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11/20 Les dérives des Marchés Financiers (20 propositions)

Henri Arman, Gaël Giraud, Dominique Guégan et Rémy Léger (1) changent de perspective et examinent les pratiques des marchés financiers dans ce chapitre, onzième des « 20 propositions pour réformer le capitalisme » qui vous vaut ce nouvel épisode de cette (longue) chronique.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
Faut-il, comme le suggèrent les auteurs, éradiquer de la planète finance les dark pools, ces places de marchés opaques où le carnet d'ordre n'est pas rendu public et où les co-contractants supportent le risque que leurs contreparties soient défaillantes ? Avant de se poser la question dans ces termes, j'aimerais tenter de proposer un autre cheminement. Les bourses existent parce que des émetteurs (i) souhaitent se financer, et (ii) souhaitent que ceux qui les ont financés puissent arbitrer leurs investissements dans des conditions de liquidité suffisantes. Il y a donc ab initio une relation (au moins indirecte) entre l'entreprise-émetteur et la place de cotation. Cette dernière fournit un service à l'entreprise et à ses investisseurs : assurer la fixation des prix et l'appariement des ordres pour des titres de l'entreprise sur la base d'un carnet d'ordre alimenté par des acteurs agréés qui représentent leurs clients, les investisseurs. Un monopole local pourrait-il se justifier pour ces prestations ? Évoquons l'exemple des nombreuses entreprises de haute technologie Israélienne cotées au Nasdaq plutôt qu'à Tel-Aviv, ou celui des multinationales qui sont soucieuses de répliquer dans la géographie de leur actionnariat la diversité internationale de leurs clientèle et de leurs implantations. Pas de monopole, donc. Ce service peut-il être considéré comme un service public ? Je n'imagine pas de raison valable qui pourrait conduire le régalien régulateur à franchir le Rubicon qui sépare la rive du contrôle de celle de leur organisation, même au pays de Colbert. Donc une cotation est un service concurrentiel, et il n'y a pas lieu d'interdire a priori (dans un pays où la liberté d'entreprendre ne serait pas un vain mot) à un acteur de proposer un service de collecte des ordres + appariement, même si cette place alternative de négociation déguise du gré à gré en transaction de marché et n'offre pas les mêmes garanties de bonne fin qu'une place « officielle » pour les parties. Je pense en outre que nul ne contestera que des transactions de gré à gré peuvent être légitimes.

Mais autoriser, ce n'est pas laisser tout faire.

Pour pallier aux problèmes mis en évidence par les auteurs, je préconiserais deux solutions qui, si elles étaient mises en œuvre de façon conjointe, permettraient (peut-être ?) aux « dark pools » de quitter le coté obscur de la finance :

A- subordonner la négociation d'une valeur par un tel prestataire à l'accord préalable et explicite de l'émetteur de cette valeur ;

B- imposer à chaque place de cotation une « norme » des services rendus a minima (sur les volets surveillance & transparence, mais j'en oublie certainement).

Je ne sais pas si ce serait suffisant, mais je pense qu'avant d'interdire ces places de négociation, il serait opportun de tenter d'en améliorer le fonctionnement, pour éviter un potentiel désordre public qui résulterait d'une asymétrie entre les obligations des dites places.

Je serai plus exigeant que les auteurs sur la proposition d'interdire la vente de CDS à découvert, et je proposerais une prohibition de toute vente à découvert quelque soit l'actif considéré. Mais j'ai déjà commis un billet (2) sur le sujet il y a près d'un an ...

Sur le trading à haute fréquence aussi, j'ai récemment infligé aux lecteurs de Finyear un billet (3), mais je vais tout de même commenter la proposition d'imposer une durée minimale de 1/10 de seconde à chaque ordre émis. Pourquoi ce si minimaliste 1/10 de secondes plutôt que 1 seconde, 10 secondes, 1 minute ou 10 minutes ? Parce que la probabilité d'exécution d'un ordre augmente avec sa durée, et qu'une telle mesure aurait peut-être pour effet de limiter la volatilité induite par un carnet d'ordre trop rempli par rapport aux volumes effectivement traités (4). C'est astucieux, mais il serait aussi possible d'imposer réglementairement que sur chaque valeur un ratio de Q titres exécutés / Q' titres en carnet d'ordre soit respecté. Je pense effectivement qu'une régulation spécifique, et une tarification des services de la place de cotation à l'ordre (ou son annulation/modification), et une taxation minimale sur les transactions, et enfin un dispositif permettant de limiter la quantité de « déchets » dans les ordres permettrait de préserver les marchés d'une volatilité malsaine possiblement induite par le trading à haute fréquence. (Et pour une fois je soutiens la mise en application du principe de prudence : même si l'on n'apporte pas de preuve formelle que cette activité nuit à l'intérêt général en déstabilisant les marchés, le simple fait que cela soit soupçonné devrait conduire à analyser, réguler, modérer, voire interdire une telle pratique)

Les préconisations concernant le contrôle des risques au sein des banques pourraient-être d'un moindre intérêt si l'on décidait (voire proposition #10) d'interdire aux banques de se comporter comme un joueur de casino avec les dépôts des clients, mais dans l'ensemble ces propositions sont saines et logiques. Pour les acteurs du shadow banking, leurs clients et leur tutelle feront de ce besoin de contrôle une simple affaire de contenu, de reddition de compte et d'investigation sur le mandat de gestion. Pour ce qui est de la supériorité de l'expected shortfall sur la Value at risk, je brandis (lâchement) mon joker.

Sur la création d'un comité d'experts mathématiciens en charge de « normer » les modèles à utiliser, je souhaite juste citer le précédent des normes IFRS2 et FAS 123 où le normalisateur impose pour calculer la valeur d'options non-liquides des méthodes d'évaluation d'options d'achat liquides (Black, Scholes & Merton, Binomial). Autre avis autorisé, celui de Georges Clemenceau : « Quand je veux enterrer une affaire, je crée une commission. » Pourquoi pas, donc, mais il y a des écueils … et j'assume le cynisme désabusé et dubitatif de mon propos.

Sur la gestion de la cyclicité et des politiques de taux de la BCE, je ne peux que réitérer l'aveu de mon incompétence sur le sujet.

(1) Bios : 20propositions.com
(2) Enfreindre le tabou : www.finyear.com/Enfreindre-le-tabou_a19110.html
(3) THF, c'est un peu court : www.finyear.com/Transactions-a-haute-frequence-THF-c-est-un-peu-court-_a22757.html
(4) un petit calcul de pouce mouillé dans le vent : si 50% des volumes sont des transactions HTF et que 95% des ordres HTF sont annulés avant exécution, alors pour un volume de 100 la quantité minimale du carnet d'ordre est de 50 (non-HTF) + 50/(1-0,95) soit 1050. Si 99% des ordres sont annulés, le volume minimal du carnet d'ordre est de 5050. Dès lors, comment soutenir que le prix de la transaction issu d'un tel carnet d'ordre est le reflet de la volonté d'acteurs désireux de conclure la transaction, condition pour que le prix soit juste ?

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx
Mail : boss(at)remsyx(dot)com
 
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Bonne lecture !

Vendredi 29 Juin 2012




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