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Banques européennes et paradis fiscaux

Un quart des bénéfices des banques européennes dans les paradis fiscaux.


Dans leur nouveau rapport « Banques en exil : comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux », l’ONG Oxfam et le réseau Fair Finance Guide International livrent une analyse inédite des activités des 20 plus grandes banques de l’Union européenne [1].

Ce rapport démontre qu’elles déclarent 1 euro sur 4 de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit un total de 25 milliards d’euros pour l’année 2015. Un montant en déconnexion complète avec la réalité économique de ces territoires, qui ne représentent que 5 % du PIB mondial et 1 % de la population mondiale.

Oxfam publie pour la première fois une photographie complète de l’activité de 20 banques européennes en s’appuyant sur des données issues du « reporting pays par pays public », une obligation de transparence instaurée par l’Union européenne. Au terme de ce premier exercice de transparence pour toutes les banques européennes, le bilan est sans appel : les paradis fiscaux tiennent toujours une place prépondérante dans les activités des principales banques européennes.

Ce rapport démontre ainsi que :

- Les 20 plus grandes banques européennes déclarent 26 % de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit 25 milliards d’euros en 2015, mais seulement 12 % de leur chiffre d’affaires et 7 % de leurs employés. Le décalage est flagrant entre la part de leurs bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux et celle des autres indicateurs d’activités que sont le chiffre d’affaires et la main-d’œuvre.

- Dans les paradis fiscaux, les banques européennes ont peu d’employés - voire aucun - et profitent de niveaux de taxation très faibles, si ce n’est nuls. Les 20 banques européennes déclarent au global 628 millions d’euros dans des paradis fiscaux où elles n’ont pourtant aucun employé et 383 millions d’euros de bénéfices sur lesquels elles ne payent pas un seul euro d’impôts.

- Dans les paradis fiscaux, les employés des 20 plus grandes banques européennes sont 4 fois plus productifs qu’un employé moyen au niveau global.

- Les activités des 20 banques européennes sont plus de 2 fois plus lucratives dans les paradis fiscaux que dans les autres pays. Pour 100 euros de chiffre d’affaires, les banques européennes déclarent 42 euros de bénéfices dans les paradis fiscaux, contre 19 euros en moyenne. Certains cas, tels que celui des Iles Caïmans, mettent en lumière le caractère atypique de ces juridictions, où les banques atteignent des sommets de rentabilité : pour 100 euros de chiffre d’affaires, ce sont 167 euros de bénéfices qui y sont en moyenne récoltés.

Cette utilisation abusive des paradis fiscaux par les plus grandes banques européennes témoigne de l’utilisation multiple qu’elles peuvent en faire : délocaliser artificiellement leurs bénéfices pour réduire leur contribution fiscale, faciliter l’évasion fiscale de leurs clients ou contourner leurs obligations réglementaires.

« Les résultats de ce rapport, qui dépassent parfois l’entendement, montrent l’étendue du problème et l’impunité totale qui entoure les pratiques des plus grandes banques européennes dans les paradis fiscaux. Les scandales ne cessent de se multiplier et les banques ne semblent toujours pas changer leurs pratiques. Ces pratiques concourent directement au nivellement par le bas du système fiscal mondial et à la concentration extrême des richesses au détriment du plus grand nombre [2] » déclare Manon Aubry, responsable de plaidoyer Justice fiscale et Inégalités à Oxfam France, et auteure de ce rapport.

« Il est de la responsabilité de toutes les multinationales, comme des individus, de payer leur juste part d’impôt. Alors qu’un quart de la population européenne, soit 123 millions de personnes, risque de tomber dans la pauvreté et l’exclusion sociale, on estime à 1 000 milliards d’euros le manque à gagner annuel pour l’Union européenne du fait de la fraude et de l’évasion fiscales. Dans les pays en développement, où la mise en place de services publics essentiels est indispensable, on estime que l’évasion fiscale des multinationales fait perdre 100 milliards de dollars par an aux Etats » poursuit Manon Aubry.

