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Garantir la traçabilité RSE et sécuriser l'acceptabilité sociétale le long de la Supply Chain

1. Du développement durable à la mise en place d’un système de management intégré de la responsabilité


Olivier Dubigeon
Olivier Dubigeon
Le développement socio-économique a généré depuis les trois derniers siècles à la fois un progrès technologique et social et des impasses écologiques, humaines et sociétales. Un nombre croissant d’acteurs parties prenantes des enjeux associés se mobilisent pour inventer une nouvelle voie, conciliant développement des sociétés et responsabilité sociale, sociétale et environnementale.

Le développement soutenable est une vision systémique. Sa réponse au niveau de l’entreprise, appelée RSE (responsabilité sociale, sociétale, environnementale, économique et gouvernance ), est avant tout un chemin d’apprentissage et d’amélioration continues, pas à pas.

L’enjeu de la RSE est désormais mondial, et de nouvelles règles du jeu s’élaborent globalement. S’affranchir de ce contexte est un risque d’exclusion.

L’attractivité, l’acceptabilité, et donc la prennité de l’entreprise dépendent donc de la viabilité des relations de « bon voisinage » qu’elle entretient avec son environnement au sens large (environnement humain, économique, technologique, écologique, territorial), qu’il soit local ou international.

Il n’y a pas de « meilleure » voie pour mettre en pratique une politique RSE en vue de développer la mission d’une organisation - qu’elle soit entreprise, collectivité territoriale, ou organisation syndicales, professionnelle, associative,… - et répondre à l’enjeu désormais critique d’un « développement soutenable ».

Au démarrage, l’organisation doit tout d’abord s’assurer qu’elle est conforme avec les réglementations existantes. Puis l’organisation, poussée par une surveillance accrue et par une demande croissante de transparence de la part de la société civile, élargit son périmètre de prise en compte des risques (particulièrement le risque sur le capital de réputation) : elle cherche à minimiser les risques en adoptant une approche de précaution. Enfin, l’introduction de la notion de « valeur d’utilité » transforme les processus – notamment de production - et aide l’organisation à éliminer une grande part des nouveaux risques sociétaux.

2. Intégrer une démarche RSE au cœur de la stratégie de l’entreprise

L’intégration d’une démarche RSE au cœur de la stratégie de l’entreprise et dans ses processus de pilotage constitue l’étape suivante : pour y parvenir, l’entreprise doit mettre en œuvre un système intégré de management permettant d’arbitrer en permanence les dilemmes entre création de valeur et contribution à un développement socio-économique soutenable, et donc de gérer les interfaces : par exemple management de la diversité, « éco-/ socio-efficience », facteurs de compétitivité économique, mobilité du personnel, ou équilibre territorial pour les populations locales….

Quatre processus permettent d’architecturer et de piloter une politique RSE. Chacun d’eux appelle une réelle professionnalistaion. Cette dernière nécessite de s’approprier les règles de base, les pièges et les facteurs clés de succès.

1. Construire un processus de décision assis sur une « bonne gouvernance » : une « bonne gouvernance », ancrée solidement dans la culture et le contexte de l’entreprise, permet à celle-ci de s’engager au plus au niveau et de prouver qu’elle réalise bien ses engagements tout en associant ses parties prenantes à la construction et à l’évaluation des décisions prises.

2. Dialoguer et se concerter avec ses parties prenantes : le dialogue et la concertation avec les parties prenantes – entreprises, riverains, collectivités territoriales, associations, ONG, agences de notation, médias, organisations internationales, gouvernement,… - permettent de qualifier les enjeux et les impacts, hiérarchiser les objectifs et les actions, et identifier les indicateurs et les voies d’évalutaion ; et donc d’enrichir la capacité de l’organisation à arbitrer ses dilemmes entre business et responsabilité.

3. Mesurer et évaluer les progrès – et reculs ! - : mesurer et évaluer les progrès et reculs permet d’abord aux managers de l’entreprise de connaître ses progrès et ses échecs sur cette voie. Puis de se préparer à rendre compte aux parties prenantes, dans un esprit de transparence et d’authenticité, sur les modalités de conduite de la responsabilité de l’organisation. Notons que la réponse ne saurait se réduire à compiler des indicateurs appartenant aux différents segments de performance, mais doit pouvoir qualifier des dimensions subjectives.

4. Intégrer les critères du développement durable dans le management au quotidien : professionnaliser la RSE permet d’actualiser le système de pilotage de l’organisation selon deux axes :
- les processus de management et de pilotage
- les pratiques professionnelles d’équipe

Prenons l’exemple du management de la supply chain.

3. Intégrer la RSE dans la supply chain : éco- et socio-éconception

Outre les critères traditionnels de qualité, de délai et de prix, un nombre croissant de consomm’acteurs, en quête de sens, sélectionne ses achats à partir de critères contribuant à un développement soutenable. Contrairement au passé, la tendance est plutôt aujourd’hui à privilégier des critères de discrimination positive telle le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, la garantie de conditions d’intégrité physique et morale des populations et des conditions de travail et de rémunération décentes pour les travailleurs, la responsabilité vis-à-vis de l’équilibre socio-économique et culturel des territoires locaux, la solidarité envers les populations les plus démunies, qu’elles résident dans les pays du Sud ou du Nord.

