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La nouvelle année d’indécision en Europe (George Soros)

La dissonance actuelle entre Etats est intenable. Alors qu’une coopération internationale semble indispensable sur plusieurs niveaux.


La nouvelle année d’indécision en Europe (George Soros)
La situation économique désastreuse dans laquelle la plupart des pays riches se sont trouvés en 2011 n'a pas seulement été le résultat de forces économiques impersonnelles, mais tout autant le fruit des politiques menées ou non par les dirigeants de la planète. En effet, la remarquable unanimité observée pendant la première phase de la crise économique apparue en 2008, et dont la mise en place du plan de sauvetage de 1000 milliards de dollars lors de Sommet du G-20 de Londres en 2009 a constitué l'apogée, s'est rapidement dispersée.

Désormais, querelles bureaucratiques et idées fausses dominent. Plus grave encore, les désaccords politiques se jouent plus ou moins le long des frontières nationales. Le centre du conservatisme fiscal se situe en Allemagne, tandis que les pays anglo-saxons sont toujours adeptes de la pensée de John Maynard Keynes. Cette dissonance complique énormément les choses, tant il est vrai qu'une coopération internationale étroite est indispensable à la correction des déséquilibres mondiaux à l'origine de la crise.

Les doutes relatifs à la dette souveraine européenne se sont tournés vers l'euro dans une mesure telle que certains observateurs posent désormais la question de la survie même de la monnaie unique.
L'euro souffrait pourtant d'incomplétude dès son origine. Le traité de Maastricht instaurait une union monétaire, mais sans union politique – une banque centrale commune, mais sans trésor commun. Ses architectes avaient conscience de ces premières lacunes, mais bien d'autres défauts de conception se sont révélés seulement après le crash de 2008.

L'euro s'est construit sur l'hypothèse que les marchés corrigeaient leur propres excès, et que les déséquilibres existaient uniquement dans le secteur public. Comme l'a pourtant révélé la réalité, quelques-uns des plus forts déséquilibres ayant alimenté la crise ont été observés dans le secteur privé – et l'instauration de l'euro en est indirectement responsable.

Notamment, la dette souveraine de la zone euro était jugée sans risque: il s'agissait simplement pour les banques de conserver un minimum de réserves par rapport aux obligations des pays membres, que la Banque centrale européenne acceptait sur un pied d'égalité et selon son taux d'escompte.

Les États membres pouvaient emprunter pratiquement au même taux d'intérêt que l'Allemagne, et les banques étaient ravies de bénéficier d'argent de poche supplémentaire en gonflant leur bilan avec la dette gouvernementale des économies les plus faibles de la zone euro. Les banques européennes détenaient par exemple plus de 1000 milliards d'euros (1300 milliards de dollars) de la dette espagnole, et les banques allemandes et françaises plus de la moitié de cette somme.

Au lieu d'observer la convergence que prévoyait le traité de Maastricht, le resserrage radical des différentiels de taux d'intérêt a engendré des divergences en termes de performance économique. Des pays comme l'Espagne, la Grèce et l'Irlande ont créé bulles immobilières, ont vu leur croissance s'accélérer, et ont développé des déficits commerciaux par rapport au reste de la zone euro, tandis que l'Allemagne - sur laquelle pesait pourtant les coûts de la réunification - est parvenue à réduire ses coûts de main d'œuvre, à devenir plus compétitive, ainsi qu'à présenter un excédent commercial régulier.

La convergence des taux d'intérêt a été rompue lorsqu'un gouvernement nouvellement élu en Grèce a révélé que le déficit encouru par le gouvernement précédent était bien plus conséquent que ce dernier ne l'avait laissé croire. Les autorités européennes ont été lentes à réagir, car les pays membres tenaient des discours radicalement différents.

L'Allemagne, traumatisée par l'inflation galopante des années 1920 et par ses conséquences politiques terribles, s'est farouchement opposée à toute idée de plan de sauvetage. De plus, le pays s'orientait vers un cycle électoral, ce qui a renforcé la rigidité de sa position. Tandis que les dirigeants allemands proposaient avec insistance d'imposer des taux de pénalité en contrepartie de toute assistance, la crise a continué de couver - et les coûts de sauvetage de croître.

En effet, l'impossibilité des membres de la zone euro à imprimer leur propre monnaie les reléguant au statut de pays moins développés, forcés d'emprunter dans des devises étrangères, les primes de risques ont augmenté corrélativement. Ne trouvant guère de solution, les autorités ont décidé d'enterrer la tête dans le sable - une démarche qui habituellement fonctionne, dans la mesure où les problèmes sont plus faciles à résoudre une fois l'énervement des marchés retombé. Seulement, dans ce cas précis, la crise a continué de prendre de l'ampleur, et les autorités sont venues à manquer d'air lorsque la Cour constitutionnelle allemande a statué en excluant toute garantie supplémentaire au-delà du Fonds européen de stabilité financière (FESF), sans le consentement du Bundestag.

Le 9 décembre, lors du Sommet de l'Union européenne de Bruxelles, les pays de la zone euro ont accepté d'instaurer une union fiscale plus étroite. Cependant, le temps que la décision soit prise, elle était devenue insuffisante à une reprise de contrôle sur la crise financière.

Les mesures mises en place par la BCE ont laborieusement permis de soulager les problèmes de liquidité des banques, mais rien n'a été fait pour réduire les fortes primes de risque relatives aux obligations des gouvernements. Les primes étant intimement liées aux défauts de capital des banques, une demi-solution est insuffisante. À moins que les dettes souveraines du reste de la zone euro ne soient successivement enrayées, un défaut de la Grèce pourrait entraîner l'effondrement du système financier à l'échelle mondiale.

Même s'il est possible qu'il nous ait préservés d'un tel scénario catastrophe pour 2012, le Sommet européen a semé les graines de futures discordes - en raison de l'émergence d'une Europe «à deux vitesses» et du caractère erroné de la doctrine sous-tendant le pacte fiscal proposé à la zone euro. Parce qu'elle impose l'austérité à une période de chômage croissant, cette doctrine risque de pousser la zone euro dans une spirale vicieuse de déflation et d'endettement, dont il sera difficile de s'échapper.

George Soros
Project Syndicate

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Lundi 16 Janvier 2012




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