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L’allocation des frais généraux : enjeux, risques et méthodes

L’allocation des frais généraux est un domaine du contrôle de gestion qui permet une grande créativité. Que ce soient les méthodes, les clés, le nombre de niveaux successifs de répartition, il est possible d’obtenir des combinaisons très variées pour répartir, déverser, saupoudrer, disséminer les frais des services généraux sur les services “opérationnels” ou d’autres cibles. Mais quel résultat pouvons-nous attendre d’une allocation de frais généraux, pourquoi procède-t-on à ces fastidieux traitements et avec quels risques ?


Laurent Allais
Laurent Allais
Les enjeux de l’allocation des frais généraux

Le résultat des allocations de frais généraux consiste dans une affectation d’une quote-part des coûts des services généraux (ou des coûts indirects, etc) vers leurs consommateurs internes supposés. Il s’agit par exemple des frais du siège, des services commerciaux, de l’informatique, de la R&D, etc.

Cette technique répond à de réels enjeux, et en particulier :

  • Maîtriser l’évolution des frais généraux en démontrant l’utilisation qui est faite des services généraux par les services “opérationnels”
  • Responsabiliser les managers des services “opérationnels” en affectant la part des frais généraux qu’ils consomment dans leur compte de résultat
  • Connaître la rentabilité réelle complète d’un service, d’une entité juridique ou encore d’un produit pour prendre des décision en tenant compte de tous les éléments

Si l’intention est louable, en réalité cette répartition ne se fait que par une certain approximation, s’agissant de coûts indirects, quelle que soit la méthode employée.

Par exemple, si le mètre carré utilisé par un service est une « clé » (une base de répartition) qui convient pour répartir les dépense de loyer, en est-il de même pour les dépenses d’électricité ? La consommation d’électricité est-elle réellement la même pour chaque service, chaque personne. Non, bien entendu, mais pour éviter d’entrer dans des méthodes complexes, on prendra en compte des approximations qui sont un bon compromis entre la réalité et les possibilités techniques.

Les approximations s’ajoutant les unes aux autres, en particulier dans le cas de cycles de répartition «en cascade» (et de surcroît sur la base de clés prévisionnelles), que pouvons-nous déduire du résultat obtenu ?

Au final, on aura tendance à juger les dépenses en isolant les frais alloués pour ne se concentrer que sur la partie des coûts directement affectée au centre de profit ou au produit (salaires, matières, etc). La partie indirecte ne figure sur le compte de résultat du centre que pour matérialiser l’existence de frais généraux, qu’il ne faut pas oublier. Mais si le responsable d’un centre de profit n’a aucun moyen d’action sur les frais alloués, est-il utile de juger de la performance de ce centre en tenant compte de ces frais ?

Le sujet des frais répartis, de leur méthode, de leur responsabilité, fait souvent l’objet de discussions et de contestations entre le responsable du centre et le contrôle de gestion qui les calcule. Il est vrai qu’un changement de méthode ou des variations dans les clés utilisées peuvent produire des effets paradoxaux.

Un exemple ? Imaginons qu’on fabrique 2 produits qui ont le même coût direct et des coûts d’amortissement machine répartis au prorata des quantités produites. Si on augmente la production du produit 1, ses coûts d’amortissement alloués vont augmenter. Ceux du produit 2, qui utilise la même machine, verra donc ce même coût baisser…alors qu’on en produit toujours la même quantité. Le produit 2 devient soudain plus rentable.

On le voit, le raisonnement sur des coûts répartis peuvent mener à des décisions erronées. Ce qui va déterminer l’utilisation de telle ou telle méthode est surtout le type de décision qu’on attend du résultat. Est-ce simplement une répartition « par principe» ou est-ce un outil de management ? Dans ce cas, quels moyens pouvons-nous mettre en œuvre pour y parvenir compte tenu des bénéfices attendus ?

LES METHODES D'ALLOCATION

Voici un exemple de méthodes souvent utilisées :

La contribution à couverture

Cette méthode consiste en fait à ne pas répartir. Puisque la répartition est toujours arbitraire et ne que son analyse repose sur la connaissance, d’un côté, du montant de frais répartis, et de l’autre, des clés de répartition, on en conclue que l’effort est excessif par rapport aux gains potentiels.

Dans ce cas les frais généraux sont analysés en tant que tels, et chaque centre, service, produit, vient contribuer à sa couverture. L’objectif pour chacun n’est donc pas de couvrir une part des frais généraux (et d’en dégager une marge) mais de dégager une marge directe dont l’objectif est fixé au budget. La somme des marges vient couvrir l’ensemble des frais généraux.

L’inconvénient de cette méthode est de laisser penser que la consommation de services généraux n’a aucun coût puisqu’elle n’affecte pas les résultats de chaque centre. Pour compenser, il faut donc l’accompagner d’indicateurs opérationnels sur ces sujets.

