Corporate Finance, DeFi, Blockchain, Web3 News
Corporate Finance, DeFi, Blockchain News

La procédure de sauvegarde : Anticiper les difficultés pour permettre un retournement

Il ressort des statistiques des tribunaux de commerce que la majeure partie des procédures collectives aboutit à une cessation d’activité au lieu de la poursuite d’activité recherchée via l’élaboration d’un plan de redressement ou de cession. Le droit français des entreprises en difficulté et ses ajustements successifs ont donc pour objet non seulement de traiter les difficultés des entreprises, mais surtout de les prévenir.


En 2005, le législateur s’est inspiré de la procédure nord-américaine dite du « Chapter 11 » pour instaurer la procédure dite de sauvegarde. Dans sa version française, cette procédure est ouverte aux entreprises qui rencontrent des difficultés sans pour autant être en état de cessation des paiements. Elle permet de bénéficier de la protection offerte par le régime des procédures collectives, et en particulier l’interdiction de payer les créances antérieures et la suspension des poursuites individuelles, le temps d’élaborer et de faire approuver un plan de redressement.

Les diverses utilisations de cette procédure depuis son apparition ont prouvé son indéniable utilité, mais surtout permis de constater les situations dans lesquelles elle a démontré le plus de pertinence.

Avant la mise en place de la procédure de sauvegarde, les principaux outils de prévention étaient la possibilité pour le dirigeant d’entreprise de solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur.

Ces deux procédures présentent les avantages d’une grande souplesse : c’est le tribunal de commerce qui fixe la mission du mandataire ou du conciliateur, et de la confidentialité : la décision du tribunal n’est pas publique. Elles se heurtent toutefois à l’absence de caractère obligatoire de la négociation ou de son résultat, ou à la difficulté pratique d’obtenir le consentement de l’ensemble des créanciers.

La procédure de sauvegarde permet de surmonter cette difficulté puisqu’elle autorise, sous certaines conditions, d’imposer un plan, sous le contrôle du tribunal bien entendu, avec l’accord d’une majorité de créanciers.

Nous proposons de rappeler ici les principales caractéristiques de la procédure de sauvegarde, tout en donnant un aperçu des meilleurs pratiques.

L’article L 620-1 du Code de commerce dispose i[qu’« une procédure de sauvegarde [peut être] ouverte sur demande d'un débiteur (…) qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. »]i

1. Ouverture de la procédure
La procédure de sauvegarde s’adresse à toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale) ainsi qu’aux autres personnes morales de droit privé.

Seul le représentant légal de la personne morale ou le débiteur personne physique peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, cette demande étant effectuée directement auprès du Tribunal de Commerce.

Le demandeur doit justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, sans pour autant être en état de cessation des paiements. Si l’entreprise est dans cette situation, elle doit s’orienter directement vers la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la sauvegarde étant alors exclue.

Pour mémoire, il y a cessation des paiements lorsque l’entreprise est dans l’impossibilité de payer son passif exigible avec son actif disponible. Mais cette notion n’ayant pas été précisée par la loi, il en résulte une certaine marge d’appréciation, sous la responsabilité du dirigeant d’entreprise.

L’appréciation de la gravité des difficultés relève de la compétence des juges. Ainsi dans l’affaire « Cœur Défense », la cour d’appel de Paris a jugé dans un arrêt rendu le 25 février 2010 que les sociétés débitrices ne justifiaient pas de difficultés suffisamment sérieuses pour motiver l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

C’est pourquoi il est généralement recommandé au dirigeant d’entreprise de s’entretenir avec le Tribunal pour s’assurer que la demande d’ouverture d’une procédure sera suivie. Il faut en effet éviter la situation malencontreuse d’un refus qui avertirait les tiers des difficultés de l’entreprise, tout en la privant la protection offerte par les procédures collectives.

Si le tribunal rend un jugement d’ouverture, il désigne un juge-commissaire, chargé de la surveillance de la procédure, un mandataire chargé de la représentation des créanciers, et un administrateur judiciaire chargé d’assister ou de surveiller le dirigeant.

La désignation de l’administrateur est facultative lorsque compte moins de vingt salariés et réalise un chiffre d’affaires hors taxe inférieur à trois millions d’euros.

Le débiteur a la possibilité de proposer un administrateur. Cette faculté permet de désigner la personne qui serait intervenue au préalable en qualité de mandataire ad hoc ou de conciliateur. C’est en procédant ainsi que les sociétés Autodis et Technicolor ont significativement réduit la durée des procédures dont elles ont fait l’objet.

2. Déroulement et effets de la procédure
La procédure de sauvegarde commence par une période d’observation d’une durée maximale de six mois, renouvelable une fois.

Dans la procédure de sauvegarde, l’entreprise n’est pas à vendre contrairement aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, dans lesquelles des offres peuvent être présentées à tout moment.

Pendant cette période, la poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l’activité de l’entreprise. D’autres, en revanche, peuvent être de nature à aggraver sa situation. En conséquence, l’administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours. Les clauses prévoyant la résiliation en cas d’ouverture d’une procédure collective sont, comme en cas de redressement ou liquidation judiciaire, sans effet.