Les paradis fiscaux préférés des banques au cœur de l’Europe

Le rapport met par ailleurs en lumière les paradis fiscaux qui ont aujourd’hui la préférence des banques européennes. Dans le peloton de tête, aux côtés d’Hong-Kong, le Luxembourg et l’Irlande se démarquent dans la course effrénée à la concurrence fiscale [3].

Au Luxembourg, les 20 plus grandes banques européennes déclarent 4,9 milliards d’euros de bénéfices, soit plus qu’au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède réunis. Et cela bien que le Luxembourg ne représente que 0,008 % de la population mondiale. La Société Générale y réalise 587 millions de bénéfices, un montant équivalent aux bénéfices qu’elle réalise en cumulé en Allemagne, Italie, Espagne et Pays-Bas. Un résultat guère surprenant au regard du rôle que joue le Luxembourg dans les circuits d’évasion fiscale. Le scandale des Panama Papers montrait ainsi que la filiale luxembourgeoise de la Société Générale a créé la moitié des sociétés offshore (475) en lien avec le cabinet Mossack Fonseca [4].

En Irlande, cinq banques (RBS, Société Générale, UniCrédit, Santander et BBVA) ont même obtenu une rentabilité supérieure à 100 % et dégagent plus de bénéfices qu’elles ne font de chiffre d’affaires. La Société Générale déclare ainsi en Irlande des bénéfices quatre fois plus importants que son chiffre d’affaires (39 millions d’euros contre 9 millions d’euros) [5]. Si des profits élevés dans un pays peuvent parfois s’expliquer, de tels résultats sont de nature à indiquer un potentiel transfert de bénéfices vers l’Irlande. L’Irlande confirme son statut de paradis fiscal puisque les banques européennes y affichent un taux d’imposition moyen à 6 % et même 2 % pour Barclays, Crédit Agricole et RBS, bien en deçà du taux normalement en vigueur de 12,5 %, déjà le plus faible de l’Union européenne.

Les banques françaises ne sont pas en reste

Les cinq plus grandes banques françaises – BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel – CIC et Société Générale – ont déclaré 5,5 milliards d’euros de bénéfices dans les paradis fiscaux en 2015. BNP Paribas et Société Générale restent les plus gros consommateurs français des paradis fiscaux et y déclarent respectivement 3,2 milliards d’euros et 1,3 milliards d’euros [6].

BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale sont par ailleurs toutes les quatre présentes aux Îles Caïmans. Elles y réalisent 174 millions d’euros de bénéfices bien qu’elles n’y emploient personne. BNP Paribas est en tête, avec 134 millions d’euros de bénéfices générés, sans employés, et sans payer un seul euro d’impôt.

La transparence fiscale, une nécessité

« Il aurait été impossible de faire la lumière sur les pratiques des banques européennes dans les paradis fiscaux sans ces nouvelles obligations de transparence qui s’imposent au secteur bancaire. Mais ce n’est que la face émergée de l’iceberg : si l’on souhaite lutter efficacement contre l’évasion fiscale, l’Union européenne doit s’assurer que ces obligations de transparence seront étendues à toutes les grandes entreprises, pour tous leurs pays d’activité et sans exception !» conclut Manon Aubry.

Une directive est actuellement en négociation au Parlement européen pour étendre l’obligation de transparence à toutes les multinationales. La proposition actuelle doit encore être améliorée, afin d’obliger les multinationales à fournir des informations pour tous les pays où elles ont des activités, sans exception possible, sans quoi la mesure serait inefficace [7]. Oxfam appelle par ailleurs les candidat-e-s à l’élection présidentielle française à préciser leurs positions en matière de transparence fiscale des entreprises [8].

