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L’ISR se transforme-t-il lorsqu’il s’applique à de nouvelles classes d’actif ?

Appliquer l’ISR en dehors des actifs mobiliers traditionnels (actions et dettes corporate) n’est-il pas une fausse bonne idée, relevant surtout de l’air du temps et/ou d’un souci hégémonique hors de propos ?


L’extension de la démarche ISR à de nouvelles classes d’actif est un fait incontestable. L’essentiel de l’augmentation des encours se proclamant ISR est venu, en 2009, des fonds monétaires. Simultanément, l’ISR se trouve aussi associé au Private equity, aux fonds d’infrastructures et, bien sûr, à l’immobilier. Au-delà des difficultés bien connues pour transformer ces intérêts de principe en réalité, en termes de collecte, se pose la question de la pertinence de cette généralisation. Appliquer l’ISR en dehors des actifs mobiliers traditionnels (actions et dettes corporate) n’est-il pas une fausse bonne idée, relevant surtout de l’air du temps et/ou d’un souci hégémonique hors de propos ?

Deux remarques préliminaires

La première remarque tient au caractère fondamentalement évolutif de la démarche ISR, à la fois dans son champ d’application, sa finalité et ses exigences, traduites notamment dans les processus de sélection. L’intuition, le militantisme, la rationalité économique, l’efficience des méthodes s’y côtoient dans des rapports changeants avec le temps.

La seconde relève du constat de la minceur des preuves empiriques de l’intérêt financier de la démarche pour les classes d’actifs traditionnelles (voire, en ce qui concerne les obligations et pour l’heure, de leur absence totale). Cette lacune rend illusoire toute tentative de promotion quantitative de l’ISR pour les classes nouvellement concernées, pour lesquelles il s’agira donc plus que jamais d’intuition et de conviction.

L’ISR immobilier : pourquoi ?

L’immobilier est évidemment concerné par la responsabilité sociale, à la fois en tant que composante essentielle de la vie sociale et constituant majeur du Bien Commun. Son statut d’actif à (très) long terme en fait en outre un sujet idéal de la relation durabilité/efficience qui supporte économiquement la RSE.

Quelques chiffres soulignent ces enjeux :
- L’immobilier consomme 36 % de l’énergie produite dans le monde.
- L’industrie du bâtiment rejette près de la moitié des déchets industriels.
- 60 % de la population mondiale vivront en zones urbaines en 2030 ;
- 23 mégapoles regroupent déjà près de 10 % de celle-ci.
- Le parc immobilier est ancien (60 % du parc français est antérieur à 1970) et se renouvelle très lentement (moins de 2 %) par an.

A travers ces données on voit que l’application de la démarche ISR à l’immobilier répond bien à ses trois motivations :
Accorder les pratiques de son mandataire aux valeurs fondamentales de l’investisseur. Agir au profit du Bien Commun, notamment dans sa composante transgénérationnelle.
Mettre en oeuvre l’intelligence économique à travers la recherche de signes précurseurs de performance future, en termes d’anticipation de l’internalisation des coûts cachés et de clairvoyance dans les arbitrages coût-bénéfice de long terme. En d’autres termes, le caractère purement extra-financier de la démarche s’estompe à mesure que les critères ESG sont intégrés dans le business model.

L’ISR immobilier : comment ?

Appliqué aux valeurs mobilières, l’ISR est, à l’origine, une méthode additionnelle de stock picking, appliquée aussi bien au terme d’un processus top-down qu’en tant que démarche purement Bottom-up. Au fil des années, et surtout du fait de la crise récente, la recherche de durabilité a pu être étendue à toutes les étapes de l’allocation top-down, comme filtre de la solidité des processus.

La transposition de ces principes à l’immobilier fait apparaître une dichotomie entre d’une part le quantifiable - ce qui relève de normes et de résultats mesurables et définit le "green building" - et d’autre part le non quantifiable - ce qui relève de l’attention aux stake-holders : comportement des entreprises de construction ; consommation de surface ; transports ; insertion dans les tissus urbains, économique, social, sportif, culturel ; conditions de fonctionnement ; relations bailleur-preneur, etc.

De ce fait, de la même façon que, dans les valeurs mobilières, on trouve beaucoup plus d’investisseurs convaincus de l’intérêt des fonds à thématique environnementale que de ceux appliquant l’ISR global, l’ISR immobilier va susciter nettement plus d’attrait lorsqu’il se limite à une démarche HQE que lorsqu’il intègre d’autres éléments de durabilité/responsabilité.

L’ISR immobilier : pour quels résultats ?

La dichotomie évoquée ci-dessus se retrouve lorsqu’on cherche à mettre en évidence les avantages coût-bénéfice de l’investissement immobilier ISR.
S’agissant du green-buiding et de tout ce qui relève de la qualité du bâtiment, la démonstration théorique - et déjà en partie prouvée empiriquement - est que le surcoût de construction va se trouver surcompensé par l’amélioration des cash flows ultérieurs, du fait de la performance énergétique, de l’élévation consécutive des loyers, de la diminution de la vacance, de coûts de rénovation moins élevés et pour finir de conditions de revente plus favorables, dans une logique d’éviction progressive des immeubles non conformes. Au total, le TRI ex-post sera largement amélioré, justifiant l’intérêt économique de la performance environnementale et énergétique du bâtiment.
Pour tout ce qui relève en revanche des autres composantes de la RSE, la démonstration relève de la simple intuition et sera difficile à étayer, preuves à l’appui, avant de longues années. Les bénéfices en termes de bien-être de l’occupant, de santé, de moindre absentéisme et de meilleure productivité peuvent ainsi être contestés comme pur angélisme. Et comment valoriser les effets de la nature de l’activité de l’occupant ou les actions en faveur de la mixité sociale ou de l’insertion économique ?

Conclusion

Pour quelles raisons l’investisseur en immobilier devrait-il s’intéresser à la qualité ISR globale de ses actifs ?
La première est que l’immobilier est réellement un actif de long terme (on parle ici de détention effective). Si, comme on vient de le dire, il n’est pas possible de démontrer l’apport bénéficiaire des éléments qualitatifs retenus, il est en revanche évident qu’aucun de ces critères pris séparément n’est porteur de contre-performance globale.
La seconde est que ces critères pris ensemble attestent au contraire d’un niveau de qualité globale. On peut alors tracer un parallèle entre la portée de ce signal et le crédit que l’on accorde désormais (en particulier du fait de la crise) à la gouvernance des firmes comme indicateur de leur performance future.

Jacques Ninet, Directeur de la recherche UFG-LFP

Lundi 18 Janvier 2010




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