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture (sauf notamment en cas de compensation de créances connexes). Cette mesure a pour objet de figer le passif et de déterminer son montant à la date d’ouverture de la procédure.

A partir de la publication du jugement, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture disposent de deux mois pour déclarer leur créance au mandataire judiciaire. Les autres créances sont en principe payées à leur échéance.

Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement. Il en est de même pour les procédures d’exécution de la part de ces créanciers.

Les personnes physiques qui auraient notamment cautionné l’entreprise bénéficient également de cette suspension des poursuites.

Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an.

3. Élaboration et adoption d’un plan
Dans le cadre de la préparation du plan de sauvegarde, le mandataire judiciaire doit consulter les créanciers, individuellement ou par l’intermédiaire de comités de créanciers, sur les délais de paiement ou les remises qu’ils sont disposés à accorder au débiteur.

La constitution des comités de créanciers est facultative, sauf lorsque les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et lorsque le nombre de salariés de l’entreprise est supérieur à 150 et lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros.

En cas de constitution de comités, l’administrateur doit mettre en place un comité réunissant, pour l'un, les établissements de crédit et assimilés, et pour l'autre, les principaux fournisseurs. La décision est prise par chaque comité à la majorité des deux tiers, permettant ainsi d’imposer une solution négociée entre l’entreprise et ses principaux créanciers.

En pratique, il est souvent proposé aux créanciers un paiement immédiat moyennant l’abandon d’une partie non négligeable de leur créance, ou son règlement sur une période maximale de dix ans.

Une fois l’accord approuvé par les créanciers et validé par le tribunal, celui-ci nomme l’administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l’exécution du plan.

Lorsque les difficultés qui ont justifié la procédure de sauvegarde ont disparu, le tribunal clôt la procédure.

Les organes de la procédure (administrateur, mandataire) sont, dans la procédure de sauvegarde, rémunérés par l’entreprise. Ces rémunérations sont déterminées par référence au chiffre d’affaires ou au nombre de salariés de l’entreprise.

Certains assureurs, dans le cadre de contrats de responsabilité des mandataires sociaux, proposent la prise en charge de tout ou partie de ces frais.

4. Applications pratiques
La procédure de sauvegarde a connu des succès divers depuis sa mise en place.

En avril 2010, la conclusion d’un accord entre le constructeur de yachts de luxe Rodriguez et ses créanciers a permis de clôturer la procédure de sauvegarde un an après son ouverture, et de reprendre la cotation des actions, leur valeur ayant doublé dès le premier jour. La société, confrontée à une grave crise sur son marché, avait dû procéder à une réorganisation rapide.

La procédure avait été utilisée avec succès par la société Cauval Industries, dont la structure était saine, mais qui s’était trouvée en situation financière délicate. La procédure lui a permis de geler ses dettes, puis de les rééchelonner sur dix ans, sans bloquer l’exploitation. Quelques mois après la clôture de la procédure, la société a pu procéder à l’acquisition d’une nouvelle marque.

Si ces exemples sont positifs, d’autres dossiers ont été moins heureux, comme dans le cas de la société Heuliez, placée en sauvegarde en octobre 2007, puis en redressement un an plus tard, faute de solution. Dans le cas de la société Smoby, en 2007 également, la sauvegarde n’avait pas permis non plus de procéder à la réorganisation espérée.

La sauvegarde ne permet en effet pas, comme dans le cadre d’un plan de cession adopté dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, de ne reprendre que certains actifs ou contrats, susceptibles d’intéresser un repreneur.

Il faut par ailleurs mentionner la pratique récente des procédures de sauvegarde rapides, telles celles des sociétés Autodis ou Technicolor, où le délai entre l’ouverture de la procédure et l’adoption du plan a été respectivement un mois et demi et deux mois et demi. Cette méthode est inspirée des « prepackaged plans » américains, où le juge entérine l’accord trouvé entre les créanciers. Le succès de ces procédures a été le résultat, notamment, d’une préparation très en amont, et notamment de l’intervention de l’administrateur judicaire en qualité de mandataire ad hoc préalablement à l’ouverture de la procédure. C’est ici le vote majoritaire des créanciers, spécificité de la sauvegarde, qui intéressait les entreprises, puisqu’il a permis de négocier un plan avec les principaux créanciers et de l’imposer, sous le contrôle du tribunal, aux créanciers « minoritaires » ou éparpillés.

Ces deux derniers exemples sont l’illustration de ce que la sauvegarde doit être utilisée comme un moyen à la disposition du dirigeant d’entreprise pour faciliter son redressement, et de ce que son succès sera favorisé par un travail en amont en vue de la réorganisation de l’entreprise.

Cabinet Martin-Lavigne
Avocats à la Cour
5 bis, rue de Fontenay - 78000 Versailles
Tél. : 01 30 21 82 50
www.martinlavigne.fr

Samedi 1 Mai 2010




OFFRES D'EMPLOI


OFFRES DE STAGES


NOMINATIONS


DERNIERES ACTUALITES


POPULAIRES