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Circonstances factuelles objectives de corruption

Rapports complaisants d’auditeurs qui ne voient pas le risque pourtant évident dans les comptes de leurs clients, législateurs ou régulateurs nationaux ou régionaux sensibles aux lobbies … La crise financière entraîne la mise en lumière de la question des conflits d’intérêts et de la corruption : comment expliquer autrement toutes les inerties et compromissions avec la bonne intelligence sinon par des conflits d’intérêts pouvant dévier en corruption effective ?


Circonstances factuelles objectives de corruption
Comme l’explique le GAFI sur son site internet (1), pour l’OCDE, le fait de lutter contre les crimes économiques tels que la corruption et la fraude fiscale, constitue une priorité (2). Les principes de bonne gouvernance énoncés par l’OCDE sont en lien direct avec le travail mené par le GAFI.

L’OCDE a publié l’année dernière un Glossary of International Standards for Criminalisation of Corruption (3), dont malheureusement la traduction française n’est pas encore disponible. Ce glossaire a été réalisé par le Réseau anticorruption de l’OCDE, une initiative lancée en 1998 pour évaluer les pratiques de lutte anticorruption chez différents membres et explique la rareté des poursuites par l’imprécision des définitions en précisant que « For the bribery offences, the briber must offer, promise or give the bribe with the intention that the bribed official act or refrain from acting in the exercise of his/her functions or duties, etc. For trading in influence, the briber must intend that the recipient of the bribe influence the decision-making by an official. However, this does not mean that the intended result must have in fact occurred. The bribery offences require proof that the briber intended to influence the actions of the bribed official; they do not require proof that the official did, in fact, alter his/her conduct. (…) Proving the requisite intention is not always an easy task since direct evidence (e.g. a confession) is often unavailable. Indeed, bribery and trading in influence offences can be difficult to detect and prove due to their covert nature, and because both parties to the transaction do not want the offence exposed. Therefore, the offender’s mental state may have to be inferred from objective factual circumstances. (…) It is vital that the rules of evidence in criminal procedural codes permit this form of proof. »

Aussi, sur un plan pratique, faute de pouvoir prouver la corruption, les magistrats ont-ils tendance à rechercher l’abus de biens social, plus facile à mettre en œuvre. Mais cette approche est sans doute insuffisante alors que la corruption progresse dans le monde des affaires.

Il ne devrait en réalité pas être nécessaire de devoir démontrer une contrepartie pour identifier une situation de corruption et la déplorer. C’est ce que prône l’OCDE (et donc le GAFI) en précisant dans le glossaire que « l'état mental du contrevenant devrait être déduit des circonstances factuelles objectives (…) Il est indispensable que les règles de preuves dans les codes de procédure criminelle permettent cette forme de preuve »

Pour abonder dans le sens de l’OCDE qui fait preuve d’une clairvoyance remarquable et courageuse qui doit être soulignée, le citoyen responsable et la presse dans leur rôle de watchdog de bonne foi (4), et/ou la justice peuvent voire doivent ainsi poser sur le plan pragmatique une double interrogation sur, d’une part « l’intérêt à agir » d’un donateur pour faire un don et, d’autre part, la pertinence du don pour le bénéficiaire.

L’intérêt à agir d’un donateur

S’agissant de l’intérêt à agir du donateur, il doit être examiné, le fonctionnement de la juridiction dans laquelle le donateur évolue, et sa « position » par rapport au bénéficiaire du don.

Plusieurs questions relatives à la juridiction doivent être posées :
- y-a-t-il un chapitre de Transparence Internationale ?
- La juridiction est-elle bien classée dans sa région dans le baromètre de la corruption de TI ?
- Les recommandations des rapports des institutions de lutte contre la corruption (GRECO, Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption) sont-elles mises en œuvre à la lecture des rapports de ces institutions ?
- Existe-il une responsabilité pénale des personnes morales ?
- Existe-t-il une presse remplissant effectivement son rôle de watchdog ?

