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La reprise est là… Oui mais au Royaume-Uni

Mieux que le très populaire « Get Lucky » des Daft Punk et plus fort que le « Blurred Lines » de Robin Thicke, « La Reprise est là » a été le véritable tube de l’été 2013. N’avez-vous donc pas dansé sur les paroles optimistes de François Hollande ? Toutefois la rentrée arrivant, vous avez finalement déchanté en recevant votre avis d’imposition puis en constatant le recul du PIB au troisième trimestre. Et pourtant la reprise est bel et bien là. Vraiment ? Mais où exactement ? Au Royaume-Uni…


Anthony Benhamou
Anthony Benhamou
Après la pluie, le beau temps

La croissance britannique ! La croissance outragée ! La croissance brisée ! La croissance martyrisée ! Mais la croissance britannique libérée. C'est en quelque sorte ce que George Osborne, le ministre britannique des finances, aurait pu déclarer lors de son traditionnel discours d'automne du 5 décembre dernier. Car depuis cinq ans, le Royaume-Uni a alterné entre très faible croissance et contraction marquée de l'activité. Un manque de dynamisme terrifiant qui a engendré de nombreuses destructions d'emplois ; le taux de chômage s'élève ainsi actuellement à 7,6% contre 5,1% en janvier 2008.

Durement frappé par la crise financière et par la crise de la zone euro, le pays semble néanmoins se remettre sur le bon rail économique. Enfin ! Les bons chiffres du PIB au troisième trimestre (+0,8%) viennent en effet confirmer la reprise amorcée lors des deux trimestres précédents (+0,4% et +0,7%). Mieux encore, dans un enthousiasme inhabituel, George Osborne a relevé les prévisions de croissance de l'économie britannique à +1,4% en 2013 (contre une précédente estimation de +0,6%) et à +2,4% en 2014 (contre initialement +1,8%). De bonnes nouvelles synonymes d'un probable recul du taux de chômage à horizon 2015 sous la barre des 7%.

Quelle est donc la recette (miracle ?) du redémarrage de l'économie britannique ? Un début de réponse se trouve dans la politique économique menée depuis 2010 et l'arrivée au pouvoir de David Cameron. A la tête d'un gouvernement de coalition (une première depuis 1945), le successeur de Gordon Brown a en effet mis en place un réel projet de société intitulé Big Society. Il s'agit d'un ensemble de mesures permettant à l'Etat de se retirer de la vie économique et sociale au profit du secteur privé. Il s'agit ainsi de doter les citoyens, le secteur bénévole et les entreprises, des pouvoirs et des moyens nécessaires pour agir plus profondément au sein de leur communauté.

La Big Society participe ainsi à changer les mentalités de même qu'à responsabiliser l'ensemble des acteurs britanniques quant au bon fonctionnement de leur société. Une véritable décentralisation qui permet notamment de réduire le niveau de la dépense publique pour pouvoir converger vers une trajectoire budgétaire saine. Dépassant les 7% du PIB, les déficits de l'Etat ne sont en effet plus acceptables. Et bien que la situation soit compliquée pour de nombreux citoyens britanniques tant les sacrifices à faire sont élevés, force est de constater que le nouveau modèle prôné par David Cameron a le mérite d'être clair et lisible. Un élément qui participe évidemment à améliorer la visibilité à moyen-long terme de même qu'à restaurer un climat de confiance favorable au retour de la croissance au sein de l'archipel.

Il convient néanmoins de souligner que la cure d'austérité menée par le gouvernement britannique ne suffit pas à expliquer les perspectives de croissance de l'économie. La rigueur budgétaire a effectivement été en partie contrebalancée par une politique monétaire ultra accommodante. L'activisme de la Bank of England (BoE) et plus précisément de son gouverneur, Sir Mervyn King, s'est ainsi traduite par l'abaissement progressif du principal taux d'intérêt directeur à 0,5% et surtout par l'injection de 375 milliards de livres dans l'économie (soit environ 440 milliards d'euros). Et il y a fort à parier que Mark Carney, le nouveau gouverneur de la BoE, poursuive cet assouplissement monétaire tant que le taux de chômage ne s'inscrira pas durablement sous les 7%.

