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ESPN et le footballeur à 142 millions

En regardant les papas qui, comme moi, attendent sur un banc que leur fils descende du toboggan jaune, je me demande quels sont leurs rêves. L’argent et la respectabilité sont des mesures universelles. Alors, quels sont les rêves d’aujourd’hui ? Footballeur, dans six cas sur dix au minimum.


David Laufer
David Laufer
Car ce qui descend des toboggans, la couche-culotte bien visible sous le bermuda, ce sont tous les noms des grands footballeurs du moment, floqués sur des jerseys où les couleurs criardes et satinées le disputent aux marques de téléviseur ou de téléphonie mobile. Parmi ces footballeurs en culotte courte, on voit beaucoup de Cristiano Ronaldo. C’est normal, Ronaldo venant d’acquérir le titre de joueur de football le plus cher de l’histoire avec son transfert du Manchester United au Real Madrid pour 142 millions de francs suisses.

Il est de bon ton pour un intello pantouflard de mon espèce de vomir sur tous les sportifs de haut niveau et de se moquer de leurs déclarations monosyllabiques. On les juge à l’aune d’un talent qu’ils n’ont évidemment pas la plupart du temps. Ce faisant on escamote leur fantastique combinaison de coordination, de puissance et de précision physiques, et leur capacité hors du commun à intégrer l’activité d’un groupe de coéquipiers et d’adversaires, à une vitesse folle et sous les hurlements d’une foule de dizaine de milliers de personnes. Bref, c’est ce qu’on appelle de l’intelligence dans son expression la plus nette, certainement bien plus nette que dans les cas trop nombreux de leurs confortables contempteurs. Ainsi les sommes déboursées par les clubs ne sont-elles pas totalement dénuées de réalité économique : on s’arrache celui qui a du talent et qui fera gagner son équipe. Et qui justifiera des tarifs publicitaires à sa mesure.

Mais voilà que les clubs de football, depuis quelques années déjà, ont entamé une course au transfert qui commence à sentir mauvais. Le site sportif ESPN révèle que la somme totale déboursée par le Real Madrid pour renflouer son écurie est désormais de 410 millions de francs. Et encore, on attend les chiffres des transferts de Villa, Maicon et Ibrahimovic, donc la machine à sous est loin d’être enrayée. Ronaldo déclarait récemment qu’il était fier d’être le footballeur le plus cher de l’histoire, après que Michel Platini, président de l’UEFA, se posait ouvertement la question de cette logique économique. Car ce qui est en train de se passer n’a plus grand rapport avec le sport, mais un rapport de plus en plus étroit avec une logique économique du court terme et totalement destructrice, pour le sport, pour le public, et pour les sportifs eux-mêmes qui se retrouvent multimillionnaires à vingt deux ans.

Il y avait autour de la ville de Mostar, en 1992-95, des bataillons d’artillerie serbe, croate et bosniaque. Et d’un ennemi à l’autre, on se louait les canons lorsqu’il en manquait. On allait même jusqu’à acheter les coups de canon. Un Serbe téléphonait à son ennemi croate et demandait : combien tu me fais pour un obus de 75 sur la position bosniaque à côté du pont ? S’en suivait un marchandage purement financier, puis un coup de canon. La population de Mostar, prise entre les belligérants, mourait lentement et vivait pour ses héros, tandis que ceux-ci se passaient tranquillement les canons et les obus, occupés seulement à se remplir les poches et à ne pas se faire tuer.

142 millions de francs, c’est cher payé pour un canon, même en or massif, même adulé par des millions de fans. Ronaldo s’efforce maintenant d’oublier dans une débauche de luxe et de luxure qu’il ne s’appartient plus à lui-même, qu’il est une marchandise, et qu’il a perdu absolument toute once de liberté. Il réfléchit certainement, du moins il devrait réfléchir à ce qui vient d’arriver à Michael Jackson, et à n’importe quelle mégastar dont la renommée est telle qu’elle nourrit une foule immense de parasites anonymes qui finissent par la tuer. A commencer par les dirigeants de clubs qui, comme les artilleurs de Mostar, se moquent bien de faire gagner ou perdre leur équipe, de satisfaire ou non leur public, tant que Sony et Deutsche Telekom crachent au bassinet.

David Laufer
Partenaire expert CFO-news
www.cfo-news.com/index.php?action=annuaire&subaction=enter&id_annuaire=17005


Mardi 14 Juillet 2009




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