Pour aller plus loin, téléchargez ci-dessous le rapport de 52 pages (PDF en français)

[1] Résumé de la méthodologie : Les informations utilisées dans la présente étude sont extraites du reporting pays par pays public contenu dans les documents de références annuels 2015, publiés en 2016, des vingt plus grandes banques européennes : BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE, and Crédit Mutuel-CIC (France); HSBC, Barclays, RBS, Lloyds and Standard Charter (Royaume-Uni) ; Deutsche Bank, Commerzbank AG, and IPEX (Allemagne) ; ING Group and Rabobank (Pays-Bas) ; UniCredit and Intesa Sanpaolo (Italie) ; Santander and BBVA (Espagne); and Nordea (Suède).
En 2016, tous les établissements bancaires européens ont en effet rendu publiques des informations sur leurs activités dans chaque pays d’implantation, conformément à la directive européenne sur les exigences de fonds propres (CRD IV).
Ces données comprennent : une liste des principales filiales et de leurs principales activités ; le chiffre d’affaires ; les bénéfices (avant impôts) ; le nombre de salariés ; les impôts sur le résultat ; les subventions publiques perçues. Sur la base de ces informations, Oxfam France et Fair Finance Guide International ont calculé un certain nombre d’indicateurs qui ont permis de comparer l’activité des banques dans les paradis fiscaux et les autres pays.
La méthodologie détaillée est disponible ici :
http://oxfamfrance.org/sites/default/files/banques_en_exil_-_methodologie_-_fr.pdf
Un tableau récapitulant les données principales dans les paradis fiscaux, ainsi qu’au Luxembourg et en Irlande est disponible ici :
http://oxfamfrance.org/files/tableauxrecapitulatifsbanquesenexil-globalluxirlande-oxfamxlsx

[2] Oxfam a démontré, dans son rapport « Une économie au service des 99% », paru en janvier 2017, que huit personnes détenaient aujourd’hui autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.
[3] Dans son étude intitulée « La bataille des paradis fiscaux », Oxfam a dressé la liste des 15 pires paradis fiscaux utilisés par les entreprises à travers le monde pour échapper à l’impôt. Le rapport révèle comment ces paradis fiscaux alimentent un nivellement par le bas de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial, qui prive les États de milliards de dollars essentiels pour combattre la pauvreté et les inégalités.
[4] Oxfam France, « Panama Papers : un nouveau scandale d’évasion fiscale qui révèle l’étendue de la finance offshore », 3 avril 2016.
[5] Toutes les banques ont été sollicitées pour commenter les résultats principaux de la recherche et fournir des explications. Société Générale a ainsi indiqué que le taux de marge élevé en Irlande était attribuable à l'application d'une méthode comptable de mise en équivalence, sans préciser la part relative de bénéfices concernés.
[6] Si l’on ne prend en compte que ses activités à l’international, presque 1/3 des bénéfices de la Société Générale sont ainsi déclarés dans les paradis fiscaux, pays qui comptent pourtant seulement 1/15 de ses employés en dehors de France. La productivité moyenne d’un employé de la Société Générale est ainsi 6 fois supérieure dans les paradis fiscaux.
[7] En France, un premier pas avait été franchi avec l’adoption, dans la loi dite Sapin II, d’un reporting pays par pays public partiel. Malheureusement, le Conseil Constitutionnel a fait le choix de censurer la mesure au détriment de l’intérêt général, portant ainsi un coup d’arrêt à la lutte contre l’évasion fiscale.
[8] Oxfam France, avec ses partenaires, interpelle les candidats aux élections présidentielle et législatives, afin de défendre « le Parti de la solidarité ». La première de ces 15 propositions vise ainsi à garantir le juste paiement des impôts par les entreprises via un reporting public pays par pays.


Crédit image : ©Thomas Bartel DDC by ESIEA
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Laurent Leloup
Fondateur Finyear Group
Auteur de "Blockchain, la révolution de la confiance"
Membre d'honneur du Cercle TURGOT.

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Mardi 28 Mars 2017




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