Répartition sur base de clés

C’est sans doute la méthode la plus utilisée. Elle consiste à répartir les coûts au prorata de clés (surface, quantités vendues, effectif, montant au budget…). Dans ce cas on peut répartir la totalité des coûts, ou simplement une partie pour « saupoudrer » chacun avec une partie des coûts.

Cette solution peut être utilisée en cascades : les coûts de la direction financière se répartissent dans les autres services centraux, qui se répartissent eux-mêmes sur les entités de production, dont les coûts se répartissent sur les produits. De même, on peut regrouper certains coût dans un « pool » qui se répartit selon une règle unique, ou bien utiliser des clés différentes selon les centres de coûts ou les natures de coûts d’origine.

La flexbilité de la méthode peut mener à des résultats difficiles à analyser et longs à obtenir. Au final, que l’on soit sur un outil informatique ou sur Excel, difficile de comprendre d’où vient à l’origine le coût alloué. Même si la succession des répartitions parait logique, il devient arbitraire de prendre la moindre décision à partir du résultat.

Par ailleurs, on peut utiliser des clés qui seront différentes au budget et au réel. Dans ce cas, c’est l’analyse d’écart qui devient impossible car il faut non seulement prendre en compte les variations des coûts d’origine mais aussi ceux des clés de répartition.

Dans ce cas, on évitera de toutes façons de changer de méthode en cours d’année, sauf à en choisir une beaucoup plus simple.

Le prix de l’inducteur

Plutôt que de répartir un pourcentage de coût au prorata d’une clé, on choisira dans cette méthode d’appliquer un prix fixe à l’inducteur. Ce prix peut être un référentiel (selon un benchmark), un prix budget ou, ce qui répond mieux à l’objectif de responsabilisation, à un prix « négocié » avec le responsable du centre de profit.

Par exemple, le taux horaire de l’intervention du service informatique, communiqué clairement et validé par les responsables de centre de profit s’applique au budget et au réel. Au total, un écart peut être constaté entre les coûts et les montants ainsi « refacturés » (sur-absorption ou sous-absorption) puisque les coûts totaux ne sont pas toujours répartis à 100%. Cet écart apporte une information intéressante sur les performances du service informatique. On pourrait bien entendu allouer cet écart au prorata d’une clé…et retrouver les inconvénients des méthodes citées plus haut.

Allocation d’un montant fixe

Pour faire encore plus simple, on peut simplement allouer un montant fixe. Souvent, ce montant est calculé à l’occasion du budget. Il peut être aussi discuté avec le responsable de centre de profit mais devient ensuite un objectif clair de couverture de frais généraux.

L’avantage de cette méthode est que si au cours de l’année les services généraux ne maîtrisent pas leurs coûts comme prévu, cela n’a pas d’impact sur les centres de profit. L’avantage réside aussi dans l’analyse des écarts et dans la simplicité des calculs tout au long de l’année.

L’inconvénient, là aussi, est que cette méthode ne dépend pas directement de l’usage qui est fait des services généraux par le centre de profit. Par exemple, si l’on recrute plus de personnes que prévu, la part du service des ressources humaines sera constante.

Calcul sur base d’un coefficient

Plutôt que de prendre les coûts d’un ou plusieurs services et de les répartir, cette méthode consiste à utiliser un coefficient. Par exemple, on va considérer quel le service central de facturation alloue ses coûts aux centres de profit en fonction de leur chiffre d’affaires.

Bien entendu, c’est toujours aussi faux : il vaudrait mieux prendre en compte le nombre de factures, pondéré avec le temps de relance, le nombre de lignes, etc, ce qui serait bien trop complexe.

Ce qui est intéressant ici est que nous sommes dans une démarche qui souligne les aspects « variables » de certaines dépenses selon la consommation qui en est faite par le centre de profit (bien que les coûts soient en réalité fixes -salaire, infrastructure, matériel- jusqu’à un certain seuil).

Le résultat final n’a pas de sens économique strict mais il permet de dégager des écarts que l’on peut comprendre, d’appliquer une règle simple et de propager une culture de coût complet.

Méthode ABC

La méthode ABC (Activity Based Costing) a eu son heure de gloire et est parfois utilisée pour calculer le coût effectif d’une activité. Le principe consiste à regrouper tous les coûts liés à une activité des services généraux (exemple : dépanner un utilisateur sur l’utilisation d’un logiciel) puis à les allouer sur les centres consommateurs en fonction des quantités effectivement consommées (heures de dépannage informatique) sur la base d’un prix standard, budget ou réel.

L’idée maîtresse de la méthode ABC est qu’il valait mieux allouer des coûts par activité que des coûts par services et par nature. Ainsi chacun pouvait comprendre clairement l’origine des coûts puisque il s’agissait d’une liste d’activités réelles et identifiables.

L’avantage est en effet de fournir une évaluation claire du coût et de sa signification.

Le premier inconvénient est que cela exige un projet relativement lourd sur les aspects fonctionnels (connaître les métiers, les activités, les inducteurs) puis sur les aspects techniques (avec l’emploi d’un logiciel spécialisé car Excel ne peut répondre à ce besoin).

