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Clause "d'intégralité" en droit anglais et en droit français

En raison de la rareté des décisions rendues sur le sujet, la portée en droit français de la clause d’intégralité (ou « clause des quatre coins » ou encore « clause d’accord complet ») est plus délicate encore à déterminer qu’outre-manche.


Malgré tout, l’insertion de plus en plus systématique d’une clause d’intégralité dans des contrats soumis au droit français confère à cette clause un intérêt à la fois théorique et pratique certain et nous incite à nous y intéresser de plus près.

A titre préliminaire, il convient de noter qu’il n’existe pas de contenu unique en matière de clauses d’intégralité, que cela soit en droit anglais ou en droit français. La portée de la clause d’intégralité et avec elle le « cloisonnement » du contrat varient considérablement selon les termes choisis par les parties pour la rédaction de la clause. Les objectifs poursuivis par les cocontractants sont multiples. Classiquement, l’objet principal de la clause de quatre coins est de prévoir que le contrat écrit définitif renferme toutes les stipulations et conditions que les parties ont adoptées. Seules ces dispositions ont une valeur contractuelle. Partant, tous les éléments extérieurs au contrat, notamment les déclarations et documents précontractuels, n’ont aucune force obligatoire et sont purement et simplement annulés. Toutefois, les parties peuvent élargir le champ de la clause. Par exemple, ils peuvent préciser que le juge ne pourra leur imposer aucune obligation (obligations précontractuelles, obligations découlant des usages de l’équité etc.) qui ne figure pas dans le contrat. Il peut encore être prévu que le contrat pourra uniquement être amendé par un écrit.

En pratique, les cocontractants doivent particulièrement soigner la rédaction de la clause en fonction du degré d’étanchéité et d’imperméabilité qu’ils entendent lui conférer.

Toutefois, l’inventivité et la grande liberté des parties dans la rédaction de leur contrat se heurtent parfois à la compréhension et à la vision particulière de la matière contractuelle par le juge. La prise en compte des clauses d’intégralité ne devrait pas déroger à cette règle.

Il convient donc de distinguer selon le type de clause d’intégralité envisagé.

1. Le juge français semble admettre l’efficacité des clauses d’intégralité en vertu desquelles le contrat écrit comporte l’accord complet des parties et qui excluent donc les obligations qui pourraient être issues des déclarations ou documents précontractuels. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a estimé dans un arrêt du 15 juin 2005 qu’ « aucune des parties ne pourra être tenue à autre chose que ce qui est expressément convenu par le présent contrat » en s’appuyant sur une clause du contrat selon laquelle ce dernier «annule et remplace tous accords écrits et verbaux antérieurs à la signature ».

De même, la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2002 a admis qu’une clause d’intégralité fasse obstacle à ce qu’un document publicitaire soit considéré comme un document contractuel. Pour ce faire, les hauts juges se sont appuyés sur l’article 1134 du Code civil, lequel reconnait les principes de force obligatoire des contrats et de bonne foi. D’ailleurs, on ne sait pas très bien laquelle de ces deux notions a fondé la décision des juges.

2. En revanche, est plus problématique l’admission de la clause d’intégralité par laquelle les cocontractants interdisent au juge de dégager une obligation qui ne serait pas expressément prévue dans le contrat. Se pose, notamment, ici la question de l’efficacité de la clause d’intégralité face à l’article 1135 du Code civil en vertu duquel « les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».

En effet, il parait peu probable que le juge acceptent d’ignorer le principe d’équité dans les contrats prévu à l’article 1135 du Code civil pour mettre à la charge une obligation non stipulée dans le contrat. La clause d’intégralité semble ainsi inefficace face au principe d’équité de l’article 1135 et aux obligations que le juge pourrait dégager sur ce fondement.

En Angleterre, les parties insistent sur l’insertion contractuelle de ces clauses afin de dégager leur responsabilité encourue pour déclarations inexactes ou incorrectes (concept de « misrepresentation »). Cependant, les tribunaux anglais n’ont pas souhaité accorder à ces clauses cette interprétation sauf dans le cas où les parties auraient expressément et clairement exprimé une telle volonté aux termes d’une clause d’exclusion de responsabilité. Ceci a été récemment confirmé par la Cour d’appel (Court of Appeal). Dorénavant, les parties doivent s’accorder sur une stipulation contractuelle expresse aux termes de laquelle le contrat n’a pas été conclu sur le fondement d’autres déclarations que celles figurant dans le document signé.