Les achats des organisations, privées et publiques, ont un impact significatif sur les éco-systèmes et les systèmes économiques, culturels, territoriaux, technologiques et sociaux locaux ou nationaux. La non-conformité sociale, sociétale ou environnementale d’un fournisseur risque aujourd’hui de se retourner contre le donneur d’ordre juridiquement, financièrement, et en termes de réputation.

Préserver l’environnement, assurer l’équité sociale, et maintenir une viabilité socio-économique sur les territoires d’où proviennent les matières premières qui composent les produits, autrement dit garantir un développement soutenable pour les générations actuelles et futures, constituent une responsabilité qui demande à être partagée pour pouvoir y parvenir.

Les entreprises ont pour responsabilité de concevoir et de préparer les produits qui répondent aux besoins des consommateurs. Par leur capacité à répondre à la double question de leur utilité (leurs clients ont envie/besoin d’acquérir leurs produits ou services) et de leur soutenabilité (minimiser les impacts sociaux, sociétaux, sociétaux « du berceau à la tombe »), elles sont donc placées au cœur des enjeux de développement soutenable.

Les Directions Achats deviennent un acteur central de cette mise en cohérence des conduites de responsabilité des fournisseurs avec les principes et les engagements de RSE adoptés par l’entreprise : elles participent à l’éco- et à la socio-conception du produit, travaillent de concert avec les techniciens, contribuent aux processus de veille technologique, d’innovation et de recherche-développement chez les fournisseurs afin de les introduire dans la conception du produit.

Rappelons qu’une démarche d’éco-et de socio-conception est une démarche volontaire qui consiste à intégrer des considérations environnementales, sociales et sociétales dans la conception des produits ou des services. C’est une démarche transversale et préventive qui permet de réduire à la source et de manière significative les impacts sur l'environnement, les personnes et les sociétés locales et de favoriser l'innovation par la réflexion qu'elle sollicite au niveau de la conception. Elle prend en compte l’ensemble du cycle de vie des produits, depuis l’extraction des matières premières jusqu’au traitement en fin de vie et permet ainsi d'avoir une vision globale du produit et de son coût. De plus, une réflexion est apportée sur les fonctions du produit et leur raison d'être.

Outre son engagement en faveur d’un développement soutenable, l’entreprise est aujourd’hui poussée par plusieurs leviers : la réglementation, la normalisation, la réduction de certains coûts de fabrication et de logistique grâce à l'optimisation des quantités de matières et d’énergie, es taxes et les coûts directement liés à l'environnement, la tendance croissante à l’internalisation des coûts environnementaux et sociétaux, le besoin de donner une valeur ajoutée au produit afin de faire face à la concurrence, les demandes des donneurs d'ordre, les attentes du marché comme de l'opinion publique et des groupes de pression qui demandent d'afficher une transparence sur la traçabilité RSE des produits.

4. Sécuriser l’acceptabilité de la supply chain : éco- et socio-évaluation

La démarche d’éco-et de socio-conception implique un changement des habitudes et des comportements, ainsi que l'acquisition de réflexes nouveaux, et doit s’appuyer également sur une démarche d’éco- et socio-évaluation.

Cette dernière permet alors :
- d’évaluer la réduction des coûts financiers, écologiques en étudiant le coût global de la démarche,
- de qualifier les réductions d’impacts négatifs et les croissances d’impacts positifs générés par la chaîne d’approvisionnement

L’objectif est de pouvoir démontrer la contribution positive à un développement soutenable auprès des parties prenantes impactées et de l’opinion : l’entreprise gagnera d’autant plus de valeur qu’elle aura réussi à constituer et renforcer son capital d’acceptabilité.

A la chaîne d’approvisionnement bien connue se supperpose désormais une chaîne d’acceptabilité. La vulnérabilité de cette chaîne d’acceptabilité est celle du maillon le plus faible le long de la chaîne. Le donneur d’ordre est l’acteur qui paie le plus cher une altération de son acceptabilité. Il a donc intérêt à sécuriser sa chaîne d’acceptabilité : la sécurisation de ce nouveau paramètre vient donc compléter – et élargir – sa responsabilité de sécuriser sa chaîne d’approvisionnement et ses paramètres classiques (qualité produits, qualité fournisseurs, prix).

Le donneur d’ordre et ses fournisseurs sont donc « dans le même bateau », puisqu’une atteinte à l’acceptabilité du premier se répercutera inévitablement sur le chiffre d’affaire du second, et un investissement pour sécuriser l’acceptabilité en amont de la chaîne par le fournisseur, risque de se répercuter à terme sur le coût d’achat du donneur d’ordre.