Ces questions ne sont pas exhaustives. La réponse négative (non) à une seule de ces questions doit interpeller le bénéficiaire et le conduire à décliner le don pour éviter que les circonstances factuelles objectives ne le fassent qualifier de corruption par un watchdog et/ou la justice en application de l’approche clairvoyante de l’OCDE.

Par ailleurs une question cruciale relative à la position du donateur par rapport au bénéficiaire du don doit être posée : le donateur a-t-il ou attend-il ou peut-il attendre dans le futur quelque chose du bénéficiaire eu égard à sa fonction (une décision favorable, un rapport officiel…) ? La réponse positive (oui) à cette question doit interpeller le bénéficiaire et le conduire à décliner le don pour éviter que les circonstances factuelles objectives ne le fassent qualifier de corruption par un watchdog et/ou la justice en application de l’approche clairvoyante de l’OCDE.

La pertinence du don pour le bénéficiaire

La réponse à cette dernière question permet ainsi de se placer du point de vue du bénéficiaire avec deux dimensions : le risque pour son indépendance et la place d’un don dans son financement.
Pour apprécier le risque du bénéficiaire pour son indépendance, trois questions inspirées de la charte de Transparence Internationale (5) peuvent être posées :
- Le don peut-il compromettre son aptitude à examiner les problèmes librement ?
- Le don peut-il compromettre son aptitude à examiner les problèmes en profondeur ?
- Le don peut-il compromettre son aptitude à examiner les problèmes objectivement ?
- Le donateur peut il rappeler ultérieurement le don en vue d’une faveur ?
La réponse positive (oui) à une seule de ces questions doit interpeller le bénéficiaire et le conduire à décliner le don pour éviter que les circonstances factuelles objectives ne le fassent qualifier de corruption par un watchdog et/ou la justice en application de l’approche clairvoyante de l’OCDE.

Par ailleurs une question cruciale relative au principe de réception d’un don doit être posé : les dons sont-ils prévus dans les modes de financement du bénéficiaire ? La réponse négative (non) à cette question doit interpeller le bénéficiaire et le conduire à décliner le don pour éviter que les circonstances factuelles objectives ne le fassent qualifier de corruption par un watchdog et/ou la justice en application de l’approche clairvoyante de l’OCDE.

En conclusion, ce cadre d’identification de situations de corruption inspiré du glossaire de l’OCDE permet d’identifier les situations de corruption objective, pour lesquelles les circonstances factuelles objectives selon les termes de l’OCDE doivent être admises comme forme de preuve dans les codes de procédure criminelle.

Dans la refonte du capitalisme financier, l’on attend en particulier l’OCDE et du GAFI, qui s’inspirent des travaux de l’OCDE, de se conformer strictement à cette approche dans leurs relations avec les Etats : Imagine-t-on que le Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption puisse accepter un « don généreux » d’une juridiction qui ne se conforme pas à ses recommandations et qu’il doit rappeler à l’ordre ? Non bien évidemment car cela ne ferait pas très sérieux.
Et l’on est en droit d’attendre également la même rigueur et la même exemplarité de la part du GAFI eu égard à son rôle « d’auditeur des places financières ».

Jérôme Turquey
Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
Chargé de cours en université et école de commerce

En savoir plus : ethiquedesplaces.blogspirit.com

(1) www.fatf-gafi.org/document/7/0,3343,fr_32250379_32236869_35816071_1_1_1_1,00.html
(2) voir www.oecd.org/daf et www.oecd.org/ctp
(3) OCDE, Glossary of International Standards for Criminalisation of Corruption, 2007 - www.oecd.org/dataoecd/6/4/39968498.pdf
(4) Comme l’a fort bien bien écrit l’OCDE, “Ethics is everybody’s responsibility, including that of an assertive media, which through its probing reporting helps citizens to act as watchdog over the actions of public officials” (Measures for promoting integrity and preventing corruption 13 October 2004, p. 39)
(5) L'article 6 de la Charte de Transparence Internationale : « Nous accepterons uniquement des financements qui ne compromettront pas notre aptitude à examiner les problèmes librement, en profondeur et objectivement »


Lundi 17 Novembre 2008




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