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Doutes et Dilemmes des Dirigeants sur la RSE

Les difficultés et résistances généralement rencontrées par la RSE dans son ancrage au sein des organisations n’ont pas pour origines, comme on aimerait le penser ou l’entend dire, leur grande charge de travail, leur manque de ressources dont humaines, d’expertise, de visibilité économique, mais le manque de conviction de leurs dirigeants.


Constant Calvo
Constant Calvo
Ce manque de conviction des dirigeants est patent, palpable, tous les experts et études peuvent en témoigner.

Il semble que la plupart d’entre eux ne sait pas ce qu’il faut entendre par les termes et concepts de responsabilité, redevabilité, social ; ou est dans la confusion quand il s’agit d’établir une distinction – y en a-t-il une, et laquelle ? – entre social et sociétal.

On ne saurait donc s’étonner que nombre de dirigeants se contentent d’engager prudemment leurs organisations dans la mise en place d’actions symboliques, soit des aménagements dénommés «cosmétiques» par leurs détracteurs – communication, philanthropie, mécénat de compétences, marketing RH – car ils considèrent qu’ils ne changent rien dans leur manière de conduire l’éthique des affaires, lesquels aménagements trompent de moins en moins leur monde il va sans dire.

Comment les convaincre que la RSE n’est pas une charge nouvelle, un dossier supplémentaire à traiter qui s’ajoute à tant d’autres, susceptible d’alourdir de manière excessive la charge administrative des entreprises et le carcan des règlementations et obligations, mais un mode de gestion économique, un business modèle, qui tend à remplacer l’ancien ?

Et comment leur faire entendre que leur responsabilité – à l’aune des enjeux et objectifs du développement durable – n’est plus seulement juridique et morale, mais collective, qu’elle dépasse le cadre de l’entreprise?

Dans la mesure également où les organisations survivent aux crises externes parce qu’elles sont intimement liées à des systèmes économiques, sociaux et environnementaux, elles ont vis-à-vis de ces derniers des responsabilités.

On a coutume de dire que la RSE a gagné la bataille des idées. Soit. Elle a su imposer ses principes et valeurs. Elle occupe une place non négligeable dans la littérature d’entreprise, les travaux des chercheurs, l’enseignement supérieur, les médias, les maisons d’édition, les organisations non gouvernementales et syndicales, sans parler des cabinets d’experts et de consulting. Elle génère une activité économique et culturelle importante, suscite l’attention et l’intérêt des citoyens, passionne la jeunesse du monde.

Force est pourtant de constater que la RSE n’a pas à ce jour réussi à convaincre la grande majorité des dirigeants. Il existe un mur d’incompréhension, sinon une incompatibilité entre les attentes des tenants de la RSE, des parties prenantes, de la société civile, voire des États, et celles des dirigeants.

Selon le philosophe Francois Vallaeys ( « Les fondements éthiques de la Responsabilité Sociale » Université Paris-Est, 2011) qui cite Michel Capron « Construite à l’origine pour s’appliquer à l’individu, la notion de responsabilité, transposée au plan collectif, s’est donc retrouvée appliquée à l’entreprise, mais sans pour autant que le cadre conceptuel de l’application ait été revisité ; si bien que le débat est présent en permanence, notamment au plan international (par exemple à l’ISO) entre une approche individualiste (l’individu est seul responsable) et une approche collective (l’individu est un être social, soumis aux exigences de la société) » – (« La responsabilité sociale d’entreprise entre l’Un et le Multiple », in : Boidin B., Postel N.,Rousseau S. (éds.) La Responsabilité Sociale des Entreprises : une perspective institutionnaliste, Presses Universitaires du Septentrion, 2009) – les dirigeants sont confrontés à de nombreux dilemmes.

« Les dilemmes des entrepreneurs concernant le sens de la RSE ne sont pas seulement des hésitations stratégiques quant à la bonne gestion de leurs affaires, ce sont aussi des apories philosophiques quant à la définition de ce qu’est la responsabilité quand elle n’est plus personnelle ou juridique, des doutes sur ce qu’il faut entendre par « social », sur ce que signifie le devoir de soutenabilité. »

Et de faire état de 6 dilemmes des dirigeants, lesquels selon lui font obstacle à leur engagement :

Dilemme ontologique de la pertinence ou non de la notion de RSE ; Dilemme philosophique du sens de la responsabilité, s’il faut la comprendre plutôt comme libre engagement altruiste ou comme imputation et redevabilité sociale; Dilemme éthique du caractère volontaire ou obligatoire de la RSE ; dilemme stratégique du rôle à accorder aux parties prenantes vis-à-vis de l’entreprise; Dilemme politique de la conjugaison au singulier ou au pluriel de la RSE, comme « la » Responsabilité Sociale de « chaque » organisation, ou comme « notre » coresponsabilité commune à coordonner en réseaux ; Dilemme historique du devenir de la RSE comme changement radical du mode de production industriel ou comme correction à la marge.

Le rôle du philosophe étant de mettre à la question les citoyens et le pouvoir en place afin de faire émerger des idées et comportements centrés sur l’agir et le devoir de responsabilité collectifs, voire de porter la critique jusqu’à ces positions dominantes qui entravent les évolutions sociales, Francois Vallaeys assène des mots graves et sans concession :

« Il faut lever immédiatement l’ambiguïté qui a cours dans la communauté des chefs d’entreprises : nombre d’entre eux considèrent commodément que la RSE se résume à « l’esprit citoyen », à une sorte de « bienveillance sociale », consistant à bien faire son métier dans le respect des convenances et des règles du marché libéral avec une éthique verbale sinon réelle (le philanthro-capitalisme). Or, une entreprise peut être éthiquement et moralement responsable, c’est-à-dire respecter la loi, traiter convenablement ses salariés et ses partenaires locaux ; elle peut dégager une marge qui assure la couverture de ses engagements financiers et rémunérer convenablement ses actionnaires ; elle peut ne provoquer aucun dommage pour ses clients et répondre à leurs besoins au « juste prix » ; elle peut être honnête dans sa relation aux pouvoirs publics, et contribuer positivement au développement économique et social dans son environnement immédiat. Bref, elle peut être « responsable » sans pour autant être «durable».

La durabilité autrement dit la soutenabilité. Ce qui revient à dire que notre empreinte écologique globale dépasse les capacités et les ressources de notre planète. Nous sommes entrés dans la « société du risque ». Le philosophe sera-t-il entendu par les dirigeants ?

Constant Calvo, Directeur associé ADHERE RH
http://blog.adhere-rh.com

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Jeudi 18 Décembre 2014




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