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Compensation de créances connexes : qui se ressemble ne s'assemble pas toujours !

La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 18 décembre 2012, précise que la compensation de créances ne peut jouer qu'entre des créances connexes nées d'un même contrat. Cette connexité est absente entre une créance indemnitaire consécutive à la rupture brutale d'un contrat et la créance de factures impayées résultant du même contrat.


Philippe Touzet
Philippe Touzet
La société V a conclu, avec la société S, un contrat d'approvisionnement exclusif, d'une durée de 3 ans, avec tacite reconduction. Le 19 juillet 2005, la société S notifie la résiliation du contrat à la société V et l'assigne en paiement, pour des factures impayées s'élevant à une somme de 214.237,83 euros.

La société V est soumise à une procédure de redressement et le représentant des créanciers ainsi que le commissaire à l'exécution du plan engagent une action en responsabilité à l'encontre de la société S pour pratiques discriminatoires et rupture brutale de relation commerciale établie, au terme de laquelle la société S est condamnée au paiement d'une somme de 118.000 euros.

La société S tente alors de se prévaloir du mécanisme de compensation devant jouer entre sa créance, au titre des factures impayées et sa dette, au titre de la condamnation sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle.

Elle invoque le fait que sa créance tout comme sa dette sont relatives au contrat d'approvisionnement exclusif et peuvent à ce titre être considérées comme ayant un lien de connexité, justifiant une compensation entre les deux.

Les juges montpelliérains ne l'entendent pas ainsi. Ils estiment en effet que "la créance de la société S au titre des factures impayées découlait du contrat d'approvisionnement exclusif, cependant celle de la société V résultait de la faute quasi-délictuelle de la société S" et qu'en conséquence, "en l'absence de connexité entre les deux créances, il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de compensation sollicitée".

La Cour de cassation reprend cette analyse à son compte, en rejetant le pourvoi et en condamnant donc la société S à payer l'intégralité de sa condamnation, sans pouvoir se prévaloir d'une quelconque compensation, alors même que sa dette à l'encontre de la société V, en procédure collective, ne serait probablement jamais honorée.

Cette solution est conforme à la position déjà entérinée par la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 16 mai 2000 (Cass, Civ. 1ere, 16 mai 2000, n° 97-16628) par lequel elle a rejeté la demande de compensation entre une créance contractuelle et une créance délictuelle. Cette nouvelle décision vient conforter cette jurisprudence, en l'étendant aux créances quasi-délictuelles.

Si l'on considère que le caractère connexe des obligations est généralement défini comme des obligations réciproques dérivant d'un même contrat, deux lectures de cette décision peuvent être retenues.

La première consiste à adopter une vision très souple de l'exigence de source commune des créances: les deux obligations en cause dérivent bien du même contrat, en ce sens que la condamnation de la société S est une conséquence de la rupture du contrat d'approvisionnement, support des factures impayées. D'ailleurs, le mécanisme de compensation légale tel qu'envisagé dans le Code civil ne pose aucune exigence relative à la nature des créances à compenser.

La seconde approche est plus rigoureuse. En considérant que le mécanisme de compensation de créances connexes est une notion spécifique aux procédures collectives, une ou plusieurs conditions, non exigées par les règles du droit civil, notamment celle relative à la nature des créances en cause, peuvent être imposées . Les procédures collectives ont leurs raisons que la raison ignore…

C'est cette analyse qui a prévalu dans l'affaire en cause et qui a conduit à juger que les obligations des parties ne pouvaient être considérées ni comme réciproques ni comme dérivant d'un même contrat, en raison de leur différence de nature (l'une est quasi-délictuelle, l'autre est contractuelle).

Et tout juriste qui se respecte sait qu'il ne faut jamais tenter de passer outre cette summa divisio, au risque d'y perdre son latin!

Cass. Com., 18 décembre 2012, n° 11-17.872 :
www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026815504&fastReqId=936766041&fastPos=1

Philippe Touzet
Avocat à la Cour d'appel de Paris
Cabinet Touzet Bocquet & Associés
Société d’avocats – 7, Avenue de la Grande Armée 75116 Paris
www.touzet-bocquet.com

Vendredi 22 Février 2013




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