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Le casse-tête du Business Case Projet !

« La science des projets consiste à prévenir les difficultés de l'exécution. » Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues


Serge Masanovic
Serge Masanovic
« Le projet est le brouillon de l'avenir. Parfois, il faut à l'avenir des centaines de brouillons. » Jules Renard

Le terme « business case projet » fleure bon l’anglicisme. Il a donc tout pour plaire, séduire et rassurer ! Mais, à y bien réfléchir, il n’est rien d’autre qu’une version relookée (modernisée et améliorée) des anciennes « fiches d’investissement » ou « calcul de ROI ». Évidemment, les termes sont ringards et moins vendeurs, mais nous parlons à peu près de la même chose.

Avec le développement effréné des projets SI et la croissance folle des investissements SI concomitants, les entreprises ont été naturellement conduites vers deux nécessités : mieux choisir les investissements SI ; mieux piloter les projets qui portent ces investissements. La gouvernance SI et les portefeuilles de projets SI sont des réponses à la dernière préoccupation ; les business cases projet une réponse à la première.

La notion de « business case » est empruntée à la gestion d’entreprise. Il s’agit à l’origine d’un dossier permettant de justifier un projet (d’entreprise) ou sa continuité. Il définit comment le projet va être réalisé (en fonction de différents scénarii), de qui et de quoi on a besoin pour son exécution, combien cela va coûter et rapporter. Il peut également évoquer divers autres sujets, tels les risques.
Il n’est par conséquent pas étonnant que le « business case projet » soit né, que la notion de « business case » ait été récupérée et introduite dans l’univers IT. Il s’inscrit comme une réponse efficace et rationnelle aux difficultés rencontrées pour statuer sur la pertinente de lancer ou de poursuivre tel projet SI.

Et tout le monde semble s’engouffrer dans la brèche, tel un phénomène moutonnier (ou une mode très contagieuse), pour rassurer le management sur le bien-fondé des investissements. Interrogez un responsable SI ; Son message est clair et sécurisant : après une période de flottement (comprenez un agacement sévère de la Direction Générale) tous les projets SI sont maintenant passés au crible du business case projet. Que la Direction Générale se rassure, les business cases sont là !
Le ton est volontairement moqueur, non parce que nous ne croyons pas aux vertus de cet instrument de bonne gestion et de pilotage éclairé. Bien au contraire, nous sommes convaincus que les efforts menés en ce sens sont nécessaires. Si nous sommes moqueurs, c’est parce que l’exercice n’est pas simple et que l’optimisme affiché est outrancier. On ne règle pas la question difficile du choix et de l’arbitrage des investissements IT à coup de baguette magique, même si la baguette s’appelle « business case ». On ne met pas en place un tel outil uniquement par une décision de management.
Notre expérience nous amène à identifier 4 difficultés majeures, qui expliquent pourquoi la mise en place d’une démarche de « business case projet » doit nécessairement s’inscrire dans la durée :
Premier élément clé du business case : l’estimation des gains.

Pour réaliser cet exercice de haut vol, il n’existe que deux solutions : la mauvaise et la bonne.
La première consiste à estimer à la louche des gains de type « on gagne environ 20 min chaque jour et cela concerne à peu près 3.000 personnes ». Cela revient à dire que vous gagnez environ 60 ETP (Équivalent Temps Plein). Ce que nous disons, c’est que si vous réussissez à faire gagner à 3.000 personnes environ 20 min chaque jour, ces personnes vont adapter leur rythme : vous allez finalement engorger les machines à café et les lieux réservés aux fumeurs. In fine, vous n’allez rien gagner d’autant que ces 60 ETP sont toujours présents.

La deuxième solution consiste à adopter une démarche centrée sur les processus et à identifier les impacts de votre projet SI sur les tâches et les activités. Vos gains sont donc à associer aux évolutions des processus (ajout, suppression et modification des tâches), ce qui va vous permettre de chiffrer rigoureusement, rationnellement et « raisonnablement » les gains escomptés. A ce stade, en fonction de votre degré de maturité et de vos diverses expériences, vous pourrez pondérer ces gains bruts (à la hausse ou à la baisse) pour tenir compte de vos contraintes propres ou de vos spécificités, et procéder à des ré allocations comme le développement d’activités existantes et/ou nouvelles.

L’estimation des gains implique donc une connaissance « intime » des processus de l’entreprise, des activités, des tâches et du ou des systèmes d’information concernés par le projet SI. Sans cette connaissance, qui permet avec précision de qualifier et quantifier les transformations, l’estimation des gains est un pur exercice de prestidigitation. Il doit être réservé « en priorité » à des consultants éphémères car, quand le projet SI sera achevé, les gains ne seront pas au rendez-vous ; il est donc préférable, pour ceux qui ont défendu le projet, d’avoir pris préalablement la poudre d’escampette.
Deuxième élément clé : l’estimation des coûts.

Même punition pour l’estimation des coûts. Pour que l’exercice ait un sens et un degré de pertinence suffisant, il faut être capable de proposer des coûts raisonnables et justes. Cette prévision achoppe généralement sur trois écueils.

Christophe Coupé
Christophe Coupé
Le premier écueil est la connaissance des coûts du projet, qui requiert un cadrage « complet ». C’est-à-dire qu’il faut avoir précisément analysé et fixé l’ensemble des paramètres structurants du projet avant de se lancer dans la rédaction d’un business case. Aucune hypothèse ne doit être à ce stade en suspens, à l’étude ou renvoyée à plus tard. Dit autrement, l’estimation des coûts et la production du business n’a de sens qu’en fin de cadrage du projet.

