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Donner un sens à la croissance

Les dirigeants politiques n’ont pas tous la même conception sémantique.


Donner un sens à la croissance
François Hollande, Angela Merkel, Wolfgang Schäuble, Mario Draghi, Christine Lagarde n’ont plus qu’un mot à la bouche: croissance. Mais parlent-ils de la même chose ? Rien n’est moins sûr. Pour le nouveau président français, la croissance consiste surtout à utiliser des financements publics européens (augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, utilisation des fonds structurels européens) pour lancer ou accélérer la mise en oeuvre de grands projets structurants, notamment en matière énergétique ou environnementale. Il espère ainsi mobiliser les Français, de plus en plus eurosceptiques, pour une grande cause européenne.

Pour la chancelière allemande, la croissance doit être durable. Elle résultera de réformes structurelles, entre autres sur le marché du travail, qui permettent à un pays d’être compétitif. Accroître les dettes publiques équivaudrait à aggraver la situation et à faire preuve de lâcheté politique puisqu’on chercherait à gagner du temps plutôt qu’à résoudre les problèmes.

Le ministre allemand des finances, tout en jugeant « légitime « l’idée d’une initiative pour la croissance, précise que par là il n’entend évidemment pas «la stimulation artificielle de la demande au moyen de dépenses budgétaires accrues».

Le président de la Banque centrale européenne met lui aussi l’accent sur la promotion de la croissance par l’offre, donc sur des réformes structurelles telles que la libéralisation des marchés du travail, la réforme des retraites ou la suppression des entraves au bon fonctionnement du marché intérieur européen. Ces réformes ne soulageraient pas seulement les finances publiques d’une manière économiquement sensée et durable, elles renforceraient également la compétitivité.

De passage à Zurich au début de ce mois, la directrice générale du Fonds monétaire international a reconnu devant les membres de l’Institut suisse de recherches internationales que le monde a un besoin urgent de plus de croissance. Cet objectif, juge-t-elle, est clairement réalisable pour autant qu’un dosage correct de mesures économiques et une combinaison appropriée de décisions politiques puissent être définis et appliqués.

La discipline budgétaire reste évidemment essentielle tant il est vrai que, selon ses calculs, le taux d’endettement moyen des pays industrialisés atteindra 109% du PIB l’année prochaine et sera donc proprement insupportable. Il est exact, reconnaît-elle, que faire des économies freine la croissance. Mais il faut, elle en est convaincue, apprendre à vivre avec ce frein. Une politique économique correctement calibrée et ancrée dans une stratégie crédible à moyen terme permet au moins, selon Christine Lagarde, de limiter les dégâts. En l’absence d’une telle stratégie, de nombreux pays seraient de toute façon obligés de procéder à des coupures inutilement douloureuses. La directrice générale du FMI plaide pour un assainissement pas à pas mais continu. Sa recette pour une croissance à moyen terme prévoit une réforme des marchés du travail, une libéralisation des secteurs protégés (transports, construction, services), donc un accès à ces marchés pour tout un chacun. Quant aux salaires, ils devraient de nouveau être adaptés à la productivité. Madame Lagarde espère que le nouveau gouvernement français s’inspirera du principe selon lequel croissance et stabilité sont étroitement liées. Toute l’Europe en profiterait par la même occasion. Il semble acquis à présent que le pacte budgétaire européen sera complété par un pacte de croissance. Reste à savoir ce que l’on mettra concrètement dans ce pacte.

Guillaume Klossa, président du think tank EuropaNova, a identifié quatre leviers qui devraient permettre à moyen terme (cinq ou dix ans) de débloquer la croissance européenne. Le premier levier est celui de l’innovation.

Le deuxième est celui du marché intérieur européen qui devrait devenir le camp de base des entreprises européennes. Or il reste une fiction pour beaucoup de secteurs et empêche les entreprises concernées de réaliser les économies d’échelle nécessaires pour rentabiliser l’innovation. L’achèvement du grand marché devrait être accompagné d’un New Deal social européen favorisant notamment la mobilité professionnelle.

Le troisième levier est celui de l’investissement dans les projets européens d’avenir. Pour financer ces projets, Guillaume Klossa imagine la création d’un Fonds européen de capitalrisque, le développement des fameux project bonds (obligations de projets) et un renforcement de la Banque européenne d’investissement.

Le quatrième levier, enfin, prévoit la création de bons du Trésor européen (eurobills) ayant une échéance inférieure à un an, pour permettre aux Etats de réduire les coûts de gestion de leur dette à court terme, sans pour autant leur enlever la responsabilité de gérer prudemment leur dette à long terme. Au total, il s’agit essentiellement de mobiliser des fonds d’origine publique, ce qui va dans le sens préconisé par le nouveau président de la République française.

Ces quatre leviers - qui ne se substituent pas à des actions au niveau national - feront-ils l’objet d’une large convergence d’intérêts entre les Européens? On sera fixé à ce sujet au plus tard à l’occasion du Conseil européen des 28 et 29 juin.

HENRI SCHWAMM
Université de Genève


L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Mardi 29 Mai 2012




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