Ceci a un corrolaire : le donneur d’ordre ne peut réussir seul la sécurisation de l’acceptabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Pour y réussir, il doit apprendre à partager avec l’ensemble de ses fournisseurs d’approvisionnement (actuels et futurs) son engagement à favoriser un développement socio-économique soutenable et à intégrer une démarche RSE cohérente tout au long de la supply chain :
- comment ses fournisseurs et les produits ou matières premières qu’il achète impactent-ils les ressources renouvelables (eau, pétrole, biodiversité,…) ?
- sont-elles extraites dans des conditions de sécurité, de santé et de respect des droits humains et des éco-systèmes naturels ?
- préservent-elles la capacité des populations d’origine à se développer et leurs droits de propriété ?
- favorisent-elles des échanges plus équitables entre les acteurs et avec leurs territoires, grâce à une utilisation et une valorisation soutenables des ressources naturelles et des savoirs ancestraux, et la recherche d’un juste retour auprès des populations autochtones ?

5. Une démarche de progrès pour innover les réponses RSE

Pour honorer les demandes qui leur sont faites de la part de leurs consommateurs et de la société civile, et sécuriser ainsi leurs entreprises dans une globalisation en marche, fournisseurs et donneur d’ordre ne peuvent trouver seuls les solutions innovantes sur les matières premières, les produits, leurs processus au regard des dilemmes RSE.

Les enjeux dépassant chaque entreprise individuellement, et les dilemmes et les critères étant d’une nature nouvelle, ils doivent donc unir leurs efforts pour renforcer leur responsabilité globale et apprendre et à innover encore davantage.

Ceci a un corrolaire : les donneurs d’ordre sont appelés à favoriser la collaboration, l’échange, et le dialogue avec leurs fournisseurs.

Le coût économique d’un contrôle des critères RSE le long de la supply chain est prohibitif, qui plus est selon une approche Cycle de vie. Les donneurs d’ordre doivent donc compléter leur approche prescritive (contrôle qualité et prix de leurs fournisseurs, complétée par la mesure des critères RSE quantitatifs tels que : consommation de ressources, salaires pratiqués, répartition de la valeur ajoutée le long de la supply chain,…) par une approche collaborative sur les critères non quantifiables : perceptions des populations locales quant aux impacts sur leur développement socio-économique, ou à la soutenabilité générée par la valorisation de leurs ressources, ou à l’acceptabilité du mode de pilotage de la supply chain…

Celle-ci doit reposer sur un engagement partagé de progrès continu et d’innovation pour réduire les impacts sociaux, sociétaux, environnementaux et économiques négatifs et augmenter ceux positifs générés par leurs activités respectives.

Bien sûr, l’investissement d’une posture collaborative vise en premier chef les fournisseurs stratégiques, en vue de favoriser une économie d’inclusion. Une typologie des fournisseurs permet d’identifier les différents degrés de maturité RSE des fournisseurs : en retard, débutants, engagés, pionniers.

Celle-ci repose sur une démarche de :
- transparence mutuelle sur le pilotage et la trçabilité des critères RSE et leur vulnérabilité connue ou inconnue
- co-investissement sur les réponses à apporter au regard des vulnérabilités RSE connues ou inconnues
- dialogue avec les parties prenantes impactées par la supply chain ou qui impactent celle-ci

Cette ambition constitue un pacte d’association en tant que partenaires de la démarche RSE. Il vise à améliorer conjointement et respectivement professionnalisme et acceptabilité.

Ce pacte peut être formalisé sous forme d’un Protocole contractuel : il énonce donc les engagements d’ores et déjà pris par le donneur d’ordre, et invite ses fournisseurs à s’engager avec lui dans l’esprit de qualifier des matières premières, des produits ou service, et des processus responsables. Il invite ses Fournisseurs à adhérer aux principes évoqués par ce protocole et les partager avec lui, et à participer avec lui à :
- diminuer la pression que leur activité et leurs produits et services font peser sur les enjeux de développement durable
- s’engager à développer, en étroite relation avec le donneur d’ordre, de nouvelles matières premières, produits ou services répondant aux engagements de L’Oréal et aux nouvelles attentes des consommateurs et de la société civile
- apporter tout leur soutien possible au donneur d’ordre pour atteindre ses objectifs notamment en terme de traçabilité et qualité RSE
- progresser dans une qualité de partenariat avec le donneur d’ordre

Notons que l’esprit d’un tel Protocole diffère dans son essence d’un « code de bonne conduite » ou de « conditions générales d’achat », qui reflètent en géénral plutôt une posture prescritive, et qui revient à externaliser le pilotage des dilemmes entre compétitivité et responsabilité sur ses fournisseurs.

Afin de rendre réellement pragmatique la démarche RSE Achats, des outils simples à utiliser gagnent à être mis au point.

Inciter ses fournisseurs à développer un comportement socialement et environnementalement responsable ne peut réussir que si le donneur d’ordre s’engage le premier avec transparence, et associe ses fournisseurs à toutes les étapes clés de l’acte d’achat pour partager avec lui une posture collaborative et de dialogue multi-parties prenantes.

Olivier Dubigeon
Fondateur et dirigeant de Sustainway
Développement durable et leadership responsable

Jeudi 26 Novembre 2009




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