Le deuxième écueil est l’optimisme volontaire ou naturel des promoteurs du projet. Ils vont avoir tendance à prendre systématiquement les estimations les plus favorables au projet. Il ne s’agit nullement de contester le sérieux et l’honnêteté des personnes chargées de produire le business case – bien qu’on puisse parfois raisonnablement se poser la question – mais il est dans la nature humaine de prendre ses désirs pour des réalités. Et donc de retenir les éléments les plus favorables à ce que l’on désire : lancer le projet.

Le troisième et dernier écueil est l’estimation des coûts récurrents. Les gains escomptés n’apparaîtront réellement que lorsque le projet sera achevé et la solution SI mise en exploitation. A ce stade, il n’y aura plus de coûts liés au projet (ces coûts relevant de l’investissement initial) ; seuls existeront des coûts de maintenance et d’exploitation (auxquels pourront toutefois s’ajouter des coûts annuels d’évolution ou investissements complémentaires). Pour que l’exercice budgétaire soit complet, il faut tenir compte des coûts de la nouvelle solution SI, puis retrancher les coûts de la solution SI remplacée. Au passage, il faudra intégrer les dépenses liées à la disparition et au retrait de l’application. Or, tous ces coûts sont bien souvent inconnus. Pour en disposer, la DSI doit avoir mis en œuvre une démarche de contrôle de gestion SI fondée sur l’analyse de la valeur (analyse ABC/ABM des coûts par activité), seule à même d’évaluer ce type de coût avec précision. Que penser d’un business case qui intègre des coûts récurrents approximatifs ? Qu’il est lui-même très approximatif !
Troisième élément clé : l’action de remplir le dossier de business case.

La ou les personnes chargées d’élaborer un business case se retrouvent devant une feuille blanche. Il va falloir les guider, pour faciliter et orienter leurs travaux. Il va également falloir les contraindre, pour éviter que ces travaux partent dans tous les sens. Il faut donc construire et diffuser un outillage « business case projet ». Nouveau défi !

En effet, il ne faut pas concevoir une « usine à gaz », qui ne sera jamais exploitée et conduira la démarche à l’échec garanti. Il ne convient pas non plus de proposer quelques simples grilles Excel à remplir, qui ne permettront pas d’apporter les éléments suffisants d’aide à la décision.

Chaque entreprise doit construire son business case projet, en fonction de ce que les dirigeants veulent analyser pour juger et arbitrer. Trop souvent ce type d’outillage est conçu en chambre, par la DSI, sans une identification et une compréhension de la démarche d’analyse de la Direction Générale, de la Direction Financière et des Directeurs Métier. Le Business Case Projet est leur outil ; ils sont les utilisateurs finals.

Enfin, dernière remarque concernant l’outillage : il doit être convivial. L’IHM (comprendre Interface Homme-Machine) doit être simple, intuitive. Ceux qui remplissent et complètent le business case projet ne doivent pas être tenus d’appeler en permanence le concepteur de l’outil. En d’autres termes, ils doivent avoir été formés et maîtriser toutes les notions et concepts manipulés (ex. cash-flow, VAN, OPEX…).

Quatrième élément clé : l’utilisation du business case tout au long du projet.
Comme nous l’avons indiqué ci-avant, la préparation et la présentation du business case projet doit intervenir en fin de cadrage du projet, au moment où tous les scénarios sont définis, les hypothèses figées et les éléments structurants chiffrés. Avant c’est trop tôt et après c’est évidemment trop tard !
Ensuite, il doit être révisé et mis à jour régulièrement, plus exactement au rythme des jalons majeurs de décision du projet : avant de lancer les développements, avant de déployer, en fin de projet. Il constitue à cette occasion une source riche de données pour apprécier le projet, porter un jugement et mettre à jour les métriques et ratios de l’entreprise.

Mais ce n’est pas tout, le business case projet doit être également utilisé régulièrement en mode récurrent, c’est-à-dire lorsque la solution est opérationnelle et exploitée. C’est en effet en mode récurrent que l’on doit récolter les fruits des investissements consentis. Le business case projet est l’outil idéal de mesure des résultats définitifs : ce que l’on avait imaginé, prévu, espéré est-il devenu une réalité ? Les gains escomptés sont-ils conformes aux attentes ? Si écart il y a, quel est son ordre de grandeur ? Quels en sont les impacts sur la rentabilité du projet ? Des effets secondaires non prévus viennent-ils modifier le modèle de rentabilité (positivement ou négativement) ?
Et pour conclure…

Nous avons raillé la tendance actuelle à se ruer sur le business case projet, mais nous avons la conviction qu’il est devenu l’outil idéal d’une Direction Générale, d’une DAF ou des Directions métier, pour justifier et approuver un investissement souvent conséquent.

La démarche et l’outillage d’un business case projet sont devenus une exigence pour l’entreprise. Ils constituent une proposition structurée et un pré-requis pour toute initiation de projets de grande envergure. Compte tenu des inflexions stratégiques et d’une pression des actionnaires accentuée en période de crise, le business case projet apparaît comme INCONTOURNABLE !

Serge Masanovic & Christophe Coupé

Christophe Coupé, Ingénieur en Télécommunications, docteur en Économie et consultant, s’intéresse à l’inscription sociale des techniques. Il accompagne les dirigeants et managers pour mesurer la performance et la valeur créée par les projets informatiques.

Serge Masanovic, Associé fondateur de VCM Conseil, est un expert en économie des SI. Il intervient pour anticiper les gains et les bénéfices attendus des projets SI, pour identifier les gisements d’économie et enfin pour mesurer et pilote la performance du SI au quotidien.
VCM Conseil

201, rue de la convention
75015 PARIS
www.vcm-conseil.fr

Lundi 11 Janvier 2010




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