Une telle clause visant à limiter les recours ouverts à une partie contractante doit être conforme à la loi UCTA (Unfair Contract Terms Act 1977) et doit par conséquent être « raisonnable », sous peine de nullité de la clause. Aux termes de la loi UCTA, une clause est dite raisonnable lorsqu’elle est juste et raisonnable au vu des circonstances connues des parties, ou qui auraient dû être raisonnablement connues d’elles, au moment de la conclusion du contrat. A titre d’illustration, afin d’éviter la nullité de la clause, les parties ont intérêt à préciser de manière expresse que l’objet de cette clause n’est pas d’exclure la responsabilité des parties en cas de déclarations inexactes et frauduleuses (bien que la Chambre des Lords ait suggéré qu’une telle stipulation expresse n’était pas nécessaire).

Il n’existe pas de clauses efficaces qui garantissent l’exclusion de responsabilité pour des déclarations inexactes ou incorrectes.

Les clauses d’intégralité dans les contrats soumis au droit de la consommation sont encore plus vulnérables. En Angleterre, l’OFT considère que les consommateurs ont tendance à s’appuyer et à se reposer sur les déclarations faites par les professionnels avec lesquels ils contractent, notamment les vendeurs. Compte tenu des recommandations publiées par l’OFT, une clause type d’intégralité aux termes d’un contrat commercial ne serait pas valable dans un contrat régi par le droit de la consommation.

S’agissant des usages, la Cour de cassation dans un arrêt en date du 15 mai 2002 a estimé qu’une obligation découlant des usages s’imposait sauf dans l’hypothèse où une clause spéciale expresse aurait écarté cette possibilité. Ceci est aussi le cas en droit anglais.

3. Enfin, on peut se demander si, en plus d’écarter la valeur contractuelle de certains documents, la clause d’accord complet peut écarter leur valeur interprétative. Encore une fois, l’absence de jurisprudence rend hasardeuse toute analyse. Cependant, on peut penser que le juge français aura quelques difficultés à renoncer à sa mission la plus essentielle : l’interprétation du contrat. Il sera d’autant plus réticent à le faire que la clause à interpréter sera équivoque, ambigüe. En l’absence d’alternative valable permettant de comprendre la clause au regard des éléments du contrat, il est probable que le juge fasse fi de la clause d’intégralité et interprète le contrat à la lumière de documents précontractuels. Et s’il ne le faisait pas, ne serait-ce pas un déni de justice ?

Une voie médiane pourrait être choisie par les cocontractants. Sans dénier au juge son pouvoir d’interprétation, les cocontractants peuvent valablement le guider dans son interprétation, par exemple, hiérarchiser la valeur interprétative des documents.

De leur côté, les Principes européens du droit des contrats admettent que les clauses d’intégralité excluent la valeur interprétative d’un document à condition que cette clause ait fait l’objet d’une négociation particulière et n’est donc pas une clause type insérée par le rédacteur sans discussion entre les parties.

Pour leur part, les juges anglais ont précisé que les preuves extrinsèques (négociations préalables, documents annexes, etc.) sont recevables afin d’aider à l’interprétation du contrat.

Les parties peuvent recourir aux clauses d’intégralité pour sécuriser leurs engagements, tout en gardant à l’esprit qu’une telle clause ne permettra pas en toute hypothèse de créer un « cocon », une protection absolue, autour leur relation contractuelle.

Le renouveau de libéralisme contractuel, l’engouement pour les principes de précaution et de sécurité juridique et la progression récente du droit européen des contrats ne manqueront pas d’influencer la prise en compte des clauses d’intégralité en droit français.

L’enseignement est qu’il faut se méfier des clauses standard, car une fois écrite, elles seront invoquées, parfois à mauvais escient, dans un contentieux ou une renégociation ultérieurs. Tout ce qui figure dans un contrat a valeur juridique et peut être invoqué par l’une ou l’autre des parties. Vigilance donc.

La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris
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Jeudi 23 Juin 2011




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