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De la pontonnerie française

Un e-mail reçu d'un client étranger le 8 mai s'enquiert d'un travail en cours. Je suis au regret de lui expliquer que le prestataire responsable ne travaillera ni les mercredi 8 et jeudi 9 mai qui sont fériés, ni le vendredi 10 mai, parce qu'il sera fermé, faute de combattants. Sachant que mes interlocuteurs principaux n'étaient pas joignables le 7 mai pour cause de congés ou de RTT, vous tendez la verge pour vos futures fustigations : « too many holliday over there (1) ».


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
La polémique ayant récemment opposé un ministre a un CEO américain n'est pas bien loin. Et d'un point de vue macro-économique, le ministre a tort : le déficit persistant et d'ampleur de plus en plus démesurée de la balance commerciale traduit cette perte de compétitivité. Créer plus de richesse en travaillant plus n'est pas une idée stupide, après tout.

Un premier ministre avait naguère tenté de « supprimer » le lundi de Pentecôte pour en faire une journée de solidarité qui, une fois travaillée, contribuerait au redressement des comptes publics. Après passage au travers de la moulinette paritaire, cette idée s'est diluée dans une espèce de bouillie informe où les entreprises et organisations conservent à ce lundi son caractère férié ou non, au petit bonheur la chance : du n'importe quoi !

Un souvenir du début de ma vie professionnelle : lorsque nous étaient distribués les agendas et plannings de la nouvelle année, les employés se précipitaient sur le mois de mai pour l'optimiser : en clair, maximiser les jours non-travaillés tout en consommant le minimum de jours de congés, organiser ses ponts et ses viaducs. Et à l'époque, les RTT n'existaient pas !

Les jours fériés ne sont pas inutiles, mais sont-ils tous légitimes ? Petite revue de détail des jours fériés laïques qui n'engage que moi … Si ministres et parlementaires veulent s'en inspirer pour tailler en pièce ce généreux calendrier qui fait s'esbaudir et se gausser les anglo-saxons si prompts à dénigrer ces spécificités françaises qui font notre ineffable charme … (et nos abyssaux déficits ?)

1er. janvier, jour de l'An : je n'ai pas une grande sympathie pour ce jour férié. Que le cycle annuel dusse avoir un début, oui, bien sûr. Que par convention, ce soit le 1° Janvier, pourquoi pas ? Janus est un dieu sympa avec ses deux visages opposés qui contemplent simultanément avenir et passé, mais je n'ai pas une suffisante dévotion à son endroit pour me réjouir de cet événement calendaire et justifier d'une fête à tout casser que je trouve parfois démesurée. Par ailleurs, la proximité de Noël en fait une sorte de redondance.

1er. mai, fête du Travail : j'ai toujours trouvé paradoxal de ne pas travailler pour la fête du travail, mais après tout, un jour férié est supposé être chômé. Je n'ai pas de problème avec le principe de fêter le travail mais je suis parfois gêné par cette « captation » de la valeur travail par certaines organisations, comme si les syndicats et certains partis disposaient d'un droit « divin » de préemption, comme si les détenteurs de capitaux ne travaillaient pas eux aussi ! Ma seule critique vis à vis du 1° mai est que d'autres pays fêtent la même chose à une autre date : ne serait-il pas opportun d'avoir une et une seule date acceptée partout ? J'aime bien l'aspect pratique des anglo-saxons : le 1er. lundi de mai ou de septembre permet d'avoir un week-end plus long sans déstructurer une semaine de travail.

8 mai, victoire 1945 : la fin d'un conflit est a priori une bonne date, mais cette date-ci présente quelques inconvénients : 1) elle est proche de la fête du travail ; 2) elle est fausse à double titre car la seconde guerre mondiale s'est terminée avec la capitulation Japonaise le 15 août 1945, et la capitulation allemande de 1945 a eu lieu le 7 mai à Reims, mais comme le petit père des peuples exigeait que ce soit à Berlin, il a été décidé de réitérer cette capitulation le lendemain, pour avoir une photo de famille au complet et au bon endroit ; 3) le 8 mai 1945, c'est aussi Sétif et la répression sanglante qui s'en est suivie, témoignage de l'ingratitude d'une métropole pourtant libérée par des troupes principalement anglo-américaines, mais où la grande majorité des troupes françaises étaient composées de ces « indigènes » réprimés à Sétif, et de pied-noirs.