L'heure des choix a sonné

La France peut-elle alors répliquer le modèle anglais afin de booster son taux de croissance et surtout amorcer l'inversion tant attendue de la courbe du chômage ? Tout est en fait une question de choix politique dans un univers sous contrainte. Car les deux pays ont en dénominateur commun des dérapages budgétaires passés dont il convient de se rétablir. Le choix du courage (qui se traduit par une coupe drastique dans les dépenses publiques) s'oppose alors au choix du populisme (synonyme d'une hausse généralisée de la fiscalité). Quasiment cornélien, ce choix d'avenir prédétermine alors la santé future d'un Etat, temporairement en panne de croissance.

Dans un article de 2009 intitulé Large changes in fiscal policy : taxes vs spending, les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna ont en effet montré, qu'historiquement, les ajustements budgétaires axés sur une hausse de la fiscalité s'accompagnent de longues récessions ; à l'inverse, quand l'ajustement porte sur la diminution des dépenses, les périodes de récession sont limitées. Le Royaume-Uni a fait le choix du courage en coupant dans les dépenses publiques. Après une période d'atonie de l'activité, David Cameron et George Osborne pourraient aujourd'hui se vanter que « la reprise est là ». Il n'en est pourtant rien tant la consolidation des derniers indicateurs économiques pourrait s'avérer difficile.

La France a en revanche fait tout le contraire de son voisin d'outre-Manche. Le gouvernement a en effet procédé à des hausses d'impôts qui, rapidement, sont devenues insupportables pour beaucoup. Dans ce contexte, l'annonce hâtive faite en juillet dernier par François Hollande et consorts sur la fameuse « reprise » économique semblait bien évidemment prématurée et relevait clairement d'un élément de communication. Une sorte de méthode Coué (prophéties auto-réalisatrices pour les puristes) conjuguée à un soupçon d'arrogance qui malheureusement ne trompe plus personne comme en atteste le recul de l'investissement des entreprises depuis maintenant huit trimestres consécutifs.

Forte de son titre de championne d'Europe de la dépense publique, la France disposait pourtant de marges de manœuvre pour assainir ses finances publiques et restaurer la confiance au sein de l'économie. En outre le pays peut à l'instar du Royaume-Uni s'appuyer sur une politique monétaire accommodante menée par un Mario Draghi dont le style s'inscrit en nette rupture avec les méthodes souvent laxistes de son prédécesseur. Mais agir sur la dépense plutôt que sur les impôts impliquait une bonne dose de courage politique et faisait courir le risque de l'impopularité et de défaite aux prochaines élections. Bilan ; pas ou très peu de croissance, un taux de chômage à plus de 11%, une pente budgétaire très glissante, une fronde sociale qui ne s'affaiblit pas et surtout une défaite annoncée aux prochaines élections…

Vient alors le temps d'une dernière question. Si le Royaume-Uni renoue progressivement avec la croissance, les citoyens britanniques sont-ils pour autant plus heureux que les citoyens français ? Il se trouve que la notion de bonheur s'avère difficile à mesurer en sciences économiques. Le fait par exemple que les migrations se font quasi exclusivement de France vers le Royaume-Uni (et non le contraire) ne permet de tirer aucune conclusion sérieuse. En revanche, malgré de nombreux préjugés, les inégalités semblent moins marquées outre-Manche qu'en France ; ainsi, selon l'étude récente du CREDOC, la classe moyenne (souvent la plus touchée par la crise et les mesures fiscales) britannique dispose d'une redistribution fiscale et sociale plus avantageuse que la classe moyenne française. Une information tout bonnement incroyable au regard de la réputation du système social français qui tend à démontrer que celui-ci est en fait à bout de souffle.

Si l'économie britannique est sur la bonne voie, le chemin à parcourir reste néanmoins encore long. C'est d'ailleurs une des raisons qui justifient la poursuite de la politique d'austérité du gouvernement Cameron. En revanche, en ce qui concerne la France, il n'est pour le moment pas question de parler de longueur du chemin … mais tout simplement du chemin.

Achevé de rédiger le 11 décembre 2013,

Anthony Benhamou

Anthony Benhamou est un économiste diplômé de l’université de Paris Dauphine. Il a notamment exercé pendant 3 années en tant que consultant auprès de grandes entreprises internationales. Maître de conférences à Sciences-Po Paris et tuteur enseignant à l’université de Paris Dauphine, il rédige par ailleurs avec Marc Touati de nombreuses chroniques économiques et financières pour le cabinet ACDEFI.


Vendredi 13 Décembre 2013




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