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De la nécessaire clarté des clauses compromissoires

Le 25 octobre 2010, le Tribunal Fédéral Suisse a rendu une décision dans une affaire opposant une société helvétique, ISC Holding AG (« ISC »), et une société néerlandaise, Nobel Biocare Investments NV. Il était ici question de l’interprétation et de l’application d’une clause compromissoire dite « pathologique », à savoir une clause dont la rédaction maladroite ne permet pas de déterminer la volonté commune des parties.


En l’espèce, ISC et Nobel ont conclu un contrat contenant une clause compromissoire rédigée comme suit :

« in the event of disputes […] the parties agree in advance to have the dispute submitted to binding arbitration through The American Arbitration Association or to any other US Court. […] The arbitration shall be conducted based upon the Rules and Regulations of the International Chamber of Commerce ».

Afin de résoudre le litige né entre les parties au sujet d’une fraude alléguée, ISC entama en juillet 2008 une procédure d’arbitrage auprès de l’American Arbitration Association de New York. Cependant, le centre d’arbitrage newyorkais refusa de traiter cette affaire, considérant que ses règles étaient incompatibles avec celles du Règlement de la Chambre de Commerce Internationale sensées régir la procédure d’arbitrage selon le contrat.

En décembre 2008, ISC décida alors de soumettre l’affaire à l’US District Court de New-York afin de forcer l’exécution de la clause compromissoire. La société suisse faisait valoir qu’en vertu de cette clause, le litige pouvait être soumis à l’American Arbitration Association ou à n’importe quelle autre juridiction américaine. Cependant, la Cour fédérale rejeta cette demande en avril 2009. Selon elle, il n’était pas clair que l’expression « any other US Court » signifiait tout tribunal arbitral autre que l’American Arbitration Association ou toute juridiction autre qu’un tribunal arbitral.

Saisie quelques jours plus tard, la Cour d’appel estima que la rédaction de la clause d’arbitrage était ambigüe. Partant, elle conditionna l’application effective de cette clause à un accord des parties permettant de clarifier les règles régissant l’arbitrage. ISC et Nobel n’étant pas parvenues à trouver un accord, la Cour d’appel confirma la décision des juges de première instance.

Parallèlement, en janvier 2009, un litige relatif à la même affaire fut porté devant le tribunal du canton de Zurich par Nobel. Le tribunal ayant rejeté la défense d’ISC, celle-ci fit appel. La Cour d’appel confirma la décision du tribunal cantonal. Finalement, ISC porta l’affaire devant le Tribunal Fédéral suisse, qui a rendu la décision, ici présentée, en octobre 2010.

Dans sa décision, le Tribunal Fédéral donne des indications intéressantes quant à l’interprétation des clauses d’arbitrage :

- Tout d’abord, le Tribunal Fédéral fonde sa décision sur la Convention de New York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l’application des décisions arbitrales étrangères, puisque les parties avaient convenu que l’arbitrage se déroulerait, le cas échéant, aux Etats-Unis et non en Suisse. En outre, les parties n’ayant pas précisé la loi régissant la clause compromissoire, la question de la validité de ladite clause serait décidée selon le droit suisse.
- Par ailleurs, le Tribunal souligne que quand bien même la clause serait suffisamment claire sur l’intention des parties de choisir l’arbitrage à l’exclusion des tribunaux étatiques, il resterait à déterminer quel tribunal arbitral serait compétent pour trancher le litige.
- Le Tribunal Fédéral souligne qu’une clause compromissoire ne peut être interprétée sans tenir compte de l’importance et des conséquences qu’entrainent le choix de l’arbitrage pour les parties à un contrat et ce, en raison du coût élevé de l’arbitrage par rapport aux procédures portées devant les juridictions étatiques, ainsi que des limites des sentences arbitrales quant aux mesures prononcées et à leur exécution effective.
- Enfin, les juges rappellent qu’une clause compromissoire valable doit nécessairement manifester de façon claire et non ambiguë l’intention des parties de renoncer aux tribunaux nationaux, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, si elle ne désigne pas explicitement un tribunal arbitral, la clause doit, au minimum, permettre de le déterminer.

Cette affaire souligne à nouveau l’importance de la rédaction de clauses claires et intelligibles et de l’attention qui doit y être apportée et ce, même lorsqu’il s’agit de rédiger une clause réputée à tort « standard », telle que la clause compromissoire.

Afin d’éviter les difficultés rencontrées par Nobel et ISC, les parties à une convention doivent s’assurer que leur intention de compromettre ainsi que les modalités de l’arbitrage y sont exprimées précisément et sans aucune ambiguïté.

NB de Christian Hausmann
On ne répétera jamais assez souvent que la rédaction de clauses de droit applicable et de résolution des litiges dans un contexte international est affaire de spécialistes, dont l’intervention garantit non seulement le choix d’un droit adapté aux circonstances et aux intérêts des parties ou tout au moins du client, mais aussi leur efficacité. Au-delà de cette efficacité immédiate, le juriste spécialisé ne manquera pas d’éclairer son client sur les inconvénients de la solution préconisée et les difficultés éventuelles d’exécution de la décision de justice, qu’elle soit arbitrale ou rendue par un tribunal étatique.

La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris
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Lundi 30 Mai 2011




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