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Délais de paiement : retour à la case départ ?

“ Il faut entendre que l’on doit se méfier d’une vérité lorsqu’elle se revendique d’une partie car c’est souvent le signe annonciateur de sa fausseté. ”
Le Baal Chem Tov


Le 11 avril 2011, dans un rapport sur la mise en œuvre de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale dresse un état des lieux des relations et des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (lire www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3322.pdf). Les auteurs, Catherine Vautrin et Jean Gaubert pousse la provocation jusqu’à s’interroger ouvertement à propos de l’avenir de la réforme des délais de paiement.

Chacun se souvient que l’impérieuse nécessité d’abaisser la durée des délais de paiement figurait parmi les objectifs poursuivis par la LME et indéniablement cette nouvelle réglementation a eu un impact positif sur la situation financière des fournisseurs - qui, dans un contexte marqué à la fois par une forte crise économique et par une raréfaction du crédit bancaire (“ credit crunch ”), ont pu gagner entre 15 et 40 jours de trésorerie en moyenne (Source : “ Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement ”, décembre 2009, page 9).

Malgré le succès des accords dérogatoires établis en matière de délais de paiement (trente-quatre décrets d’homologation) et le développement de pratiques propres à contourner les exigences législatives en matière de délais de paiement (“ stocks déportés ”, etc.), le bilan de la LME est plutôt positif pour la Commission des affaires économiques.

Toutefois, les rapporteurs s’inquiètent d’une double incertitude qui pèse sur les délais de paiement et qui pose très clairement la question de leur avenir. La première incertitude concerne la fin programmée des accords dérogatoires qui s’annoncent difficile notamment dans le secteur du bricolage (rotation extrêmement lente des stocks et des délais de paiement encore très élevés) ou dans les secteurs qui sont soumis à une forte saisonnalité comme, par exemple, le secteur du jardinage ou du jouet.

La seconde concerne paradoxalement la révision de la Directive européenne de juin 2000 dans le sens d’une meilleure harmonisation des règles relatives à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, la Commission européenne ayant fait une proposition de refonte de cette directive qui, après avoir fait l’objet d’un avis du Comité économique et social européen, a ensuite été discutée au sein de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen pour finalement être définitivement adoptée le 16 février 2011 (Voir Directive du Parlement européen et du Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (Refonte), Journal Officiel de l’Union européenne du 23 février 2011, L 48/1 s. Voir également : Avis du Comité économique et social européen du 17 décembre 2009 INT/483, Rapport du Parlement européen du 4 mai 2010 A7-0136/2010).

En effet, les rapporteurs de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale relève que l’article 3 – 5 de la nouvelle Directive dispose : i[“ Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas soixante jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7 [de ladite directive] ”.]i

Une rédaction qui ne manque pas de les inquiéter à juste titre : “ (…) Incontestablement, la LME a été en avance sur la directive communautaire en prévoyant, bien avant elle, l’introduction d’un délai de paiement de 60 jours à compter de l’émission de la facture. Or, sous pression notamment communautaire, la France a surtout souhaité, dans le cadre de la LME, raccourcir les délais de paiement : or, si les parties peuvent, ce que semble autoriser la lecture de la directive communautaire, convenir de délais supérieurs à 60 jours (“ à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat ”), on peut se demander si cela ne va pas à l’encontre des objectifs poursuivis au plan national. Connaissant les relations très fréquemment asymétriques entre acteurs économiques, vos rapporteurs sont plus que dubitatifs sur la capacité qu’aurait un petit fournisseur de s’opposer à une dérogation en matière de délais de paiement imposée par un distributeur, au risque de se voir déréférencer ou de se voir préférer un concurrent plus conciliant ”.

Ils poussent d’ailleurs le raisonnement un peu plus loin : “ (…) si la directive communautaire offre davantage de souplesse en matière de délais de paiement, quelle logique y a-t-il à obliger divers secteurs à mettre fin à leurs accords dérogatoires au 1er janvier 2012 ? Ne conviendrait-il pas d’autoriser la poursuite des accords dérogatoires jusqu’à ce que le Parlement transpose la directive communautaire concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales pour étudier, à cette occasion, la meilleure manière dont il convient de traiter ce sujet si crucial pour le bon fonctionnement de l’économie ”, tout en déplorant que le Gouvernement n’ait pas réfléchi à l’impact de cette harmonisation communautaire au plan national.

En matière de délais de paiement, la vérité est toujours en exil.

Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie
et du Centre National de la Sous-Traitance (CENAST)
t.charles@allize-plasturgie.com

Lundi 18 Avril 2011




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