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Forte émulation anticorruption

Les Etats entrent en compétition dans le renforcement de leurs dispositifs contre les pratiques illégales d’entreprises sur leurs sols respectifs.


Forte émulation anticorruption
Le 1er juillet est entrée en vigueur au Royaume-Uni la loi anticorruption la plus draconienne du monde. L’UK Bribery Act dépasse à plusieurs égards le dispositif américain en la matière. Mais ce dernier se renforce, tandis que les juridictions du reste du monde s’alignent sur les normes très exigeantes mises en place dans le monde anglo-saxon.
«La sévérité et l’ambition de l’UK Bribery Act s’inscrit dans le cadre d’un lourd mouvement mondial de lutte contre la corruption, promis à un essor comparable à celui du droit de la concurrence depuis les années 1990», insiste Vincent Béglé, avocat au Barreau de Paris et au seindu cabinet Norton Rose à Londres, qui détaille pour L’Agefi les enjeux de cette nouvelle donne.

Comment l’UK Bribery Act a-tpris naissance?
En 2006, la presse britannique avait enquêté sur une affaire concernant BAE, du nom de ce groupe britannique qui avait conclu avec l’Arabie Saoudite une série de contrats de vente d’armements, pour une valeur de plus de 50 milliards d’euros. Des soupçons de corruption pesant, une enquête avait été démarrée par l’agence spécialisée – le Serious Fraud Office – mais le gouvernement de Tony Blair l’a enterrée, au nom de la sécurité nationale et de la préservation d’emplois au Royaume-Uni… L’opinion a été très critique – une forte majorité parlementaire a adopté ensuite un texte de loi – l’UK Bribery Act - à la fois novateur, par ses règles concernant les entreprises, strict, par ses amendes illimitées et très ambitieux, par son impact mondial.

Vous associez les nouvelles dispositions britanniques à la naissance d’un nouvel ordre réglementaire mondial.
Pouvez-vous étayer ce point de vue?

La gestation de ce mouvement remonte à 1977, lorsque les Etats- Unis ont adopté le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), une loi anticorruption à la portée internationale - interdisant aux entreprises, basées ou cotées aux Etats-Unis, toute forme de corruption de fonctionnaires à l’étranger. Les lourdes sanctions du FCPA ont déjà généré plusieurs milliards de dollars d’amendes. Cependant, une distorsion de concurrence est apparue au profit des entreprises non soumises au FCPA. Il fallait globaliser ces règles. Ainsi, en 1997, une Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption a été adoptée - alignant les législations de dizaines de pays sur ce point. L’application effective de ces règles minimales demeure toutefois inégale… L’arrivée de l’UK Bribery Act a galvanisé le mouvement, car ses effets sont mondiaux sur les entreprises - et introduit des obligations de prévention, plutôt que de la pure répression. Il n’est donc pas excessif de parler de nouvel ordre réglementaire mondial, car un très grand corpus de règles transnationales est en train d’émerger, à l’instar de l’essor connu par le droit de la concurrence depuis vingt ans. Ces réglementations – imposant de nouveaux efforts de conformité aux entreprises dans la lutte contre la corruption – se développent dans plusieurs pays.

A savoir...
En ce qui concerne l’interdiction de la corruption de fonctionnaires à l’étranger, la Chine vient d’adopter une nouvelle loi pénale. La Russie a récemment multiplié jusque par 100 le montant des amendes en matière de corruption. Ces deux pays étaient pourtant jusqu’ici peu pressés d’adopter ces mesures… De nombreux autres pays sont sur le point de les suivre. En ce qui concerne l’introduction d’obligations pour les entreprises dans la prévention de la corruption, l’Italie et désormais l’Espagne disposent de règles spécifiques. Quant Aux Etats-Unis, un projet vient d’être annoncé de moderniser le FCPA, pour le rehausser aux récents standards fixés par l’UK Bribery Act.

Comment expliquez-vous cette prise de conscience brutale de l’importance de réguler un sujet autrefois aussi tabou?
On peut invoquer deux motifs majeurs. Premièrement, les autorités publiques veulent réduire les coûts énormes de la corruption à l’échelle internationale, que la Banque Mondiale évalue à mille milliards de dollars annuellement. Sans compter les dégâts causés aux sociétés et aux démocraties, comme l’illustrent très clairement les révolutions du printemps arabe, rejetant une corruption endémique. Deuxièmement, l’arsenal pénal moderne peut générer des sanctions financières aux montants astronomiques. Ainsi, condamnée pour des pratiques corruptives, Siemens a récemment dû verser plus d’un milliard de dollars d’amendes au Trésor américain et aux autorités allemandes. Une nouvelle concurrence entre les autorités nationales est en train d’apparaître. Un consortium, qui a été condamné aux Etats-Unis à des centaines de millions de dollars pour corruption au Nigéria, a ensuite également été sanctionné d’une lourde amende par les autorités nigérianes.

Comment évaluez-vous la situation des entreprises suisses?
La Suisse dispose d’un cadre législatif et judiciaire des plus solides. Si le droit suisse prévoit pour les entreprises certaines incitations à mettre en place des procédures de prévention anticorruption, elles sont loin d’être aussi fortes que dans l’UK Bribery Act. Or c’est à ce sujet que le risque se situe dans la nouvelle loi britannique. Dans sa section 7, le UK Bribery Act introduit un délit de défaut de prévention de la corruption. Par cette disposition novatrice, une entreprise engage automatiquement sa responsabilité pénale lorsque l’une de ses personnes associées – tel un employé, une filiale ou un agent – est responsable d’actes de corruption, sauf si l’entreprise avait mis en oeuvre des procédures anticorruption adéquates.
Ce nouveau délit, qui concerne toute entreprise dans le monde ayant une activité au Royaume- Uni – un critère large et flou – est sanctionné d’une amende illimitée…
Il existe désormais une obligation de moyens renforcée à satisfaire en matière de lutte contre la corruption au sein des entreprises. Les entreprises concernées, suisses ou non, doivent impérativement préparer leur conformité - au regard des lignes directrices publiées par le gouvernement britannique. En commençant par un processus d’analyse détaillée des risques de corruption auxquels l’entreprise est confrontée. Ensuite, les procédures anticorruption devront être créées ou adaptées sur la base des résultats de cette analyse.

Quels sont les secteurs sensibles en Suisse vis-à-vis de la loi britannique?
Il existe différentes cartographies des risques par secteur d’activité. En Suisse, on peut citer celui des matières premières ou du négoce – de même que le shipping. Ces activités, qui sont malheureusement confrontées au quotidien à des sollicitations de pots-de-vin dans le monde, afin d’accélérer des procédures administratives ou douanières, risquent d’importantes sanctions au titre du UK Bribery Act. Le secteur pharmaceutique est parfois exposé à des risques en raison de son système de distribution ou de sa dépendance à des autorisations administratives.
Le secteur bancaire et assurantiel est mieux préparé, en raison de sa culture du contrôle interne - mais des risques demeurent, notamment en matière de courtage ou de leurs politiques en matière de cadeaux ou de divertissement.
Dans le secteur financier, les autorités britanniques ont annoncé leur volonté de responsabiliser les hedge funds en cas d’absence de conformité des entreprises qu’ils détiennent… L’essentiel, cependant, est de se familiariser avec ces règles, leurs risques et de commencer à se conformer à ce nouvel ordre réglementaire, de manière ordonnée et raisonnable, tant qu’il est encore temps.

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Mardi 19 Juillet 2011




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