L’autre concerne la construction des coûts par activité : en général la règle s’appuie sur une sélection de centres et de natures de coûts, qui peut se révéler arbitraire ou approximative. En conséquence on affiche un résultat final réputé fiable alors qu’en amont la méthode de calcul du coût par activité risque d’être aussi approximatif que les méthodes décrites ci-dessus.

Le dernier inconvénient, en raison de sa complexité, est l’évolution : faire évoluer la méthode consiste à mener un nouveau projet.

Cette méthode reste efficace quand elle est bien menée. Mais le projet doit être particulièrement rigoureux et tenir compte d’une exigence de transparence dans les calculs effectués de la sélection des coûts d’origine jusqu’au résultat final.

LES OUTILS INFORMATIQUES

Plusieurs types d’outils offrent des possibilités d’allocation de coûts, par des méthodes différentes. Citons en particulier : les ERP, les outils spécialisés en « costing » et les outils de pilotage de la performance (budget, prévisions, consolidation, analyse).

Certains critères seront pris en compte lors de la sélection d’un outil, pour répondre pleinement aux besoins :
La rapidité d’exécution

La rapidité d’exécution dépend de la complexité des calculs demandés : le volume de données traité, le nombre de dimensions, le nombre de traitements, le nombre de centres de profits imputés ou le nombre de produits, etc.

La généralisation des bases de données « in memory » permet heureusement d’avoir dans ce domaine des résultats de plus en plus honorables, et même du temps réel.

La traçabilité

L’absence de traçabilité est certainement le défaut le plus répandu dans les outils, où les calculs sont souvent effectués dans une « boite noire », dont il est difficile de connaître le détail des formules.

L’idéal est d’obtenir au final l’explication de l’origine des calculs sous une forme lisible : quelle donnée a été utilisée, quelle formule a été appliquée, quelle base de répartition a été utilisée. Dans ce cas, le montant de frais généraux alloué porte avec lui toutes les explications utiles pour se justifier auprès des responsables de centres.

La flexibilité

Comme tout ce qui a trait au contrôle de gestion, la flexibilité consiste à pouvoir changer une méthode, des clés, gérer des versions de budget ou de simulation alternatives, sans faire appel à des experts informatiques.

Excel est l’outil aujourd’hui le plus utilisé par les contrôleurs de gestion, en particulier en raison de sa souplesse dans la modélisation (formules de calcul) et ses capacités de mise en forme. On s’en passera plus volontiers si l’on peut garder assez de flexibilité et d’autonomie pour répondre rapidement aux demandes. Les bénéfices d’une solution spécialisée seront une plus grande robustesse, plus de sécurité, de performances accrues, un travail collaboratif, etc..

La flexibilité consiste aussi à pouvoir gérer des jeux de données différents (appelés des « versions »), dans lesquels les clés ou les méthodes pourront varier. Ceci rend possible la simulation et la conservation des historiques.

L’intégration des données

L’allocation de frais généraux est l’une des étapes de production du résultat et des rapports. Pour ce faire, l’outil doit pouvoir charger, par exemple, la comptabilité, les clés utilisées pour les allocations et les différentes versions de budget (si elles ne sont pas déjà créées dans l’outil).

De même, il doit pouvoir envoyer vers un outil tiers le résultat des calculs ainsi effectués.

Bien entendu, le fait de disposer d’une plateforme unique pour l’intégration, les calculs, le budget et le reporting, permet de gagner du temps dans le travail du contrôle de gestion. Dans ce cas, les données sont chargées, puis réparties. Le compte de résultat complet par centre de profit peut être analysé instantanément via les outils de reporting intégré.

Le reporting et l’analyse

Les résultats obtenus lors des calculs d’allocation doivent pouvoir être restitués envers toutes les personnes qui en ont l’usage. Plusieurs formats sont possibles : rapports dynamiques « naviguables » sur toutes les dimensions, états formatés dans Excel, tableaux de bord, requêtes libres par l’utilisateur, etc..

Dans tous les cas, les outils doivent fournir rapidement et sans compétences informatiques le résultat des allocations mais aussi les clés appliquées ou le détail des méthodes.

CONCLUSION

L’allocation des frais généraux peut répondre à des besoins de management et d’analyse de rentabilité. Ce doit être un juste compromis entre la précision et la rapidité, pour éviter de consommer beaucoup de ressources pour des décisions incohérentes.

La démarche d’allocation des frais généraux passe obligatoirement par le développement de la confiance. Confiance dans la méthode appliquée, dans sa pertinence pour aboutir aux objectifs recherchés, et confiance dans les systèmes. L’implication initiale de chacun, l’explication sur les résultats obtenus, l’information en libre-service, la « contractualisation » en interne des méthodes, la facilité d’utilisation des outils seront autant de moyens pour développer cette confiance.


Laurent ALLAIS
Directeur Général

www.alsight.fr

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Vendredi 29 Mai 2015




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