (micro-crédit, assurance). Nous allons nous intéresser au premier cas – le financement des PME - qui est le plus structurant dans les prochaines années selon nous.


Jean-Michel Huet
Jean-Michel Huet
Bien que constituant le tissu économique d’un pays et étant primordiales pour sa santé économique, les PME ont souvent des difficultés à accéder au crédit. Par rapport aux grands groupes ayant des moyens humains et financiers en permanence dédiés à l’obtention de crédits, se lancer dans un prêt pour une PME est perçu comme un projet à part entière. Pour le moment, la finance islamique n’est pas célébrée comme une opportunité pour prendre le relai sur les banques conventionnelles en termes de financement des PME. C’est justement ici un des axes de développement majeur pour la finance islamique.

La répartition des émetteurs de sukuks par secteur est éloquente pour démontrer une chose : dans l’état actuel des choses, la finance islamique finance majoritairement les lourds projets d’infrastructures. En retirant les émissions réalisées directement par les états, on constate que les secteurs les plus consommateurs de sukuks sont des secteurs caractéristiques de grandes entreprises (banques & assurances, transport, télécom). Les secteurs plus propices au développement des PME Africaines (agriculture, construction, immobilier…) sont nettement moins privilégiés par les investisseurs sharia-compliant.

Pourtant, le manque à gagner est considérable. Les PME du continent africain représentent le socle économique de chaque pays. Ce constat est bien sûr à relativiser selon les états, mais dans l’ensemble, se pencher sur le besoin en financement des PME d’un pays est un des meilleurs moyens d’appréhender son développement économique.

Le principe de rétribution du prêteur génère une proximité entre l’entrepreneur et le banquier, une réelle connexion à l’économie réelle. Par ailleurs, la vocation sociale de la finance islamique est le garant d’un souci constant du développement des pays où chaque banque est implantée. En ce sens, la finance islamique est une alternative pour permettre un meilleur financement des PME du continent africain.

L’une des divergences fondamentales avec la finance conventionnelle vient du positionnement vis-à-vis de l’utilisation de l’intérêt. S’il a été pris comme méthode de base de la finance conventionnelle, il est prohibé par l’islam. Le temps n’ayant pas de valeur intrinsèque, il deviendrait impossible de monétiser un délai de paiement. Cette méthode de compensation du risque pris par le prêteur n’est pas envisageable, mais la compensation en elle-même n’est pas exclue.

Le principe de compensation privilégié dans le système islamique correspond au partage du profit et des pertes. Plutôt que d’exiger un retour sur investissement indépendant de l’issue du projet financé, le prêteur verra ses gains s’adapter en fonction des résultats. Si le prêt a été fructueux et génère des bénéfices, alors les deux partis se les partagent selon un prorata défini en amont. Si le prêt s’avère décevant et génère des pertes, chacun perd à hauteur de ce qu’il a investi. Dans le cas où le prêteur a été l’unique investisseur financier par exemple, il est considéré qu’il perd son investissement tandis que l’autre, l’entrepreneur, perd le fruit de son travail. Néanmoins s’il peut être prouvé que l’entrepreneur a mal géré les fonds qui lui ont été confiés ; c’est alors à lui de compenser les pertes.

Ce système de retour sur investissement permet de mieux distribuer les risques, et ainsi de ne pas imputer à l’entrepreneur l’intégralité des risques pris lors de l’investissement. La vocation entrepreneuriale est largement promue à travers cette méthode de financement. C’est le concept de partage des profits et des pertes (PPP).

Au-delà de servir les vocations entrepreneuriales, ce mode de financement alternatif est également particulièrement adapté aux PME de parts ses contrats. Le contrat Ijara, par exemple, transpose le modèle de crédit-bail aux banques. Lorsqu’un entrepreneur nécessite un bien pour développer un nouveau projet, il peut demander à sa banque de le lui acheter puis de le lui mettre à disposition. De la même manière que pour un crédit-bail, l’entrepreneur paye un loyer régulier puis peut, au bout d’un certain temps et selon son besoin, acquérir de bien à sa valeur courante. Ce genre de financement est particulièrement adapté au financement de projets encore peu définis dans le temps par des PME.

Néanmoins, la banque peut trouver le PPP déséquilibré en termes de risque par rapport au système conventionnel. D’où l’idée de proposer un contrat d’association entre la banque et l’entrepreneur : c’est le contrat mousharaka. Ce contrat défini un cadre dans lequel les deux partis (ou plus) s’engagent à la fois à injecter des fonds et à s’associer à la gestion du projet. Ce type de contrat, fréquemment utilisé, nécessite un apport de compétence autant que de capital de la part des banques. D’où la nécessité, pour ces banques, de recruter autant des banquiers que des gestionnaires. La contrainte pèse mais permet un catalogue de compétences plus large parmi les profils dans leurs effectifs.

De part cette implication des banques dans les projets de leurs clients, la banque possède en permanence un savoir-faire qu’elle peut mettre à disposition de ses clients au moment de la demande de prêt. La lourdeur du dossier à déposer au moment de la demande de prêt est de ce fait allégée pour l’entrepreneur. Cette coopération est naturellement intéressante pour la banque puisque c’est une opportunité pour elle de certifier la valeur des études présentées et d’adopter un formalisme approprié à l’évaluation d’un dossier.


De manière générale, la finance islamique garde une vocation « humaine », une vocation d’aide au développement. Pour reprendre les mots du centre de commerce international i[« La finance islamique intègre […] des valeurs morales et éthiques. Un parallèle est souvent fait entre la finance islamique et l’investissement responsable […]. L’investissement responsable cherche à optimiser à la fois le retour financier et les comportements socialement responsables ou éthiques » (2)]i.

De cette manière, ce nouveau mode de financement doit s’orienter d’abord vers les acteurs économiques ayant un impact direct sur le quotidien de la population : les PME. En ayant à la fois des fonds réservés au développement et une vocation globale orientée vers l’aide au développement, ces méthodes de financement ont une tendance spontanée à servir l’investissement des PME.

Cet exemple illustre bien que la finance islamique n’est pas réservée qu’aux prêts immobiliers. Elle peut aider à trouver de nouvelles sources de financement notamment pour des secteurs ou acteurs qui aujourd’hui ne sont pas forcément aidés. C’est aussi le moyen de renforcer la bancarisation de certains pays émergents qui en encore pour certains fortement besoin.

Jean-Michel Huet, associé BearingPoint et Saleh Cherqaoui, directeur du développement du bureau Marocain de BearingPoint

(1) La Finance islamique : quels enjeux pour les entreprises demain ?, BearingPoint, septembre 2014
(2) International Trade Center, Islamic Banking, A Guide for Small and Medium-Sized Enterprises, 2009

Mardi 2 Décembre 2014




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