14 juillet, fête nationale, prise de la Bastille : Il faut bien une fête nationale, mais je n'idolâtre pas la Révolution Française, et tente avec mes modeste moyens de réfuter le « révisionnisme d’Épinal institutionnel » qui pare cette révolution de qualité qu'elle n'a pas. Pour faire simple et court : 1) les bourgeois avaient le pouvoir économique, ils ont obtenu le pouvoir politique, le peuple n'a rien gagné dans l'affaire ; 2) la Bastille était quasi-vide le 14 Juillet 1789, comme symbole de l'absolutisme répressif à dose massive de lettre de cachet, il est possible de faire plus expressif ; 3) la guerre civile qui est indissociable de la révolution a été d'une sauvagerie terrible. Non, j'irai puiser ailleurs que dans la Révolution Française pour y trouver une fête nationale : la bataille de Gergovie (2), le baptême de Clovis (bien qu'il fût Belge) (3), le sacre de Charlemagne (mais il était Européen) ou celui de Philippe Auguste (4), l'invasion de l'Angleterre par Guillaume dit le Bâtard (promptement rebaptisé en « le Conquérant ») (5), la fin de la guerre de 100 ans (6), la Messe que Paris valait bien (7), le traité de Westphalie qui nous concerne (8), ou encore la naissance de Léon Zitrone (9). Cette liste est subjective et non exhaustive, il peut se trouver des personnes qui pencheront pour d'autres dates, l'important est d'en choisir une bien consensuelle !

11 novembre, armistice 1918 : La fin de la « grande guerre ». La fin d'un conflit est derechef un événement intrinsèquement heureux, et la première guerre mondiale avait profondément meurtri l'Europe. Bon candidat, donc, mais là encore l'histoire nous fait un double pied de nez : d'une part cette armistice est venue trop tôt pour que l'Empire Allemand soit objectivement dans une situation de défaite militaire (10), et d'autre part l'intransigeance française lors de la paix de Versailles en 1919 a nourri le ressentiment allemand dont s'est repu le Nazisme. Ce sont indubitablement des facteurs ayant contribué à la seconde guerre mondiale.

Les jours fériés issus du calendrier catholique doivent-ils être exempts de ce genre de revue de détail ? Non, la France est un état laïque, mais je suis en tant que catholique de parti pris. Maintenant les efforts doivent être partagés par tous, et pourquoi s'exonérer de cette analyse?

Lundi de Pâques : la vraie fête, c'est Pâques, un dimanche, et pas le lundi d'après. Par contre, le Vendredi Saint est un jour où les bourses sont fermées, mais qui n'est pas férié. Ne serait-il pas plus simple de swapper le Lundi de Pâques avec le Vendredi Saint ?

L’ Ascension : toujours un jeudi, et donc un grand classique des ponts du mois de mai. Une fête importante pour les chrétiens.

Lundi de Pentecôte : aucun intérêt, la fête importante c'est le dimanche, jour non-travaillé : à supprimer pour tout le monde sans autre forme de procès.

L’Assomption : mes ancêtres luthériens ne s'offusqueraient pas de son éventuelle disparition. Moi non plus.

La Toussaint : là encore mes racines luthériennes font que je suis moins attaché à cette fête qui, en outre, aurait recyclé la fête celtique de Samain et peut donc être suspectée de paganisme latent.

Noël : pas touche ! Des aspects consuméristes à outrance me rebutent dans ces hordes de Saint Nicolas métamorphosés en Père Noël, mais c'est une fête chrétienne majeure qu'il convient de conserver intacte !

Ayant bravement décimé les jours fériés, au moins dans mes élucubrations scripturales, j'ai le sentiment d'avoir contribué au redressement économique de mon pays et de ses comptes publics. J'espère que la nation saura se montrer reconnaissante pour cette tentative de dislocation de la pontonnerie française ! A ceux qui souhaiteraient rétorquer que le chômage est d'un tel niveau en France que toute occasion de non-travail pour les nantis d'un emploi prive les chômeurs d'une opportunité de travailler, je les invite à lire ou à relire l'article de François Meunier sur le partage du travail (11).

(1) trop de congés chez vous !
(2) La date de la bataille de Gergovie est-elle connue précisément ? Je ne l'ai pas trouvée.
(3) Baptême de Clovis : 25 décembre 498
(4) Charlemagne : 25 décembre 800 ; Philippe Auguste : 1er. novembre 1179
(5) 28 septembre 1066, débarquement dans le Sussex
(6) 17 juillet 1453, bataille de Castillon
(7) 25 juillet 1593, date incertaine
(8) 24 octobre 1648, traité de Münster
(9) 25 novembre 1914
(10) même si celle-ci pouvait être considérée comme inéluctable
(11) dfcg-blog.org/2010/09/07/sur-la-retraite-ouvriers-de-la-36eme-heure-ouvriers-de-la-61eme-annee/


Mardi 14 Mai 2013




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