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Le fétichisme des déficits


Cette Allemagne, qui s’érige en donneuse de leçon de productivité, n’a pu bénéficier d’une croissance au-dessus de la moyenne européenne qu’à la faveur de sacrifices constants exigés à sa population. Le moteur à l’exportation allemand ne rugit pas seulement par la grâce de la force productive de ses entreprises. En réalité, c’est aux réformes dites « Hartz » entreprises entre 2003 et 2005 – et qui ont consisté à transférer des ressources et des richesses du citoyen vers les entreprises et vers le secteur financier – que l’Allemagne doit d’avoir dopé ses exportations. Ce sont effectivement les réductions salariales et les réformes drastiques de son marché du travail qui ont amélioré notablement sa productivité, en y comprimant à l’extrême le coût du travail.


Michel Santi
Michel Santi
C’est donc au prix de sacrifices, de privations et parfois d’humiliations de ses salariés que l’Allemagne doit ses excédents commerciaux, et non à une amélioration rationnelle ou qualitative de sa productivité. Accepterions-nous dans le reste de l’Europe – et même en Grande Bretagne – de telles mesures « Hartz » sinistres et cyniques, où l’Etat se transforme en grand inquisiteur en exigeant du salarié une liste de ses comptes et de ses bijoux afin de fixer son indemnité de chômage ou ses prestations sociales ? C’est donc au détriment de ses salariés, poussés vers toujours plus de précarité, que les entreprises et les grandes banques de ce pays doivent leurs succès internationaux.

Car la croissance ne sera pérennisée que par la courroie de transmission d’une augmentation des revenus, raison pour laquelle il est crucial de procéder en premier lieu à la revalorisation du salaire minimum. N’est-il pas navrant de constater que le grand patronat (principalement anglo-saxon, il est vrai) est nettement plus préoccupé de l’ingénierie, des montages financiers et du cours en bourse du titre de son entreprise que de la modernisation de son appareil de production et de la diminution du chômage ? Et pour cause : cette financiarisation poussée à ses extrémités actuelles a opéré un transfert des richesses quasi absolu depuis le monde du travail jusque vers les fameux « 1 % » privilégiés qui y trouvent naturellement leur compte.

Voilà pourquoi les revenus du citoyen moyen n’ont pas progressé autant que la productivité du travail. Voilà pourquoi il nous est constamment demandé d’améliorer la productivité de nos entreprises. L’inégalité est donc, au même titre que l’appât du gain et la dérégulation à outrance, une des raisons fondamentales du séisme économique et financier ayant secoué nos pays occidentaux ces dernières années. En fait, et en dépit des mesures cosmétiques ou même en profondeur de notre système financier, nos économies seront à plus ou moins brève échéance immanquablement déstabilisées par des répliques plus ou moins violentes du simple fait des différences abruptes de revenus.

Débarrassons-nous de ce fétichisme malsain des déficits et concentrons plutôt nos énergies au rétablissement du plein emploi, seul legs digne de ce nom que l’on puisse faire aux générations futures. Faisons encore appel au grand Keynes qui nous mettait en garde dans sa « Théorie générale » à l’encontre « des fautes notoires d’une société incapable de procurer le plein emploi et qui distribue revenus et richesses de manière arbitraire et inégale ».

Michel Santi
Economiste et Analyste Financier (indépendant)
www.gestionsuisse.com

Jeudi 6 Décembre 2012




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