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Crédit impôt recherche : la martingale ?

« Il avait inventé un système pour faire sauter la banque à Monte Carlo qui poussait la direction à sortir les guirlandes et à sonner le carillon dès qu’il était en vue ». P.G. Wodehouse


Thierry Charles
Thierry Charles
Selon le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, la mesure fiscale du crédit impôt recherche (CIR), créé en 1983, coutera 4 milliards d’euros à l’Etat en 2010, un montant qui a doublé en quelques années (son coût a bondi d’1,5 Mds € en 2008 à 5,8 Mds € en 2009).

C’est un dispositif performant, auquel nous devons sans doute le maintien de l’effort de recherche des entreprises et notamment des PME pendant la crise. Depuis le 1er janvier 2008, le crédit d’impôt recherche consiste en un crédit d'impôt de 30% des dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros et 5% au-delà de ce montant. Les entreprises entrant pour la première fois dans le dispositif bénéficient d'un taux de 50% la première année puis de 40% la deuxième année.

Si certains analystes dénoncent un effet d’aubaine (« Le cash du siècle », titrait non sans provocation Diane Dupre la Tour dans le magazine « Acteurs de l’économie » de mars 2010), chacun est en mesure de constater qu’il ne peut y avoir d’industrie compétitive sans une stratégie globale en faveur de l’innovation, d’autant que la politique de soutien de l’effort de recherche des entreprises privées s’inscrit dans le processus de Lisbonne au niveau européen.

Certes, la part trop grande des institutions financières parmi les bénéficiaires (secteurs de l’assistance aux entreprises, des services financiers et de l’assurance) dénoncée par le « Conseil des prélèvements obligatoires » de la Cour des comptes dans son dernier rapport du 7 octobre 2009, ne manque pas de surprendre, alors même que ce sont les entreprises industrielles qui portent l’essentiel de la recherche privée en France.

Le rapport épingle en effet le CIR dans les termes suivants : « La réforme du CIR constitue une baisse, qui peut être qualifiée de déguisée, du taux normal de l’impôt sur les sociétés de l’ordre de 2 à 3 points et est ciblée de fait sur les grandes entreprises qui effectuent des dépenses de Recherche & Développement. Elle peut dès lors constituer un effet d’aubaine pour ces entreprises et favoriser des activités de R & D moins innovantes que celles menées par certaines PME, qui craignent moins de remettre en cause leurs marchés historiques (…). Cette réforme est par ailleurs de nature défensive puisqu’elle vise à ralentir la baisse de la dépense privée de R&D, qui est déjà inférieur à celle des autres pays de l’OCDE, et la délocalisation des centres de R&D en France. Une évaluation des effets du nouveau CIR s’avère donc nécessaire ». (voir page 14 de la synthèse sur les « prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée » : phttp://www.ccomptes.fr/fr/CPO/documents/divers/Synthese-prelevements-obligatoires-entreprises.pdf ).

Ainsi, certains dénoncent une subvention déguisée à l’industrie, d’autant que dans le cadre du plan de relance de l'économie, l'article 95 de la loi n° 2008- 1443 de finances rectificative pour 2008 instaurait un régime temporaire de restitution immédiate des créances de CIR calculés au titre des années 2005 à 2008, une mesure reconduite en 2010 afin d’éviter aux entreprises fragilisées par la crise des ruptures de trésorerie.

Alors que les Etats Généraux de l’Industrie ont proposé la création d’un crédit d’impôt innovation, distinct du CIR, et dont l’assiette serait constituée par les dépenses de conception technique d’un nouveau produit ou service aboutissant à la réalisation d’un prototype, incluant le design, il reste à promouvoir le dispositif auprès des PME qui craignent encore trop souvent un contrôle fiscal (possibilité d’utiliser néanmoins la procédure de rescrit fiscal).

En effet, l’administration se fonde sur un certain nombre de critères, pour la plupart inspirés du « Manuel de Frascati », publié par l’OCDE, or dans de très nombreuses situations, ces critères ne permettent pas de trancher sans ambiguïté et il est fréquent que l’éligibilité d’une dépense de R&D soit discutable, en fonction de l’interprétation que l’on fait des textes.

Rappelons ici que selon ledit manuel, le critère qui permet de distinguer la R&D des activités connexes est l’existence, au sein de la R&D, d’un élément de nouveauté non négligeable et la dissipation d’une incertitude scientifique et/ou technologique, autrement dit lorsque la solution d’un problème n’apparaît pas évidente à quelqu’un qui est parfaitement au fait de l’ensemble des connaissances et techniques de base couramment utilisées dans le secteur considéré.

Reste que si une évaluation s’impose, selon Louis Gallois (in contribution aux travaux du Comité national des Etats Généraux de l’Industrie du 5 janvier 2010) : «… supprimer cet outil serait une erreur. Il conviendrait peut-être de l’améliorer sur certains points : concentration sur l’industrie, déplafonnement au moins partiel, éligibilités de certaines dépenses d’innovation, etc. »

En conclusion, si la France souhaite enfin engager la « stratégie de Lisbonne », fixée en mars 2000 par le Conseil européenne qui avait assigné à l’Union européenne, l’ambition de devenir à l’horizon 2010 « l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde » (sic !) en franchissant la frontière technologique qui nous sépare de « l’économie de la connaissance » (objectif du 3% du PIB à atteindre dans la recherche et l’innovation), tout reste encore à faire dix ans après.

Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie
t.charles@allize-plasturgie.com

Lundi 15 Mars 2010




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