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Faut-il restaurer la dette des pays périphériques (Grèce, Irlande, Portugal) ?

Au fur et à mesure où les diverses agences de notation (Moody’s, Standard &Poor’s, Fitch) dégradent la note des Etats de la zone euro fragilisés par leur endettement, les investisseurs s’interrogent de plus en plus sur l’éventualité d’une restructuration de leur dette.


Bernard Marois
Bernard Marois
Si l’on écarte le scénario d’une « répudiation » de la dette, évènement extrêmement rare et réservé à des situations historiques exceptionnelles (la plus fameuse étant le rejet des « emprunts russes » après la révolution bolchevique de 1917(1)), il reste de nombreuses façons de traiter une dette, pour l’alléger. On peut décréter un « moratoire » pendant lequel les intérêts ne sont pas versés aux créanciers, permettant ainsi au débiteur de rétablir ses finances, et on peut aussi accompagner ce moratoire d’une suspension du remboursement du principal.

En général, une restructuration de dette stricto sensu va jouer sur trois paramètres : la durée de l’emprunt, qui va être étendue (ainsi une dette de 5 ans va être consolidée sur 10 ou 20 ans) ; le taux d’intérêt versé qui peut être diminué ; le montant du capital à rembourser qui peut être aussi amputé d’une partie de sa valeur. Globalement, on sera en mesure de calculer l’équivalent réellement payé de cet emprunt : 50%,60%, 80% ou tout autre chiffre représentant en négatif la décote subie par le préteur (si le montant total récupéré est de 70%, cela signifie que la décote est de 30%).

A partir de là, il faut alors distinguer deux types d’emprunts : les emprunts bancaires et les emprunts obligataires. Dans le premier cas, il s’agit de prêts effectués par des banques à un Etat et la restructuration suppose des négociations entre des banques individuelles ou des syndicats bancaires et l’Etat emprunteur. Dans le cas d’emprunts obligataires, il s’agit de titres vendus sur le marché, donc auprès d’investisseurs multiples, qu’il faudra réunir dans le cas de négociations spécifiques, plus complexes car faisant l’objet d’un cadre juridique préétabli. Par ailleurs, les titres obligataires étant cotés en permanence, il est plus facile de connaître la « valeur de marché » de ces titres, donc de la dette, contrairement aux emprunts bancaires dont la décote potentielle est moins facile à appréhender.

Quelles sont les conséquences d’une restructuration ?

Pour l’emprunteur, c’est une bouffée d’oxygène momentanée, qui peut lui permettre de redresser sa situation économique. Encore faut-il qu’un plan de redressement sérieux soit mis en œuvre par le gouvernement de ce pays, sinon la situation ne fera qu’empirer. En effet, les investisseurs hésiteront à revenir, ayant été échaudés, et les marchés financiers se fermeront pour les Etats endettés, dont la restructuration ne se déroulerait pas dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne les créanciers, ils auront certes perdu de l’argent, à l’issue de la restructuration, mais moins que si l’Etat emprunteur était en cessation de paiement ou décrétait un moratoire. En outre, il existe des solutions innovantes qui permettent de sauvegarder l’essentiel : ainsi les « debt-equity swaps» permettent de troquer de la dette contre des participations dans des actifs locaux : le prêteur devient donc investisseur. C’est ce qui s’est passé dans certains pays (le Chili, par exemple), lors de la grande crise de l’endettement des pays d’Amérique Latine, dans les années 80.

La restructuration des dettes souveraines a dépassé plusieurs centaines de milliards de dollars. Les banques occidentales en ont souffert (passage de provisions pluri-annuelles, qui ont obéré les bénéfices réalisés) ; les Etats latino-américain ont connu de ce fait une croissance faible pendant une décennie, les marchés financiers leur étant fermés. On voit donc que les restructurations des dettes souveraines sont des opérations difficiles à mener, susceptibles de s’étaler dans le temps et perturbatrices pour les marchés. Quant à la Grèce et autres « PIGS », un des dangers d’une restructuration est « l’effet domino ».

Par exemple, les banques espagnoles ont beaucoup prêté au Portugal et une restructuration de la dette portugaise aurait des effets collatéraux négatifs sur ces banques, dont certaines sont déjà fragilisées par la crise immobilière espagnole. C’est donc une période indécise et dangereuse qui s’ouvrirait alors.

(1) Bien que ces fameux « emprunts » aient été finalement liquidés dans les années 80-90 par les Soviétiques, mais avec une forte perte de « pouvoir d’achat » pour les créanciers, compte -tenu de l’énorme décote qu’ils ont subie.

Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président Club Finance HEC

Mardi 3 Mai 2011




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