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La cote : un risque de marginalisation

Les marchés financiers voient leur influence s’éroder régulièrement. Il est temps pour eux de repenser leur activité.


Cyril Demaria
Cyril Demaria
La directive européenne MiFID a mis fin aux monopoles boursiers, ce qui a produit un «partage de la liquidité entre plusieurs sources et réduit de façon significative l’influence des marchés cotés et leur transparence», déclare Bruno Lemière, Gérant d’Arche Informatique (un cabinet de conseil auprès des bourses de valeurs et institutions financières). La valeur de signal des cotations officielles s’en trouve modifiée. L’origine des valorisations étant plus aléatoire, les coûts associés à la valorisation augmentent. Il est donc difficile d’obtenir une image réelle d’une valeur à partir du cours de ses actions.

Les fusions des marchés cotés, à l’image de NYSE-Euronext ou de Nasdaq-OMX n’ont pas compensé l’érosion de la valeur de signal des cotations. Les banques ont en effet lancé des programmes concurrents, comme Turquoise, acheté récemment par le London Stock Exchange. «CHI-x ou Turquoise ont démontré la capacité des banques à créer un marché alternatif », explique Bruno Lemière. «Ses fondateurs étaient tous des banques dont le risque de contrepartie était nul - car too big to fail. Ces systèmes, en captant une part considérable des échanges intraday, ont poussé les marchés et les chambres de compensation à baisser drastiquement leurs tarifs et revoir leurs coûts, l’un des objectifs de MiFID.»

De fait, selon les estimations, Turquoise aurait capté entre 15 et 17% des échanges intra-day et CHI-x plus encore. Les compensations directes sont d’ailleurs un casse-tête pour les projets de taxe sur les transactions boursières. Les places de marché officielles pourraient faire les frais de ces mesures réglementaires alors que les équivalents de Turquoise en seraient exemptés.

Pression supplémentaire, les segments traditionnels des marchés officiels, et en particulier le NASDAQ, ont assisté à une forte réduction des introductions en Bourse ces dernières années. Ceci est d’autant plus vérifiable que les nouveaux entrants passent souvent par les nouveaux compartiments tels que l’AIM à Londres ou Alternext. Or, seul un petit nombre d’acteurs est actif sur ces compartiments. Les introductions s’apparentent souvent plus à une levée de fonds qu’à une activité de cotation proprement dite sur ces segments. Les valeurs cotées sur Alternext figurent régulièrement parmi les plus fortes baisses, notamment lorsque les investisseurs historiques des sociétés nouvellement cotées souhaitent liquider leurs positions.

L’accentuation du fardeau réglementaire sur les sociétés cotées dissuade les nouveaux entrants potentiels sur les compartiments principaux. Ceci explique la faible progression ou la stagnation du nombre de sociétés cotées (voir graphique ci-dessous). «Les entreprises familiales sont par ailleurs assez défiantes face à la cote: les
réactions des marchés et la dépendance financière qu’une cotation engendre les fait reculer» analyse Bruno Lemière. La crise a démontré toutefois que le recours à la dette pouvait être difficile. Le recours aux fonds propres ne signifie pas que la cote est incontournable : le boom des transactions OTC ou des placements privés répond à cette demande.



La cote : un risque de marginalisation

L’âge d’or des places de cotation semble désormais révolu et les marchés cotés sont appelés à se transformer. Le nerf de la guerre, pour les marchés boursiers, est l’information. La réduction des activités de recherche au sein des banques a structuré le marché entre courtiers régionaux spécialisés sur certains marchés et les grands opérateurs internationaux. «Ceci pose un problème de fiabilité de l’information », constate Bruno Lemière. «Les places boursières ont un rôle à jouer: celui de tiers de confiance pour les informations émises par les sociétés sur le marché». Il s’agit pour elles désormais de se positionner comme de véritables sociétés de services.

Michael Jensen avait annoncé l’éclipse de la société cotée comme modèle de référence dès 1989, dans un article qui avait fait date (1). La conséquence est que les marchés doivent désormais faire face à un univers concurrentiel qui va bien au-delà de leurs homologues dans d’autres pays. Désormais l’univers capitalistique des sociétés n’est plus séparé entre liquidité et illiquidité. La transformation qui est à l’oeuvre est de fait celle d’une gradation dans la liquidité offerte sur les titres, le private equity assumant d’ailleurs une partie croissante de ce rôle sur les petites et moyennes valeurs. Les places de marché vont devoir faire leur révolution culturelle et trouver leur place dans ce nouvel univers.

(1) Michael Jensen, Eclipse of the Public Corporation, Harvard Business Review (Septembre-Octobre, 1989)

Cyril Demaria
Passionné par la finance et l’innovation technologique, Cyril a développé une philosophie « hands on », comme analyste dans un fonds de capital-risque transatlantique à San Francisco et à Paris, puis grâce à ses expériences opérationnelles et en tant que fondateur de
Corporate Development Consulting , un cabinet de conseil en private equity. Il a contribué au développement de plusieurs jeunes pousses (Internet, télécommunications et logiciel). Cyril fut portfolio manager au sein du fonds de fonds d'un groupe d'assurance français, et est actuellement associate dans un fonds de fonds basé à Zürich.

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, d’Etudes Approfondies (DEA) en Géopolitique, d’Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en Droit Européen des Affaires, et d’HEC (spécialisation Entrepreneurs). Cyril est l'auteur de
Développement durable et finance (Maxima, 2004), le premier livre en français analysant le processus d'investissement selon des critères de développement durable. Il est aussi l'auteur de Introduction au private equity (Banque Editeur, 2006), et de "Profession business angel" (Banque Editeur, 2008).
 
Cyril Demaria
+41.79.813.86.49

Dimanche 28 Février 2010




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